28 septembre 2022
Alice Elfassi

9 entreprises mises en demeure pour non-respect du devoir de vigilance lié à leur utilisation du plastique

Surfrider Foundation Europe, ClientEarth et Zero Waste France mettent en demeure 9 géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution pour l’insuffisance de leurs actions dans la réduction des risques liés à la pollution plastique, sur le fondement de la Loi Devoir de vigilance du 27 mars 2017.

Newsletter
Partager

A travers ces mises en demeure, les 3 associations demandent expressément aux entreprises Auchan, Carrefour, Casino, Danone, Lactalis, McDonald’s, Les Mousquetaires, Picard et Nestlé de respecter leurs obligations légales et de s’engager pour la réduction à la source de leur production de plastique.

Qu’est-ce qui est reproché à ces entreprises ?

Le plastique est omniprésent dans les activités et la chaîne de valeur (comprenant les filiales, fournisseurs, transporteurs, clients) de ces entreprises :

  • Dans les produits finis et les emballages : elle représente la plus grande et la plus visible des parties de la pollution plastique.
  • Dans les processus industriels : les barquettes, les granulés de plastique utilisés comme matière première, les biomédias pour filtrer les liquides.
  • Pour le transport des marchandises : film plastique pour le transport de palettes, caisses.
  • Pour la promotion des produits : goodies, échantillons, papiers plastifiés, publicités sur le lieu de vente.
  • Dans la fabrication des matières premières : bâches agricoles pour recouvrir les sols ou protéger les bottes de foin.

La production de déchets plastique dans le monde a quasi doublé entre 2000 et 2019 et pourrait tripler d’ici à 2060. Il est nécessaire de réduire l’utilisation du plastique à tous les niveaux de la société et les entreprises ont un rôle majeur à jouer.

Les 9 entreprises visées sont soumises à la loi sur le devoir de vigilance. Au regard des atteintes graves et irréversibles liées à l’utilisation du plastique sur notre environnement et notre santé, elles doivent agir pour en limiter la cause. Ces entreprises, par leur taille et leur influence sur les marchés, sont considérées comme des « donneurs d’ordre » et ont le pouvoir de faire bouger tout un secteur d’activité. En tant que leaders, elles doivent montrer l’exemple et s’engager dans une réduction importante de leur utilisation du plastique.

À ce jour, aucune des entreprises mises en demeure n’a adopté les mesures de vigilance adaptées à la nature des risques liées à l’utilisation des plastiques. Il est nécessaire pour ces entreprises d’engager dès maintenant une trajectoire de déplastification permettant de limiter leur impact sur les écosystèmes et sur notre santé.

Le plan de vigilance, une obligation légale qui doit tenir compte des problématiques environnementales

La loi française sur le devoir de vigilance du 27 mars 2017 a été adoptée en réaction au drame du Rana Plazza : l’effondrement d’une usine textile au Bangladesh en 2013 faisant plus de 1100 morts, suivi de la découverte d’étiquettes de plusieurs marques célèbres de prêt-à-porter dans les décombres. Auparavant, les entreprises n’étaient pas jugées responsable de ce qu’il se passait dans leur chaîne de valeur.

Les grandes entreprises, ayant plus de 5000 salarié·es en France ou 10000 salarié·es en France et au sein de leurs filiales étrangères, doivent publier chaque année un plan de vigilance identifiant les risques environnementaux et sociétaux résultant de leurs activités, de celles de leurs filiales, et de leurs fournisseurs et sous-traitants. Ces plans doivent comporter les mesures de limitation et de prévention adaptées à la gravité de ces atteintes, ainsi qu’un compte-rendu de la mise en œuvre de ces mesures. A ce titre, étant donné l’ampleur de la crise du plastique, les entreprises doivent apporter des réponses satisfaisantes sur le sujet.

Qu’en est-il des plans de vigilance des entreprises mises en demeure sur la déplastification de leurs activités ?

  • Certaines ont publié des plans comportant des mesures incomplètes et insatisfaisantes sur le plastique.
  • Certaines n’ont pas jugé utile d’évoquer le plastique dans leur plan.
  • Et certaines n’ont même pas pris la peine de publier un plan de vigilance.

La loi sur le devoir de vigilance en France permet d’interpeller les entreprises pour remédier à l’insuffisance de leurs actions. Si elles ne corrigent pas ces manquements de vigilance, les associations pourront alors sous 3 mois saisir la justice.

Concrètement, qu’est-ce qui est attendu de la part de ces 9 entreprises ?

1. Un bilan plastique complet de l’entreprise sur toutes ses activités et sur sa chaîne de valeur.

2. Sur la base de ce bilan, un plan de déplastification avec des objectifs chiffrés et datés…

3. La mise en application stricte de ce plan !

Parmi les entreprises mises en demeure, aucune n’a été capable de publier de tels éléments.

Trop souvent, seul le recyclage est mis en avant par les entreprises dans la lutte contre la pollution plastique. Alors qu’au niveau mondial seuls 9% des déchets plastique ont été recyclés en 2019 selon l’OCDE, il ne peut être la seule solution à la consommation excessive de plastique. Le recyclage ne permet pas de supprimer tous les risques environnementaux liés à l’utilisation du plastique, sans parler des risques liés à la santé ou aux droits humains auxquels le recyclage n’apporte aucune solution.

Parmi ces 9 entreprises, certaines figurent parmi les 10 entreprises qui produisent le plus de déchets plastiques dans le monde. Face à l’urgence de la lutte contre la pollution plastique, Zero Waste France, Surfrider Foundation Europe et ClientEarth les appellent à prendre des engagements concrets de réduction à la source de leur production de plastique, dans le respect de la loi.

Actualités

21 février 2025

DEVOIR DE VIGILANCE EN MATIÈRE DE PLASTIQUE : LES ONG ET DANONE PARVIENNENT À UN ACCORD DANS LE CADRE D’UNE MÉDIATION

En janvier 2023, la coalition d’ONG ClientEarth, Surfrider Foundation Europe, et Zero Waste France assignait la société Danone pour non-respect à leurs yeux du devoir de vigilance en matière de pl[...]

11 février 2025

Règlement emballages (PPWR) : un socle minimal pour des politiques publiques de prévention et de réemploi ambitieuses

Dans le cadre du Pacte Vert, la Commission européenne dévoilait fin 2022 son projet de texte visant à harmoniser les règles relatives aux emballages. Le règlement dit “PPWR” entre finalement en vi[...]

à la une
10 février 2025

5e anniversaire de la loi AGEC : la France doit redoubler d’efforts pour sortir du tout-jetable

Promulguée le 10 février 2020, la loi AGEC a initié un élan pionnier en faveur de la réduction des déchets et de la préservation des ressources. 5 ans plus tard, No Plastic In My Sea, Surfrider Fo[...]

20 janvier 2025

Aux côtés de 86 organisations, Zero Waste France quitte X

Zero Waste France s'associe à 86 associations et syndicats qui annoncent quitter collectivement le réseau social X (ex-Twitter) ce lundi 20 janvier, jour de l’investiture de Donald Trump. En soute[...]

09 janvier 2025

Loi Industrie Verte : Notre Affaire à Tous et Zero Waste France demandent au Conseil d’État l’annulation des décrets d’application

Notre Affaire à Tous et Zero Waste France contestent devant la justice la légalité de trois décrets d’application de la loi Industrie Verte. Ils opèrent en effet un détricotage massif du droit de [...]

01 janvier 2025

Interdictions au 1ᵉʳ janvier 2025 : éviter les retours en arrière

De nouvelles dispositions réglementaires s’appliquent au 1ᵉʳ janvier 2025, concernant notamment l’interdiction de plastique à usage unique. Zero Waste France décrypte les nouveautés et alerte sur [...]

17 décembre 2024

Tri à la source des biodéchets : un an après l’obligation, un bilan insuffisant

Un an après l’entrée en vigueur de l’obligation de tri à la source des biodéchets, Zero Waste France a interrogé ses groupes locaux et adhérent·es à travers le pays. Notre constat : l’accès à des [...]

16 décembre 2024

Décharges : comment réduire une source majeure de gaz à effet de serre ?

En France, près de 75% des émissions de gaz à effet de serre du secteur des déchets proviennent des décharges. Zero Waste France alerte face au méthane encore généré par la décomposition des biodé[...]

13 décembre 2024

2024 : Retour sur une année d’actions

Tout au long de l’année 2024, nous avons enquêté et alerté sur les dérives de la surproduction, interpellé les pouvoirs publics pour faire avancer la réglementation, et défendu une démarche zéro d[...]

10 décembre 2024

Textiles sanitaires à usage unique : une filière REP attendue, mais déjà décevante

Promise comme une avancée majeure, la filière REP pour les Textiles Sanitaires à Usage Unique se limite, dans son projet d’arrêté, aux seules lingettes. Pour Zero Waste France, cette restriction c[...]