Construction d’un incinérateur à La Chapelle-Saint-Luc : le tribunal valide le projet en dépit de ses impacts environnementaux

Un projet de nouvel incinérateur inutile et polluant

Par arrêté du 27 septembre 2018, le Préfet de l’Aube a autorisé la société Valaubia, une filiale de Véolia, à exploiter une usine d’incinération d’ordures ménagères d’une capacité de 60 000 tonnes à La-Chapelle-Saint-Luc (près de Troyes). Le SDEDA (syndicat de traitement des déchets ménagers aubois, qui regroupe la totalité des 431 communes du département, environ 310 000 habitants), est maître d’ouvrage de l’usine ; il affirme depuis l’origine du projet que l’usine est vouée à traiter des ordures ménagères résiduelles, et que ce projet ne freinera pas sa politique de prévention des déchets.

Le recours introduit en 2019 par les associations souligne notamment que ce projet d’incinérateur méconnaît la hiérarchie des modes de traitement des déchets imposée par le code de l’environnement, qui met en avant la prévention prioritairement au traitement. Plusieurs autres arguments sont avancés à l’appui de la demande d’annulation de l’autorisation : une incomplétude du dossier d’étude d’impact, notamment en l’absence de définition du périmètre d’impact potentiel et d’analyse des dangers des réseaux de chaleur, et un surdimensionnement de la capacité de traitement de l’usine par rapport aux besoins en incinération du territoire.

En effet, la capacité d’incinération de l’usine (60 000 tonnes par an, dont 55 000 tonnes d’ordures ménagères et 5000 tonnes de déchets d’activités économiques), semble être calée sur une production de l’ordre de 180 kg d’ordures ménagères résiduelles (OMR) par habitant et par an. Ce nombre est encore très loin des possibilités de réduction des OMR déjà observées dans de nombreuses collectivités en France, notamment via la mise en place de solutions de tri à la source des biodéchets ainsi que d’une tarification incitative.

La commune de La Chapelle-Saint-Luc a également formé un recours pour obtenir l’annulation de l’autorisation ; en raison de leur objet commun, les deux requêtes sont jugées ensemble par le tribunal. La commune avance notamment l’argument de l’absence de dérogation “espèces protégées”, non demandée par le projet, dérogation pourtant obligatoire dans la mesure où le projet occasionne une destruction ou une mutilation de plusieurs espèces protégées, ainsi qu’une destruction, altération ou dégradation de leurs sites de reproduction et aires de repos.

Un maintien total du projet par le juge, malgré la reconnaissance d’un manquement à la réglementation environnementale

Par un jugement rendu le 11 février 2021, le tribunal rejette l’ensemble des arguments des associations et de la commune requérantes, excepté celui concernant l’absence de dérogation “espèces protégées”. Il reconnaît que cette dérogation doit être obtenue par le projet – qui en l’état est donc illégal – mais il décide de ne pas annuler l’autorisation, et de seulement suspendre sa décision finale à l’adoption par le Préfet d’un tel arrêté de dérogation. Le juge laisse ainsi un an à la société Valaubia pour obtenir cette dérogation, délai à l’issue duquel il rendra sa décision finale.

Le rejet de tous les autres moyens avancés par les requérantes est très sommaire. Notamment, concernant le manquement à la hiérarchie des modes de traitement des déchets, le juge considère que la construction d’un incinérateur est “étrangère  par  elle-même  au  régime  de  traitement  et  de  gestion des  déchets”, argument pour le moins contestable dans la mesure où l’incinération est un mode de traitement des déchets, de surcroît très peu flexible et freinant donc les politiques de prévention.

Cette décision du juge valide donc entièrement le principe du projet et sa réalisation, sans même suspendre son exécution le temps de l’année donnée à Valaubia pour obtenir une dérogation “espèces protégées”. Malgré son illégalité, l’exploitation du projet peut donc continuer.

Zero Waste France réaffirme son opposition à ce jugement, qui valide sans réserve le recours à l’incinération, en dépit de ses impacts environnementaux et sans considérer les besoins d’élimination de déchets du territoire concerné ni ses marges de progression en matière de prévention des déchets.