Filière REP emballages : un cahier des charges toujours en retard sur les enjeux
Alors que les débats ont été vifs sur la consigne pour recyclage, la consigne pour réemploi est malheureusement restée à l’arrière-plan. Mais ce n’étaient pas les seuls sujets en débat, loin de là. Après dix mois de réunions de concertation, le nouveau cahier des charges de la filière REP des emballages ménagers et papiers graphiques a été ouvert à consultation publique du 2 au 24 novembre. Zero Waste France alerte une fois de plus à cette occasion : les enjeux cruciaux de réduction et de réemploi ne sont toujours pas traités sérieusement.
Réduire les emballages, une urgence
C’est la priorité dans la hiérarchie du traitement des déchets : réduire les déchets à la source. Pourtant, l’impératif de réduction n’est malheureusement toujours pas la priorité de la REP. L’effort de réduction se résume souvent à une suppression des suremballages inutiles ou à une attention portée à la taille des emballages, alors qu’il faudrait plutôt engager un changement des usages pour en finir avec les emballages à usage unique.
Les objectifs fixés par la loi anti-gaspillage et pour une économie circulaire de 2020 sont pourtant clairs :
- diviser par deux le nombre de bouteilles plastiques mises en marché d’ici 2030
- en finir avec les emballages plastiques à usage unique d’ici 2040.
Le cahier des charges en tient compte, fort heureusement, en reprenant l’objectif fixé dans le décret 3R de 20% de réduction des déchets d’emballages plastiques à usage unique d’ici 2025. Mais les déchets ici sont comptabilisés en masse plutôt qu’en unités, ce qui invite à se concentrer sur la taille de l’emballage plutôt qu’à en questionner la pertinence.
Plusieurs primes et pénalités sont proposées afin d’inciter à réduire les emballages à usage unique. Les écomodulations, principe clé de la REP, fonctionnent dès lors qu’elles incitent ou dissuadent réellement les metteurs en marché. Force est de constater que cela n’a pas été le cas depuis trente ans que la REP emballages existe. Les malus mis en place pourraient jouer un véritable rôle si leur montant était réellement dissuasif, en le faisant porter par exemple jusqu’à 20% du prix du produit comme cela est rendu possible par la loi. Les montants des bonus-malus portant sur la réduction ne sont pas précisés dans le cahier des charges, les laissant donc à la libre appréciation des éco-organismes. Les pouvoirs publics auraient pourtant eu là un rôle à jouer.
Des pénalités sont également proposées pour les emballages à usage unique dès lors qu’il existe une alternative en réemploi. C’est très bien, mais Zero Waste France recommande également de prévoir un autre niveau de pénalité pour les emballages à usage unique sans solution actuelle de réemploi, justement pour inciter à la recherche de telles solutions.
Réemployer les emballages : la nécessaire transition
La loi AGEC fixait l’objectif d’atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040. Pour cela, elle imposait qu’un objectif de réduction, un objectif de réutilisation et de réemploi et un objectif de recyclage soient fixés par décret pour la période 2021-2025, puis pour chaque période consécutive de cinq ans.
Le cahier des charges se contente donc de reprendre ces deux objectifs de réemploi :
- 10% d’emballages ménagers en plastique à usage unique dont la mise sur le marché a pu être évitée en raison d’une opération de réemploi ou une opération de préparation en vue de la réutilisation d’ici 2025
- 10% de mise sur le marché d’emballages ménagers réemployés d’ici 2027.
Zero Waste France a recommandé que, puisqu’il est fixé pour la période 2024-2029, le nouveau cahier des charges de la REP emballages anticipe le prochain décret 3R 2025-2030 afin de fixer dès aujourd’hui une trajectoire de réemploi jusqu’en 2029. Les acteurs économiques ont besoin de cette visibilité. L’association propose d’ores et déjà de définir un objectif pour 2030 d’au moins 20% de réemploi des emballages exprimé en pourcentage et en unités de vente. Cet objectif pourra être précisé par secteur. La trajectoire devra être accélérée fortement sur la décennie suivante pour atteindre 50% de réemploi en 2040. C’est indispensable pour atteindre l’objectif de zéro emballage plastique à usage unique à cette échéance. Les demandes des associations n’ont pas été entendues pour ce cahier des charges, générant une forte incertitude sur les objectifs de réemploi au-delà de 2027.
S’agissant des écomodulations, deux primes sont proposées par le nouveau cahier des charges : l’une d’au moins 50% du montant de la contribution financière pour tout emballage réemployable et une autre de 100% pour tout emballage réemployable respectant une gamme standard. Leur montant devrait être réellement incitatif et à même de soutenir celles et ceux qui déploient des alternatives aux emballages à usage unique. Une première version du texte proposait d’aller jusqu’à 200% pour les emballages réemployables respectant une gamme standard. Pourquoi avoir reculé ?
Enfin, un point porte sur la définition de gammes standard d’emballages réemployables. Cela devient un serpent de mer. La loi AGEC prévoyait la définition de gammes standard au plus tard le 1er janvier 2022. Ici, il s’agit désormais pour les éco-organismes de fournir un rapport d’étape dans les six mois, et de garantir une “disponibilité opérationnelle des différentes gammes standards d’emballages au plus tard dans les 18 mois”. Il est grand temps.
L’utilisation de gammes standard est essentielle pour une généralisation efficace de la consigne pour réemploi. Il va sans dire que cette pratique, que de nombreuses entreprises ont déjà adoptée, va à contre-courant des stratégies marketing de certaines marques qui vendent leurs produits dans des emballages dits iconiques. Zero Waste France défend à ce sujet une approche très simple : quand une stratégie marketing contribue à polluer la planète, elle doit changer.
Recycler les emballages
Sur ce point, le cahier des charges entre dans moult détails.
L’enjeu de collecte des emballages recyclables a été longuement débattu, avec deux hypothèses sur la table : une consigne pour recyclage des bouteilles en plastique, ou une hypothèse sans consigne faisant appel à différents leviers d’amélioration de la collecte. C’est la deuxième option qui a été choisie pour l’instant, et matérialisée par une modalité nouvelle de financement des collectivités locales qui gèrent la collecte et le recyclage de ces déchets : le financement à la performance. En quelque sorte, les bonus-malus que connaissent les industriels sur leur éco-contribution seront mis en place également pour les collectivités. Celles qui ont de bons résultats de collecte pour recyclage bénéficieront d’un bonus financier, les autres d’un malus. Cette modalité tout à fait nouvelle transforme structurellement le fonctionnement de la REP, puisque le barème de soutien aux collectivités territoriales ne sera désormais plus calculé simplement de façon à contribuer à couvrir les frais du service public de gestion des déchets, mais de façon à inciter à une meilleure gestion de ce service public.
Cependant la cahier des charges demande également à l’éco-organisme d’élaborer une étude de préfiguration de la consigne pour recyclage, ce qui étonne fortement, tant dans le signal qu’il donne que dans ses modalités : pourquoi faire une étude de préfiguration alors que l’hypothèse de la consigne pour recyclage est pour l’instant mise de côté ? Et pourquoi confier une telle étude aux éco-organismes, alors que faire travailler l’Ademe sur ce sujet permettrait un travail serein libéré des conflits d’intérêt ?
Jusqu’où peut-on compter sur la REP pour transformer la filière des emballages, première filière responsable de la pollution plastique ? Clairement, ces longs mois de concertation et le cahier des charges décevant qui en résulte confirment une chose : la REP ne peut pas faire office de politique publique.
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Le cahier des charges est en consultation publique jusqu’au 24 novembre, partagez votre avis !