L’Ademe s’attaque au gaspillage alimentaire dans la grande et moyenne distribution
Le secteur de la grande distribution génère chaque année 1,4 million de tonnes de gaspillage alimentaire. Synthèse des dernières recommandations de l'Ademe.
1,4 million de tonnes : c’est l’ampleur du gaspillage alimentaire généré par le secteur de la distribution chaque année, c’est-à-dire “tous les produits qui n’ont pas une issue commerciale mais sont encore consommables par l’homme”.
Dans le cadre de sa campagne “Ca suffit le gâchis”, l’Ademe associe les entreprises et notamment les professionnels de la grande et de la moyenne distribution à la lutte contre le gaspillage alimentaire. 10 magasins ont bénéficié d’un suivi de l’Ademe et d’un bureau d’études afin de diagnostiquer leurs pertes et de mettre en place un certain nombre d’actions de réduction du gaspillage alimentaire, pendant trois mois.
Un problème d’ampleur aux causes multiples
Les distributeurs représentent à eux seuls 14 % des 10 millions de tonnes de pertes alimentaires annuelles, principalement dues à des problèmes de logistique, de stockage ou de mise en rayon. C’est le premier constat dressé par l’Ademe dans son état des lieux du gaspillage alimentaire en France, même si les pourcentages de pertes varient selon les caractéristiques des magasins (emplacement, volumes de vente, fréquence de la clientèle, stabilité des équipes, etc.). On remarque également que le gaspillage touche principalement les rayons fruits et légumes et traiteur.
C’est donc un problème d’ampleur dans ce secteur : de plus en plus d’engagements sont pris par les magasins pour lutter contre le gaspillage alimentaire mais des marges de manoeuvre importantes subsistent. En plus d’un intérêt économique non négligeable à s’engager dans la lutte contre le gaspillage (qui représente en moyenne 0,9 % de leur chiffre d’affaires annuel sur les produits alimentaires), les grandes enseignes sont désormais encadrées dans ce domaine par le Pacte national de lutte contre le gaspillage qui prévoit de réduire de moitié le gaspillage à l’horizon 2025 et la loi du 11 février 2016 qui les oblige à donner leurs invendus.
Les causes du gaspillage alimentaire dans la distribution sont multiples. Il existe tout d’abord un problème de gestion des produits référencés en magasin, puisque 1 % des références – celles qui se vendent le moins bien- sont responsables de 20 % du gaspillage alimentaire. La seconde raison évoquée est la sur-manipulation des produits par le personnel et les clients, avec un risque accru que le produit soit abîmé ou la chaîne du froid rompue. L’Ademe évoque enfin un facteur organisationnel, qui explique que les équipes vont “se concentrer davantage sur la valeur marchande des produits alimentaires que sur le potentiel de gaspillage que ces derniers peuvent générer”.
gestion des commandes, zone anti-gaspillage, don, etc.: des actions en amont et en aval
L’Ademe s’est donc engagée auprès de 5 grandes enseignes et 10 grandes et moyennes surfaces dans différentes régions de France afin d’établir avec eux un diagnostic de leurs pertes puis leur proposer un plan d’actions sur 3 mois pour faire baisser la gaspillage alimentaire et évaluer les économies réalisées.
Les enseignes volontaires pouvaient s’engager sur 10 actions, présentées selon plusieurs critères : facilité de mise en oeuvre, potentiel de réduction du gaspillage alimentaire et rentabilité économique. Les actions proposées visaient à agir à la fois sur l’amont, c’est-à-dire les actions qui s’intègrent dans la stratégie du magasin, comme une meilleure gestion des commandes et des références, la vente assistée de fruits et légumes ou la sensibilisation des employés et des clients et sur l’aval : mise en place d’une zone anti-gaspillage, “stickage” d’offres promotionnelles liées à la proximité de la date limite de consommation, don à des associations. Certaines de ces actions peuvent avoir un coût non négligeable au départ mais sont de manière générale assez rapidement rentabilisées.
22% de gaspillage alimentaire évités en trois mois
Les résultats observés sont d’ores et déjà très encourageants. En moyenne, les 10 établissements suivis par l’Ademe ont évité 22% du gaspillage alimentaire sur cette période de trois mois, ce qui représenterait au total l’équivalent de 320 000 repas par an (160 tonnes), et environ 70 000€ d’économies pour chaque magasin. La réduction du gaspillage est même allée jusqu’à 66 % pour l’un d’entre eux ! Transposés à l’ensemble de la grande distribution, ces résultats permettrait une réduction du gaspillage alimentaire “de 300 000 tonnes par an, soit une économie de 700 millions d’euros”.
Illustration avec un Super U en Loire-Atlantique, qui emploie 65 personnes, accueille 10 000 clients par semaine et génère un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros par an: l’évaluation réalisée par l’Ademe montre que dans ce magasin, le gaspillage représente 1,15 % du chiffre d’affaires annuel, soit 160 000€. Ce coût dit “complet”du gaspillage comprend la valeur marchande des produits à 70%, à laquelle s’ajoutent les frais de personnels, d’énergie et de collecte et de traitement des déchets. Pour agir, cette grande surface a utilisé en priorité l’outil informatique afin affiner ses commandes, mais également créé une zone bien identifiée pour les produits à dates courtes et désigné une ambassadrice anti-gaspillage, qui accompagne à la fois les clients et les employés. Les actions mises en place sur trois mois ont réduit de ⅓ les volumes gaspillés (soit environ 8 tonnes), et permettent d’envisager 40 000€ d’économies par an.
Dans un magasin E. Leclerc de Vannes, ce sont 53 000 € qui ont pu être économisés en 5 mois avec la création d’une zone anti-gaspillage et la généralisation du don aux associations. Les gérants mentionnent également d’autres effets positifs de ces nouveaux modes de gestion, au-delà des bénéfices économiques: les employés sont fiers de participer à la lutte contre le gaspillage et souvent soulagés de ne plus avoir à jeter des produits encore consommables.
la réglementation et le manque de lisibilité freinent encore la lutte contre le gaspillage
Malgré ces bons résultats, les marges de progression sont encore importantes. Certaines enseignes, par manque de lisibilité ou à cause de règles trop contraignantes préfèrent ne pas prendre de risques et jeter. Certains produits pâtissent de règles trop contraignantes, comme les oeufs, qui ne peuvent plus être vendus en magasin à moins de 7 jours avant leur date limite de consommation, ou des fruits de calibres différents qui auraient été mélangés. C’est l’ensemble du lot qui est alors jeté. Enfin, certains fournisseurs ne veulent pas que leur marchandise soit donnée, notamment pour préserver l’image de leur marque et préfèrent payer pour sa destruction. Autant de freins à la lutte contre le gaspillage.
Pour compenser, l’Ademe entend impliquer encore davantage d’enseignes et de magasins dans la démarche, à travers une campagne de communication vidéos où les gérants de magasin racontent leur expérience et présentent leurs résultats. Elle a également publié les fiches “Actions” et “Magasins”, et propose des fiches d’autodiagnostic pour que chaque magasin puisse évaluer ses marges de manoeuvre et s’engager dans une démarche de réduction du gaspillage alimentaire.