16 février 2022
Laura Frouin

Quelles alternatives à l’incinération? Les leçons de Besançon

L’incinérateur de Besançon fonctionne désormais avec un seul four. Si cette nouvelle est réjouissante, elle ne doit pas occulter les marges d’efforts qu’il reste à faire : malgré la réduction significative du poids de la poubelle “tout-venant”, la quantité totale de déchets produits sur le territoire n'a pas diminué depuis 2013.

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Besançon, un territoire pionnier dans la réduction des déchets

La décision avait été prise en 2008 : le plus vieux des deux fours de l’incinérateur ne sera pas remplacé. Pour réussir à traiter avec un seul four la totalité des déchets produits par les 224 000 habitant·es de 3 intercommunalités, le Sybert, -le syndicat de traitement mixte composé du Grand Besançon, et des communautés de communes Loue Lison et du Val marnaysien- a mis en place une politique ambitieuse de réduction des déchets.

En misant notamment sur la tarification incitative et la généralisation du compostage des biodéchets, les Ordures Ménagères Résiduelles (OMR, c’est-à-dire le bac gris) incinérées par an sont passées de 53 000 tonnes à 30 000 tonnes entre 2004 et 2020. En 2020, selon le rapport annuel du Sybert, les Ordures Ménagères Résiduelles ont été évaluées à 136 kg/habitant·e, faisant du territoire du Sybert le plus performant en matière de réduction des déchets en France.

L’extension des consignes de tri sonne-t-elle vraiment la fin des soucis?

En décryptant le rapport annuel du Sybert de 2020, Zéro Déchet Besançon a cependant mis en lumière la stagnation du poids des DMA (Déchets Ménagers et Assimilés) depuis 2013 : 

“Le total des déchets des habitant·es, en comptant les OMR, la collecte sélective emballage papier, le verre et les apports en déchetterie, est de 453,8 kg par an/hab, en diminution par rapport à 2019. Cependant, sur le long terme, nous pouvons voir que ce niveau était déjà le même en 2013.”

En effet, c’est grâce au report de leur poids vers la poubelle de tri que les OMR ont pu sensiblement diminuer. L’extension des consignes de tri en 2016 a permis de simplifier les règles de tri et d’augmenter significativement le nombre d’emballages acceptés dans la poubelle de tri.

Mieux trier, d’accord, mais qu’en est-il de rendre accessible les solutions de réduction des déchets, tel que la consigne ou la réparation ? Si le geste de tri est indispensable pour une bonne gestion des déchets, un emballage dans la poubelle jaune reste un déchet qui aurait pu ne pas exister. De par ces nombreuses limites techniques et systémiques, le système de recyclage ne peut constituer la seule solution durable pour limiter l’impact de nos déchets sur l’environnement.

Zoom sur les 4 principales limites du recyclage

Le « recyclage à l’infini » est un mythe

 Le terme de “décyclage” est plus approprié, puisque de la matière vierge est forcément utilisée pour produire un nouvel emballage. Le plastique est recyclé entre 1 et 3 fois maximum en moyenne.

Seulement 65% des emballages plastiques sont techniquement recyclables aujourd’hui

 A l’instar du pot de yaourt, de nombreux matériaux sont utilisés dans un seul emballage, ce qui rend impossible l’isolement de chaque matériau pour les recycler individuellement.

Un emballage recyclable ne veut pas dire qu’il sera recyclé

Prenons l’exemple des capsules de café :  généralement incluses dans l’extension des consignes de tri, elle sont en réalité très peu captées par les centres de tri, qui n’ont pas la capacité technologique de les reconnaître et de les acheminer vers la bonne filière de recyclage.

Le recyclage est devenu un argument de vente

Il permet de justifier de continuer à utiliser des objets à usage unique. Avec le recyclage, les consommateur·ices ont l’esprit tranquille, cela “contribue à sauver la planète” !

Zéro Déchet Besançon alerte sur les limites de cette politique du tout-recyclage: 

“A la lecture des travaux du Sybert, une évidence nous saute aux yeux : plutôt que promouvoir “le bac jaune” à tout prix (qui est une solution louable, mais non pertinente à long terme), ne serait-il pas plus urgent de prendre conscience du problème et de le gérer à sa source ?”

Une augmentation du budget de prévention des déchets constituerait une étape indispensable pour impulser la réduction à la source. Le budget 2019 du Sybert pour la prévention des déchets atteignait seulement 0,92% du budget total, soit 1,12€ par habitant·e. C’est en dessous de la moyenne nationale de 2€/habitant·e/an calculée par l’ADEME en 2016.

Zero Waste France préconise une augmentation conséquente du budget de gestion des déchets à la prévention, pour mettre en place des actions structurantes de long terme. Ce budget peut notamment permettre d’accompagner les initiatives locales de réemploi et de réutilisation, de promouvoir auprès de la population les textiles sanitaires réutilisables ou encore de s’attaquer au gaspillage alimentaire.

Zéro Déchet Besançon a rassemblé des préconisations concrètes pour engager le territoire dans une démarche plus ambitieuse, à travers une  “Proposition d’un plan d’action pour aller plus loin vers une Ville Zéro Déchet -Zéro Gaspi”.

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