La filière de recyclage du papier en France a-t-elle un avenir ?
Le 16 novembre dernier, Zero Waste France participait à une table-ronde organisée par l’Assemblée nationale avec plusieurs ONGs environnementales sur la filière française de recyclage du papier. A cette occasion, les associations présentes ont rappelé les différents enjeux inhérents au traitement des déchets papiers.
Vers des valorisations en “mode dégradé” du papier ?
Quelles perspectives pour la filière de recyclage du papier en France ? C’est la question sur laquelle se penchent plusieurs député.es depuis quelques mois dans le cadre d’une mission d’information de l’Assemblée nationale.
Le point de départ de leur réflexion est la fermeture de l’usine de recyclage de papier de la Chapelle-Darblay, à Grand-Couronne en Seine-Maritime, depuis juin 2020. En effet, avec la fermeture de ce site industriel rouennais et sans perspective de reprise à date, c’est le papier trié annuellement par 24 millions de citoyen.nes qui va devoir trouver de nouveaux débouchés. Impossible d’envisager traiter tout ce papier avec les seules papeteries restantes en France : dans ce contexte, c’est la perspective d’un export pour recyclage à l’étranger qui semble se dessiner. Cette solution est loin d’être satisfaisante, le coût environnemental et social de l’export n’étant absolument pas neutre.
D’aucuns pourraient songer au compostage du papier afin de réduire la part de gisement à exporter : si cette valorisation paraît séduisante de prime abord – le bois qui a servi à la fabrication du papier retourne à la terre et nourrit le sol pour la croissance d’autres espèces végétales -, elle pose question quant à son impact sur la qualité du compost. Un apport de papier en trop grande proportion pourrait effectivement créer des déséquilibres dans le compost, d’autant plus en présence des encres minérales, parfois toxiques, imprimées sur les papiers.
Dernier débouché possible pour se défaire de ces papiers : l’incinération à travers les combustibles solides de récupération. Le papier étant un bon combustible, pourquoi se priverait-on d’utiliser des déchets papiers non traités afin d’incinérer d’autres déchets résiduels ? Il faut garder en tête ici que brûler des déchets, c’est détruire des ressources : la fibre papetière peut souvent être recyclée de 5 à 7 fois, là où l’incinération émet des polluants dans l’air et l’eau.
Remettre en question la société du tout-recyclage ne veut pas dire rejeter toute forme de recyclage
Lors d’une table-ronde en ligne le 16 novembre dernier, les député.es de la mission d’information ont réuni les associations France Nature Environnement, Greenpeace, WWF et Zero Waste France dans le cadre de leur cycle d’auditions sur la filière de recyclage du papier. L’occasion pour Zero Waste France de rappeler sa position vis-à-vis des enjeux liés au recyclage : si l’association dénonce activement la société du tout recyclage qui légitime l’usage unique et le tout jetable, elle n’est pas pour autant opposée au recyclage et a fortiori des matériaux qui peuvent être recyclés de manière relativement efficace.
Le recyclage n’est pas soutenable s’il n’est pas complémentaire de la prévention des déchets, surtout s’il incite au contraire à la consommation de produits jetables en la justifiant. En revanche, il est une partie de la solution pour les déchets qui n’ont pu être évités et doivent être traités. C’est notamment le cas du papier, qu’il vaut souvent mieux recycler, d’autant plus dans le cadre d’un savoir-faire local. Dans cette perspective, la fermeture de l’usine de la Chapelle-Darblay est préoccupante à plus d’un égard.
Préserver une filière locale pour un recyclage soutenable
La fermeture du site de la Chapelle-Darblay pose ainsi la question du devenir des déchets papiers qu’il traitait auparavant, mais aussi de la perte des emplois et du savoir-faire qu’il entretenait. Papeterie presque centenaire employeuse de plus de 200 salarié.es, elle constituait un fournisseur de choix de papier recyclé pour environ 25 % de la presse imprimée française. Symptomatique de la crise de la filière du papier-carton, son cas est ainsi porteur d’enjeux aussi bien environnementaux qu’industriels et sociaux : il s’agit de sauver voire créer des emplois, protéger un écosystème de traitement opérationnel et relativement vertueux, et participer au maillage industriel local sur le territoire français.
Les député.es devraient remettre un rapport d’information courant janvier : elles et ils y proposeront notamment différentes pistes pour soutenir la filière de recyclage du papier.