Brive-la-Gaillarde expérimente la collecte séparée des biodéchets
Depuis octobre 2016, un quartier expérimente la collecte séparée des biodéchets. Entretien avec Martin de Lavarde, chargé de mission au sein de la collectivité.
Équipés de bacs de 60 litres ou de bioseaux à accrocher à des poteaux directement sur le trottoir, les habitants de ces deux secteurs ont d’ores et déjà permis d’éviter d’envoyer à l’incinération 2 tonnes de biodéchets par semaine, et la collectivité compte bien étendre cette collecte au reste de son territoire. Rencontre avec Martin de Lavarde, chargé de mission Prévention et gestion des déchets à l’Agglomération de Brive.
Qu’est-ce qui a motivé le lancement d’une collecte des biodéchets à Brive ?
Cette expérimentation est avant tout le fruit de la volonté d’un élu, Bernard Longpré, qui était auparavant membre d’une association luttant contre l’incinération. Cette association, créée en 2000, a montré que ce qui obligeait l’agglomération de Brive à recourir à l’incinération plutôt qu’à la mise en décharge, c’était la grande part de fermentescibles dans les ordures ménagères résiduelles. Pour pouvoir proposer des solutions, une partie des membres actifs s’est formée, notamment en travaillant avec le réseau Compost Citoyen, afin de promouvoir le compostage en pied d’immeuble et le compostage de quartier. Cependant, même avec une bonne politique de sensibilisation, seulement 25 % des habitants d’un immeuble collectif participaient au compostage collectif. Il y avait donc un besoin et une opportunité véritables de mettre en place une collecte séparée pour les déchets organiques. D’autre part, le maire de Brive, qui est également Président de l’Agglomération a comme objectif, à long terme, de valoriser les biodéchets par méthanisation.
Pourquoi avoir choisi deux systèmes de collecte différents ?
L’idée, c’est d’observer la manière dont les gens trient en fonction du système adopté dans chaque quartier, afin de choisir la meilleure option quand nous généraliserons la collecte séparée. Pour le premier quartier test, nous nous sommes inspirés de l’exemple d’une collectivité du Pays basque espagnol, où la collecte se fait sur des totems. Le premier quartier choisi, qui représente environ 800 foyers et assimilés est équipé de poteaux. Il s’agit essentiellement de poteaux Enedis que nous avons équipés, et de quelques poteaux auto-portants, jamais à plus de 100 mètres des foyers et sur lesquels peuvent être placés de 3 à 12 bioseaux. Ils sont collectés deux fois par semaine depuis le 3 octobre. Pour le deuxième quartier test, la collecte se fait en porte à porte avec bacs roulants individuels. Ces bacs sont collectés une fois par semaine. Et chaque foyer a également reçu un bioseau de cuisine ajouré et une centaine de sacs en papier kraft.
Comment avez-vous procédé pour distribuer le matériel ?
Pendant les mois précédant le lancement de l’opération, nous avons organisé une cinquantaine de réunions publiques, mais le travail a surtout été fait par six agents du Syndicat, qui sont allés directement à la rencontre de chaque foyer. Ils y passaient entre un quart d’heure et une heure pour ceux qui avaient davantage de questions. Cette phase de discussion et de sensibilisation est très importante, il fallait avant tout ne pas braquer les gens. Les habitants ont été avertis qu’ils pouvaient venir récupérer leur matériel dans des camions postés à quelques rues de chez eux ou dans un local pendant trois jours. Au terme de deux semaines et demi de distribution « rue à rue », environ 60% du matériel avait été distribué. Ensuite, nous avons relancé les retardataires et déposé le bac devant leur domicile. Il y a toujours quelques irréductibles, ainsi que des gens qui ne peuvent pas participer, mais tous les foyers qui le peuvent sont désormais équipés de bacs. En même temps que le matériel, nous avons distribué une brochure rappelant la méthode de collecte pour chaque secteur, les choses à mettre et ne pas mettre ainsi qu’un calendrier récapitulant toutes les collectes, ce qui n’existait pas encore sur le Sirtom de Brive. Dans les immeubles, les consignes de tri ont été affichées, ainsi qu’un rappel des calendriers. Pour mobiliser dans l’habitat collectif, les agents de l’agglomération se sont appuyés sur des personnes-relai dans les immeubles. Depuis début octobre, la participation augmente doucement.
Comment cette collecte supplémentaire a-t-elle été accueillie par les habitants ?
Nous avons mis longtemps à toucher toute la population, mais les gens qui sont au courant participent et même le prestataire a été surpris des tonnages et de la qualité des biodéchets collectés. Les gens sont relativement prêts. Les politiques sont parfois plus frileux mais une fois qu’ils ont compris le sens et l’intérêt de la démarche, ils adhèrent. Nous avons reçu une dizaine d’appels la première semaine de collecte, surtout pour signaler des oublis de collecte. En effet, les bioseaux sont accrochés sur des poteaux électriques, d’éclairage public ou signalétiques et sur quelques poteaux auto-portants. Ils sont très discret et il arrivait donc régulièrement que le prestataire en rate.
En quoi l’existence d’un système de tarification incitative sur votre territoire a-t-il facilité la mise en place d’une collecte séparée des biodéchets?
La TEOMI a surtout eu un impact au moment de sa mise en place. Aujourd’hui, l’effet incitatif est plus faible car avec la TEOM, c’est le propriétaire qui reçoit la facture et non le locataire. En revanche, la diminution des fréquences de collecte – nous sommes passés à un rythme d’un ramassage tous les quinze jours pour les OMR et la poubelle de tri sur ces deux secteurs – a été très efficace pour inciter les gens à participer au tri des biodéchets.
La qualité des biodéchets est-elle satisfaisante?
Pour l’instant, nous avons constaté moins d’1% d’erreurs de tri, que nous cherchons à résoudre. La qualité est meilleure dans les seaux accrochés aux totems, dans lesquels on voit tout de suite les erreurs de tri, ce qui n’est pas le cas pour les bacs. Mais on peut difficilement comparer les deux systèmes en terme de qualité car les deux secteurs présentent des sociologies d’habitat différentes.
Quand pensez-vous pouvoir généraliser la collecte séparée des biodéchets au reste du territoire ?
Il nous faut au moins six mois de recul afin de choisir la bonne méthodologie, mais il y a une vraie volonté politique d’étendre dès octobre prochain la collecte séparée à deux nouveaux quartiers et au centre ville. Nous avons choisi cette date car l’absence de nuisances, odeurs et mouches notamment, facilite l’acceptation par les habitants. Ils prennent l’habitude et sont déjà convaincus quand arrive l’été. Nous n’avons pas la possibilité de connaître précisément les tonnages en fonction du mode de collecte, étant donné que la tournée unique sur le secteur en bacs intègre une fois par semaine la collecte du secteur en « totems », et que c’est le même prestataire qui s’en charge. Nous n’allons donc pas nous baser sur ce critère pour choisir le système de collecte, mais plutôt sur le critère économique, après avoir fait le bilan des coûts associés à l’un et l’autre système. Les totems permettent une collecte plus rapide car le camion s’arrête moins souvent mais le rippeur doit vider chaque seau un par un dans la benne. Le gain n’est donc pas si flagrant que ça. Les deux systèmes pourraient aussi co-exister en fonction de ce qui est le plus adapté aux différents quartiers.