Zéro déchet : un livre pour en finir avec la société du tout-jetable
Dans leur nouveau livre "Déchets partout, justice nulle part. Manifeste pour un projet de société zéro déchet, zéro gaspillage", Alice Elfassi et Moïra Tourneur, toutes deux salariées de Zero Waste France, entendent réaffirmer la nécessité d’une politique de réduction des déchets, dans un esprit de justice globale.
Présentation du livre
Depuis le début des années 2010, la démarche « zero waste » a le vent en poupe. Mais alors qu’elle est souvent perçue comme une action individuelle réservée aux classes sociales aisées et déconnectée des réalités des ménages les plus modestes, elle se doit désormais d’être évaluée sans complaisance. Si les petits gestes du quotidien représentent pour beaucoup un moyen concret d’accès aux enjeux écologiques, ils ont tendance à occulter l’importance de la responsabilité des décideurs économiques et politiques, et donc la nécessité de la lutte collective pour que la réduction des déchets puisse advenir.
Partant d’une analyse critique des stratagèmes du modèle actuel « pollueur-gaspilleur », Alice Elfassi et Moïra Tourneur, de l’association Zero Waste France, jettent les bases d’un projet de société qui soit tout autant respectueux des limites planétaires que soucieux d’égalité. Dans un esprit de convergence des luttes, elles proposent, avec ce manifeste, une véritable alternative concrète et solidaire.
Dans leur ouvrage, les deux autrices ne se contentent pas simplement de remettre en cause le paradigme qui nous a collectivement conduit à générer une quantité incontrôlée de déchets. Elles apportent également des propositions concrètes, à travers quatre dimensions de cette problématique.
Le désastre environnemental de la production de déchets
D’emblée, un constat simple est rappelé : la production en masse de déchets contribue directement au réchauffement climatique. Bien que les organismes de collecte et de traitement des déchets cherchent à remplacer le terme d’ « incinération » par celui de « valorisation énergétique », brûler nos déchets génère inévitablement de fortes émissions de CO2. Pire encore, la mise en décharge, qui est toujours une réalité aujourd’hui en France, est l’une des principales sources d’émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre.
En parallèle, l’ensemble des pollutions générées par ces modes de « traitement », et pas uniquement par les déchets sauvages, représente une catastrophe pour la biodiversité : pollution des océans et cours d’eau, prolifération du plastique… Nos déchets ne sont jamais vraiment éliminés. Et bien avant que nos objets finissent à la poubelle, c’est tout le modèle extractiviste sur lequel repose leur production qui nous amène à dépasser les limites planétaires.
Cette situation n’est pourtant pas une fatalité. Les solutions sont déjà connues : favoriser le réemploi et la réparation de tous les objets du quotidien ; refonder le système de responsabilité élargie du producteur qui ne répond pas fondamentalement au problème de la surproduction de déchets ; ou encore mettre en place un meilleur tri à la source, notamment des déchets organiques
Réconcilier économie et écologie
Remettant en cause le culte de la croissance infinie du PIB, de la production et de la consommation, l’idée d’un modèle de société fondé sur l’économie réellement circulaire, vecteur de bien-être et d’emplois, est ici mise en avant. Les activités de réemploi et de réparation ne sont pas uniquement bénéfiques pour la planète : elles créent aussi un nombre bien plus important d’emplois que le simple traitement.
Or la hiérarchie des modes de traitement des déchets incite justement à privilégier ces activités par rapport au recyclage, puis à l’incinération, puis à l’élimination des déchets. Cette hiérarchie n’est dans les faits pas respectée, notamment par les pouvoirs publics et les industriels, qui favorisent, par leurs investissements, le fait de recycler plutôt que de réemployer.
Il est donc urgent de revoir l’attribution des financements publics, tout comme la fiscalité environnementale qui doit peser davantage sur les producteurs de déchets, et favoriser le recours aux pratiques de réemploi et de réparation.
Moins de déchets pour plus de justice sociale
Les conséquences de cette société du « pollueur-gaspilleur » affectent d’abord les individus les plus modestes, que ce soit à travers l’implantation des usines d’incinération dans les communes les plus pauvres, l’exportation des déchets hors des frontières européennes, ou encore la production à l’étranger, dans des conditions précaires, de nos biens de consommation.
De même, parmi les possibilités qui s’offrent aux foyers pour réduire leurs déchets, beaucoup ne semblent pas encore suffisamment accessibles pour le plus grand nombre : cela concerne aussi bien le vrac ou la réparation, par exemple.
Certaines des mesures qui doivent être mises en place pour éviter cette double peine, sociale et environnementale, ont été proposées par la Convention citoyenne pour le climat : c’est le cas de la tarification incitative sociale sur les ordures ménagères et du développement des points de vente dédiés au vrac sur le territoire. Le réemploi et la réparation nécessitent également d’être moins taxés.
Une démocratie environnementale à réinventer
Alors que les déchets se situent au plus près du quotidien des citoyen·nes, force est de constater que leur voix n’est pas suffisamment entendue. Dans les instances de décision comme dans les procédures de participation du public autour des projets relatifs aux déchets, leurs préoccupations semblent souvent reléguées au second plan, au bénéfice des intérêts privés.
Pour autant, les outils de démocratie participative existent dans notre droit : débat public, enquête publique, consultation du public… Tous ces dispositifs sont censés favoriser la participation et la prise en compte de l’avis des citoyen·nes. Mais la technicité des projets qu’ils concernent, et surtout les avis rendus sur ces projets qui passent régulièrement sous silence les voix dissonantes, peut en rebuter plus d’un·e.
Ainsi, il apparaît indispensable que les autorités fassent davantage connaître ces dispositifs et que de telles consultations soient limitées à la société civile, afin de redonner tout leur sens aux procédures de démocratie participative.
Déchets partout, justice nulle part. Manifeste pour un projet de société zéro déchet, zéro gaspillage
Alice Elfassi et Moïra Tourneur, éditions Rue de l’échiquier, 19 euros, 184 pages.
L’ouvrage est désormais disponible en librairies ou peut être commandé sur le site de l’éditeur.
Commander sur le site de l’éditeurPour une autre empreinte
Zero Waste France a lancé la campagne « Pour une autre empreinte » qui met en lumière les liens entre la réduction de nos déchets et les enjeux environnementaux, économiques, démocratiques et de justice sociale.
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