Déconfinement : le recours massif au jetable ne doit pas être l’unique proposition
Nous appelons à débattre de l'impact environnemental des mesures prises dans le cadre du déconfinement.
A la veille du déconfinement, alors que de très nombreuses entreprises et commerces préparent la reprise de leurs activités, nous constatons avec inquiétude l’absence de débat sur l’impact environnemental des mesures d’adaptation. Le recours au jetable, dans l’urgence du début de la crise sanitaire, semble se transformer en une nouvelle normalité, sans que la question des alternatives possibles soit posée. Ainsi, le suremballage fait un retour en force dans les supermarchés, et du côté des entreprises, le recours aux lingettes jetables pour nettoyer les locaux de bureaux est encouragé, de même que la fourniture de bouteilles d’eau aux salariés en remplacement des points d’eau potable.
Face à l’enjeu de réduire le risque de contamination, de vieux automatismes se sont instantanément réactivés, sans qu’ils soient toujours fondés. Nous avons le sentiment que ce recours massif au jetable dans le cadre du déconfinement se fait par réflexe, et par défaut. Par réflexe, parce qu’il semble plus facile à mettre en oeuvre et que l’on part du principe qu’il “rassure” ; et par défaut, faute d’avoir étudié d’autres protocoles, d’autres modalités d’organisation. La question de l’achat de ces produits jetables prend ainsi le pas sur les principes de base essentiels qui rappellent avant tout l’enjeu du lavage (des mains, des sanitaires, des surfaces de contact, …) et du maintien des distances physiques. Faut-il rappeler, qu’en général, une surface peut être rendue propre sans qu’il soit nécessaire de passer par de l’usage unique ? Que “jetable” et “propre” ne sont pas des synonymes, qu’il s’agit d’une construction savamment entretenue par des décennies de marketing, notamment en ce qui concerne le plastique ? Une construction qui fait l’impasse sur les impacts sanitaires immédiats (pour les populations qui subissent les pollutions et les risques liées à sa production) et de long terme (par les risques induits par sa dissémination dans l’environnement et dans notre chaîne alimentaire) du tout-plastique.
Pourtant, ces dernières années, les répercussions de “l’ère du jetable”, en termes de surconsommation des ressources, de pollutions multiples et de changements climatiques ont été mises en évidence à de multiples reprises. Une large prise de conscience a permis de faire évoluer la réglementation et les pratiques, de manière insuffisante cependant, en raison des fortes résistances opposées par les secteurs économiques visés. A L’heure où l’on s’interroge sur la manière dont notre société peut “vivre avec le virus”, ignorer cette prise de conscience et faire fi des volontés de sortir du tout-jetable exprimées il y a encore quelques mois, est une erreur. Loin de préparer le monde d’après, il illustre notre difficulté à s’extraire des réflexes et logiques du monde d’avant. Alors que les services de collecte et de traitement des déchets sont perturbés, que les stations d’épuration se retrouvent confrontées à une inquiétante quantité de lingettes jetables, nous semblons incapables d’appréhender les enjeux d’aujourd’hui (environnementaux et sanitaires, immédiats et de plus long terme) dans leur globalité.
Alors nous revendiquons a minima le droit d’interroger ces vieux automatismes, de remettre en cause les termes du débat pour y intégrer les enjeux environnementaux, à commencer par ceux causés par la surconsommation de produits à usage unique et la production de déchets qui en découle. Tout comme il est impensable de mettre sur pied un plan de sauvetage économique qui ne prendrait pas en compte la nécessaire transition écologique, il est absurde de penser le déconfinement sans s’autoriser à imaginer d’autres protocoles, d’autres modalités d’organisation qui ne reposeraient pas uniquement sur notre dépendance au jetable.