05 février 2018
Thibault Turchet

Dossier 2/3 : les TMB « dernière génération » : analyse des performances d’usines récentes

Données détaillées de TMB issues des rapports annuels communiqués.

Newsletter
Partager

On les a longtemps appelées les usines de « tri mécano biologique » (TMB). Les industriels et les collectivités les renomment aujourd’hui « centre de valorisation organique » ou encore « usine de tri-préparation ». Ces usines de tri sur ordures ménagères résiduelles, tellement décriées jusqu’à être qualifiées de « non-pertinentes » par la loi de transition énergétique, ont-elles techniquement évolué en profondeur, ou ont-elles simplement changé de nom ? Zero Waste France a enquêté sur ces usines dernier cri, et analysé les statistiques communiquées par industriels et pouvoirs publics. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le recyclage ne sort toujours pas gagnant. Aujourd’hui les tentatives de légitimation de cette technologie passent avant tout par la production de combustibles solides de récupération (CSR), des déchets broyés et séchés destinés à l’incinération. Retrouvez notre enquête publiée en trois articles distincts en bas de page.

Le cas de l’usine ALTRIOM (Haute-Loire)

Aujourd’hui, c’est notamment le site « ALTRIOM » situé à Polignac (Haute-Loire) qui est l’emblème de ces usines « nouvelle génération », en affichant des performances en apparence mirifiques : « 90% des déchets valorisés avec le tri industriel 3WAYSTE© », et même  « zéro déchet » ! L’usine, autorisée en 2013, traite environ 30 000 tonnes de déchets par an (et vient d’ailleurs, elle aussi, d’être touchée par un incendie à l’hiver 2017).

Or, les statistiques communiquées après moult demandes indiquent qu’en 2015, de façon assez classique, en sont sortis majoritairement des combustibles (46.19%) et des refus (9.90%). Les recyclables produits s’élèvent quant à eux à 10.97% des tonnages sortants, auxquels s’ajoutent 15% de compost (dont une partie est envoyée en décharge). Un an plus tard, en 2016, les résultats d’exploitation disponibles nous informent que les combustibles représentaient 38.8% des tonnages sortants, auxquels s’ajoutent 15% de compost normé (6.4% de compost mis en décharge), 15.3% d’évaporation, et 10.6% de recyclables. Les performances sont donc relativement similaires à celles d’une usine de tri mécano biologique classique.

La grande différence réside donc surtout, malgré de nouveaux brevets qui font la fierté de l’entreprise, dans les éléments de langage communiqués et le fait plus ou moins assumé qu’une partie des déchets se destine à la valorisation énergétique sous la forme de combustibles solides de récupération (d’où le terme de « 90% valorisés » !).

L’usine OVADE (Viriat)

Portée par le syndicat « ORGANOM », cette usine de « tri-méthanisation compostage » se veut elle aussi exemplaire. Mise en service industriel par TIRU (filiale d’EDF) et inaugurée en 2016, les premiers résultats sont également éloquents. Sur 54 743 tonnes traitées par l’usine, celle-ci a produit 27 183 T de combustibles et refus (49%), 1 176 tonnes d’inertes (2.1%), 10 501 tonnes de compost (19.1%) et 722 tonnes de ferrailles (les 15 000 tonnes restantes sont surtout du biogaz et des eaux excédentaires).

Rien de très nouveau non plus donc, si ce n’est la production complémentaire de biogaz avec la fraction fermentescible des déchets (consulter les résultats détaillés tels que communiqués).

Pour le traitement des déchets organiques, certains industriels et collectivités misent désormais sur la production de combustibles à base de biodéchets séchés (après séchage permettant d’obtenir jusqu’à 30% de pertes en masse). C’est le cas du tout nouveau « TVME » de Hénin-Beaumont, qui produit désormais des combustibles à base de biodéchets, dont le pouvoir calorifique demeure cependant inférieur à celui du plastique ou du papier. Ceci dit, ce procédé reste pour l’instant une exception en Europe.

Le SYTRAD : exemple de TMB « ancienne génération » devenant une usine à produire du combustible

Certaines collectivités ayant investi de longue date sur le tri mécano biologique de leurs OMR voient désormais dans la production de combustibles une porte de sortie leur permettant d’amortir voire de rentabiliser ces usines. C’est en tout cas l’espoir affiché.

C’est par exemple le cas de la politique engagée par le SYTRAD (syndicat de traitement en Drôme / Ardèche – environ 500 000 habitants) qui, ayant fait construire trois TMB à la fin des années 2000, vient de signer en 2016 une délégation de service public avec la société ONYX (filiale de Véolia propreté) jusqu’en 2033. Parmi les buts clairement affichés dans les délibérations (dont l’une a fait l’objet d’un recours en justice par Zero Waste France, en cours d’instruction), la production et surtout l’écoulement des combustibles préparés à partir des déchets, vers les cimentiers ou d’autres installations d’incinération. Sur quinze ans, la modernisation des usines devrait coûter environ 20 millions d’euros d’investissement, le syndicat faisant  valoir que l’« externalisation » rend cela indolore pour les finances publiques. C’est oublier au passage que ce sont bien en majorité les usagers qui payent pour le fonctionnement du service public (voir la délibération du 7 décembre 2016 – page 2).

Actualités

11 juillet 2024

Plastique : en Normandie, le projet de recyclage chimique Eastman suscite l’inquiétude

A Saint-Jean-de-Folleville (76), le projet Eastman pourrait être l'un des plus grands projets de recyclage chimique au monde. Problèmes : ce procédé n’a jamais fait ses preuves, ses impacts enviro[...]

à la une
26 juin 2024

Élections législatives : soutenir une transition écologique juste

Les 30 juin et 7 juillet prochains, tous·tes les Français·es seront appelé·es aux urnes pour élire leurs représentant·es à l’Assemblée nationale. Face à la menace de l’extrême droite, Zero Waste F[...]

17 juin 2024

Recyclage du polystyrène : une « impasse » pour Zero Waste France

Une enquête du Monde et Franceinfo indique que le gouvernement a investi des centaines de millions d’euros, sans succès, pour développer le recyclage du polystyrène. Zero Waste France demande le m[...]

11 juin 2024

Extrême droite : la position de Zero Waste France

Le score historique de l'extrême-droite aux élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale constituent un énorme risque pour la transition écologique et la réduction des déchets.[...]

07 juin 2024

Préservation des ressources, réduction des déchets : pourquoi nous avons besoin d’une Europe ambitieuse

Interdiction de plastiques à usage unique, responsabilité des producteurs : des règles qui ont en commun de résulter du droit de l'UE. À l’occasion du renouvellement du Parlement européen, Zero Wa[...]

06 juin 2024

Sondage : les Français·es majoritairement favorables à l’interdiction des bouteilles en plastique de moins de 50 cl

Alors que les scandales dans le secteur de l’eau en bouteille se succèdent, un sondage OpinionWay pour les associations Zero Waste France et No Plastic In My Sea, rendu public ce jour, montre que [...]

29 mai 2024

Evaluation de la loi AGEC : les associations appellent le gouvernement à mettre en oeuvre rapidement les recommandations des parlementaires

Alors que la mission d’évaluation de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) a rendu ce jour son rapport, les associations Zero Waste France, No Plastic In My Sea, Les Amis de l[...]

14 mai 2024

Tendances maison : un nouveau rapport dénonce les dérives de la fast-déco

Dans un nouveau rapport, Zero Waste France, le Réseau National des Ressourceries et Recycleries et les Amis de la Terre France pointent l’emballement de la production dans l’ameublement et la déco[...]

14 mai 2024

Célébration du militantisme pour le réseau Zero Waste

Cette année encore, Zero Waste France a profité de l’arrivée des beaux jours pour inviter les militant·es du réseau à un week-end de militantisme et de convivialité à la Maison du Zéro Déchet. [...]

30 avril 2024

Traité mondial sur la pollution plastique : des avancées insuffisantes pour la 4e session de négociations (INC-4)

La 4e session de négociations internationales sur la pollution plastique (INC-4) a pris fin cette nuit. Pour Zero Waste France, les progrès sont réels, mais encore insuffisants. Elle appelle à pou[...]