Dossier sur les corbeilles de rue : la progression du tri et les nouveaux défis de la propreté
Pendant un an, Zéro Déchet Touraine a mené une enquête approfondie sur les corbeilles de propreté municipales, en France et à l'étranger. Résultat : moins de 4% des villes françaises étudiées proposent le tri des déchets via leurs corbeilles de propreté en centre-ville, une pratique pourtant courante à l'étranger.
Les corbeilles de propreté sont une réponse technique parmi d’autres pour relever l’immense défi de la propreté urbaine. Toutefois, elles ne permettent pas de faire l’économie de l’élaboration de stratégies de prévention efficientes, seules à même de réduire les tonnages annuels de déchets municipaux et donc les coûts associés à leur collecte et à leur traitement. Comment les rendre plus efficaces à la fois en termes de lutte contre les déchets sauvages qui jonchent nos rues et de réduction des quantités de déchets résiduels à enfouir ou à incinérer ? Il y a urgence à agir en ce domaine, d’autant que la population augmente et que la France accueille chaque année de plus en plus de touristes, en droit d’attendre mieux de la première destination touristique mondiale.
Un travail d’enquête pour réaliser un panorama
L’association Zéro Déchet Touraine a effectué un travail d’enquête pendant plus d’un an afin d’établir un panorama des pratiques des principales communes françaises en matière de propreté urbaine et notamment en termes d’utilisations des corbeilles de propreté. L’étude révèle que la densité moyenne de corbeilles de propreté en France est d’environ 1 corbeille pour 77 habitants. De manière surprenante, la plupart des services municipaux interrogés ignorent la distance moyenne séparant deux de leurs corbeilles de propreté et ne caractérisent pas régulièrement les flux de déchets collectés par ces corbeilles. Or, aucun objectif réaliste de prévention ne saurait être mis en place sans considération pour ce type d’indicateurs, qui ont trait à la densité du réseau de corbeilles et à la nature des gisements de déchets à collecter.
Les corbeilles de propreté françaises sont encore très majoritairement utilisées pour collecter des ordures en mélange, sans permettre le tri à la source des déchets, même de la part des citoyens volontaires. L’inventaire national réalisé dans le cadre de l’enquête montre en effet que moins de 4% des villes françaises étudiées proposent la collecte de déchets triés via leurs corbeilles de propreté en centre-ville. On peut alors s’interroger sur la cohérence de politiques publiques qui exhortent la population à trier dès le plus jeune âge, mais qui ne permettent pas de le faire dans l’espace public… Selon les communes interrogées, les principaux freins qui s’opposeraient au déploiement de corbeilles de tri dans les espaces publics seraient :
- le coût de l’installation et de la gestion de tels dispositifs,
- la nécessité de lutter contre les incivilités pour obtenir un tri de qualité suffisante,
- la mise en place d’une organisation permettant d’acheminer les déchets triés vers les filières de recyclage,
- l’emprise au sol requise par des dispositifs de tri supplémentaires,
- la concurrence des points d’apports volontaires,
- le manque de volonté politique,
- des conceptions de corbeilles ou de signalétiques encore perfectibles.
Des stratégies locales différentes mises en place par les collectivités
Le dossier évoque les principales stratégies mises en place au sein des services de propreté urbaine français et les différentes solutions en faveur de la réduction des déchets à la source qu’ils ont développées. Ainsi deux tendances opposées émergent actuellement. D’une part, certaines communes ont opté pour une densification accrue des réseaux de corbeilles de propreté en centres-villes, qui permet de donner aux habitants le sentiment que la question des déchets sauvages est davantage prise en compte. C’est le cas par exemple à Nice ou à Evreux. Inversement, Nevers, Rennes ou Saint-Hilaire-de-Riez ont opté pour une suppression des corbeilles de propreté dans certains espaces afin de responsabiliser davantage les usagers.
Nous sommes encore loin des situations rencontrées à San-Francisco ou Ljubljana, où le tri est systématiquement proposé dans les lieux publics, y compris celui des biodéchets, ou de l’exemple de Tokyo, une mégalopole de 9,5 millions d’habitants dépourvue de corbeilles de propreté depuis… près de 25 ans.
Comme pistes originales à destination des collectivités, les auteurs du dossier proposent, à l’aide de nombreux exemples illustrés :
- d’augmenter le taux de recyclage des déchets sauvages,
- d’améliorer les possibilités de tri en voyage (stations de métro, gares, aéroports, aires de stationnement de nationales et de routes secondaires),
- de sensibiliser davantage le public à la réduction des déchets et au tri à la source dans les principaux lieux touristiques français, notamment par des panneaux multilingues et des consignes de tri plus explicites,
- de mettre à contribution la filière de responsabilité élargie des producteurs applicable aux emballages (Citéo) pour soutenir le tri dans l’espace public (possibilité ouverte par la directive européenne relative aux déchets),
- d’adopter des stratégies municipales zéro déchet complémentaires à l’image des propositions de Zero Waste France en matière de suppression du plastique à usage unique ou d’organisation d’événements collectifs zéro déchet zéro gaspillage.