Filière REP Emballages : une bataille sur les coûts qui occulte les enjeux de la réduction des déchets
Les débats houleux au sein de la Commission de suivi de la filière sont focalisés sur les aspects financiers du cahier des charges, au détriments des autres enjeux essentiels de réduction des déchets.
Zero Waste France a tout récemment intégré le collège des ONG siégeant à la Commission de suivi de la filière REP Emballages. Cette instance consultative contribue à l’élaboration du cahier des charges et au choix des éco-organismes chargés de mettre en oeuvre la “responsabilité élargie du producteur” vis-à-vis de la fin de vie des emballages mis sur le marché.
Actualité brûlante pour cette commission : la finalisation du cahier des charges qui fixera les règles du jeu pour le ou les éco-organismes agréés pour la prochaine période 2018-2022. Arrivée en cours de processus, notre association n’a pas pu participer à l’élaboration des 3 premières versions du texte ; par ailleurs, l’essentiel des débats se trouve désormais focalisé sur les aspects financiers du cahier des charges et occulte les enjeux essentiels de réduction des déchets.
Rappelons tout d’abord que l’esprit de la REP à la française consiste à responsabiliser les producteurs sur plusieurs aspects :
- la couverture des coûts : la fin de vie des emballages (dans le cas présent) coûte cher aux collectivités, les producteurs doivent contribuer à ces charges – c’est l’application du principe “pollueur-payeur” à la gestion des déchets.
- le développement du recyclage : l’argent collecté auprès des producteurs (les éco-contributions) doit servir prioritairement à financer le service de collecte et de tri des emballages pour augmenter le taux de recyclage.
- la réduction des déchets : le fonctionnement de la REP doit être incitatif, c’est à dire avoir l’effet d’un levier pour favoriser l’éco-conception et les autres facteurs de réduction des déchets d’emballage. Deux types d’actions peuvent contribuer à la réduction des tonnages d’emballages mis sur le marché : l’éco-conception (alléger, éviter le suremballage,…) et le réemploi (remettre dans le circuit des emballages durable supportant plusieurs cycles d’usage).
Le cahier des charges de la filière précise les “règles du jeu” devant garantir la mise en oeuvre de ces principes, son respect conditionne l’obtention de l’agrément délivré par le ministère de l’environnement.
Défaut de transparence dans la négociation sur le financement de la filière
Cet été, l’élaboration d’un protocole d’accord direct entre l’un des représentants des collectivités au sein de la commission, l’Association des Maires de France (AMF), et les metteurs sur le marché (les “producteurs”) a contribué à exacerber les frustrations au sein de la commission de suivi de la filière. D’une part parce que l’ensemble des collectivités ne se sont pas retrouvées dans le protocole signé par l’AMF, et d’autre part car les autres parties prenantes de la commission de suivi n’ont pas été associées à cette négociation directe. Certains, dont Zero Waste France, condamnent cette démarche, puisque c’est bien le rôle de la Commission d’offrir un cadre de discussion neutre, offrant la confidentialité nécessaire à une transparence des échanges et d’éviter ainsi les tractations parallèles.
Résultat des courses : les désaccords sur le financement de la filière (portant notamment sur le montant des soutiens à la tonne triée, et l’enveloppe de soutien à l’investissement) n’ont pas pu être résolus, et la quasi totalité des membres de la Commission ont voté contre la proposition de cahier des charges.
Objectifs de réduction et réemploi passés au second plan
Plus grave encore du point de vue de Zero Waste France : la discorde générale sur les questions financières a eu pour conséquence d’occulter complètement les enjeux de réduction des déchets.
Dans cette 4e version du cahier des charges de la filière emballage, le compte n’y est pas côté réduction des déchets : les futurs éco-organismes agréés sont juste encouragés à “contribuer” à l’atteinte de l’objectif fixé par la Loi de Transition Energétique (-10% de réduction des déchets ménagers et assimilés d’ici 2020, par rapport au niveau de 2010). Zero Waste France regrette l’absence de seuil chiffré imposé aux éco-organismes, et donc aux metteurs sur le marché ou d’obligation de moyens (budget ou moyens humains à y consacrer, etc.). Enfin, comme pour de nombreux autres éléments du cahier des charges, aucun mécanisme de sanction ou de rappel à l’ordre n’est prévu en cas d’inaction totale.
Le cahier des charges détaille le barème “aval” c’est-à-dire la manière et les critères selon lesquels l’argent collecté par les éco-organismes est redistribué aux collectivités. Là encore, l’objectif de réduction des déchets est oublié : les collectivités qui décideraient d’envoyer une partie des tonnages d’emballages réutilisables vers le marché du réemploi ne seront toujours pas soutenues, alors qu’elles le sont lorsqu’elles envoient leurs tonnes de verre, plastique, acier… vers des filières de recyclage. A moins qu’elles ne décident de déposer un dossier auprès de leur éco-organisme pour un soutien à l’expérimentation – mais rien ne leur garantit d’obtenir un montant défini.
Seul progrès notable de ce cahier des charges, en faveur du réemploi : les emballages utilisés plusieurs fois ne feront l’objet que d’une seule éco-contribution. Il était temps, effectivement, de lever cette double peine qui touchait les producteurs soucieux de réutiliser bouteilles, bocaux, etc.!
Dans ce contexte et pour ces raisons, Zero Waste France a voté contre la 4e version de projet de cahier des charges de la filière Emballages lors de la séance du 9 septembre.