La fin de vie des réfrigérateurs : un grand enjeu climatique méconnu
Les équipements de froid (réfrigérateurs, congélateurs et climatiseurs) contiennent souvent des gaz fluorés, utilisés comme fluides frigorigènes, destructeurs de la couche d’ozone et/ou ayant un effet de serre très puissant. Une étude européenne publiée le 17 février 2021 confirme l’importance de leur traitement aux normes en fin de vie.
Produire moins de gaz fluorés…
Depuis les années 1970, il est connu que de gigantesques trous se forment chaque printemps au-dessus des deux pôles dans la couche d’ozone, qui protège la vie terrestre des rayons ultra-violets. Cette découverte a permis d’identifier, comme responsables principaux des gaz fluorés et chlorés, les CFC – chlorofluorocarbures – et HCFC – hydrochlorofluorocarbures. Gaz inertes et ininflammables, les CFC et HCFC étaient utilisés comme gaz de propulsion pour des sprays, comme nettoyants, comme gaz frigorigènes des équipements du froid (les fréons) et comme gaz gonflants pour fabriquer des mousses en plastique. Un accord international sur leur élimination progressive, le Protocole de Montréal de 1987, a été signé par 197 pays. Cet exemple positif d’une collaboration internationale pour protéger l’environnement a réussi à diminuer de plus de 98% à ce jour la quantité de CFC mise sur le marché mondialement.
L’approche industrielle la plus facile pour remplacer les CFC passe par l’utilisation de HFC (ou hydrofluorocarbures), substances avec une structure chimique et des propriétés similaires mais dépourvues de chlore, atome clé pour la destruction d’ozone. Cependant, la forte augmentation de l’utilisation des HFC pose problème car, comme les CFC, ils sont généralement de puissants gaz à effet de serre et contribuent alors fortement au réchauffement planétaire. Ainsi, deux molécules courantes, le CFC-12 et le HFC-23 ont chacun un potentiel d’effet de serre (sur 100 ans) plus de 10 000 fois supérieur au dioxyde de carbone. Au total, la part des HFC dans les émissions de GES en France est estimée à 5 % – dépassant ainsi la contribution du trafic aérien.
Pour s’attaquer au problème des HFC, un nouvel accord international, l’amendement de Kigali, fut ajouté au Protocole de Montréal en 2016. L’Union européenne s’y est engagée à réduire de 80 % ses émissions de HFC d’ici à 2030. Dans ce contexte, il est regrettable que l’application d’une taxe sur les HFC, votée par l’Assemblée nationale en 2018 pour accélérer leur remplacement, ait été repoussée par le gouvernement d’abord du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2021, puis au 1er janvier 2023, pour enfin être menacée d’annulation pure et simple. Malgré ce recul réglementaire, un certain effort est à noter du côté des industriels pour remplacer les HFC par des gaz moins polluants, tels que le propane, l’ammoniaque ou le dioxyde de carbone.
… Et mieux les récupérer en fin de vie des équipements
La fin de la commercialisation des CFC et le remplacement graduel des HFC n’influent qu’avec retard sur la composition des équipements de froid, dont la fin de vie intervient au bout d’environ 10 – 15 ans en moyenne. On estime que 30 à 50 % des réfrigérateurs à recycler contiennent encore des gaz fluorés, qu’il faut donc impérativement récupérer et détruire. Pour empêcher le démontage des équipements par des recycleurs informels à la recherche de ferraille ou leur exportation (illégale) dans des pays à faible réglementation, il est déconseillé de déposer des équipements du froid aux encombrants — c’est d’ailleurs interdit dans beaucoup de communes. Il est alors possible de faire reprendre son appareil usagé par son vendeur, ou de l’apporter en déchetterie ou en point de collecte mis en place par les éco-organismes de la filière DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques) : Ecologic et Ecosystem. Néanmoins, avec un taux de collecte de DEEE bien inférieur à 50 % selon l’Ademe, il est à craindre que beaucoup d’équipements du froid ne soient pas traités dans une installation appropriée.
Pour le succès de la récupération des gaz fluorés, il faut non seulement que l’équipement arrive en bon état dans la chaîne de recyclage, mais aussi qu’une procédure complexe soit suivie pour éviter les fuites des gaz. Une telle procédure, tenant compte de tous les impératifs pour une capture exhaustive des gaz, a été développée par le Comité Européen de Normalisation en Électronique et en Électrotechnique (CENELEC) et décrite dans une norme européenne, à laquelle doivent être conformes tous les centres de recyclage des équipements de froid en France. Un organisme privé indépendant est chargé de certifier la conformité des installations aux normes applicables, mais cette certification n’est pas obligatoire – alors que le respect des normes, lui, l’est bel et bien. Dans ce contexte, il semble étonnant qu’aujourd’hui seulement 3 installations sur 13 en France soient à jour de leur certification, quand elles étaient encore 10 sur 13 au printemps 2019. Zero Waste France regrette qu’une certification indépendante ne soit pas obligatoire et que les autorités administratives n’aient pas imposé une procédure transparente, avec une publication des éléments à l’origine du retard ou de l’absence de certification.
Une telle transparence serait d’autant plus bienvenue au moment où la Commission européenne vient de publier une étude démontrant qu’une application cohérente de la norme partout en Europe pourrait économiser l’équivalent de 6,3 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an, évitant ainsi un effet réchauffant comparable à 2,5 millions de voitures. En réaction à cette étude, 12 ONG environnementales européennes, dont Zero Waste France, viennent de lancer un appel pour une réglementation européenne robuste, basée sur ces standards, et mieux appliquée dans le traitement des DEEE.