29 novembre 2021
Moïra Tourneur

Que deviennent les vêtements que l’on jette ?

La production de vêtements a doublé entre 2000 et 2014. Si une personne achète désormais 40 % de vêtements de plus qu’il y a 15 ans, elle les conserve cependant moitié moins longtemps. Mais alors, qu’advient-il de ces 100 milliards de vêtements vendus chaque année dans le monde ? Zoom sur le cas français.

Newsletter
Partager

Se séparer d’un vêtement … en le mettant au bon endroit

Sur 517 000 tonnes de textiles mis en marché en France en 2020, seules 39 % ont été collectées : si une partie de ces vêtements, chaussures et linges de maison est bien entendue portée et utilisée, une autre part reste oubliée dans les placards … ou finie encore dans la poubelle de tout-venant. Ainsi, si 3,7 kg de textiles ont été collectés par personne en 2019, 7,7 kg par personne ont été jetés de leur côté dans la poubelle noire. Cela représente autant de matières brûlées en incinérateur ou enfouies en décharge et à l’origine de pollutions importantes, au lieu d’avoir été réemployées ou partiellement récupérées via des processus de recyclage. 

Notre dossier traitements polluants

20 % de la pollution des eaux dans le monde sont imputables à la teinture et au traitement des textiles en fabrication tandis que les secteurs du vêtement et de la chaussure sont responsables d’environ 8 % des émissions de CO2 mondiales. Aussi, il est d’autant plus fondamental de pouvoir collecter les déchets textiles afin de leur assurer la seconde vie la plus adéquate et “rentabiliser” au maximum l’impact environnemental lié à leur fabrication.

Le recyclage, la solution miracle à la surproduction textile ?

Parmi la très grande majorité de textiles collectés et triés en France, un bon tiers est orienté vers des circuits de recyclage. La notion de “recyclage” recoupe cependant différentes réalités au sein de la filière textile : 

  • Les textiles dits mono-matières (100 % coton, 100 % polyester, etc.) peuvent être défibrés pour créer des fils qui permettront la fabrication de nouveaux vêtements. Malheureusement, moins de 1 % des tissus qui composent nos vêtements sont effectivement recyclés pour en faire de nouveaux.
  • Dans une grande majorité des cas, les textiles dits recyclés sont à vrai dire orientés vers de nouvelles filières industrielles. Ainsi, beaucoup de textiles majoritairement composés de coton vont être découpés en chiffons qui seront ensuite utilisés dans l’industrie pour nettoyer des machines ou vendus en magasin de bricolage.
  • Certains autres textiles tissés en mélange (mélange de coton, polyester, laine, etc.) peuvent être effilochés et traités pour fabriquer des isolants pour les bâtiments ou encore les véhicules ou du rembourrage pour des coussins et des canapés. 

Les Combustibles Solides de Récupération ne sont pas du recyclage !

Contrairement à ce que pourrait éventuellement laisser penser la page consacrée au recyclage sur le site de l’éco-organisme en charge de la filière textile Refashion, les textiles qui sont broyés pour fabriquer des Combustibles Solides de Récupération (CSR) ne sont pas recyclés mais in fine brûlés. La hiérarchie des modes de traitement des déchets fait une distinction très précise entre ces deux exutoires.

Du fait notamment des mélanges de fibres ainsi que d’un manque d’infrastructures locales, il reste extrêmement compliqué de recycler effectivement un vêtement en nouveau textile et les matières ne retrouvent que très rarement leur usage d’origine. En outre, le recyclage reste un processus qui ne doit intervenir qu’en toute fin de vie du produit : un vêtement ou une chaussure pourra (et devra) le plus souvent être réutilisé avant que son recyclage ne soit envisagé.

La durabilité, condition sine qua none pour un textile réutilisé

Une courte étude de 2021 (en anglais) l’a montré : là où le recyclage d’un textile entraîne une légère économie d’émissions de gaz à effet de serre par rapport à la fabrication d’un produit neuf, sa réutilisation permet une réduction plus significative de l’impact climatique du produit. L’Ademe a ainsi estimé que l’achat d’un jean de seconde main évitait entre 80 % et 100 % des impacts climatiques mais aussi de l’épuisement des ressources naturelles occasionnés par l’achat d’un jean neuf. 

Pourtant, le taux de réutilisation des textiles ne cesse de baisser en France (64 % en 2014 contre 56,6 % en 2020). Cette chute libre met en danger les structures sociales comme Emmaüs qui récupèrent, trient et orientent les textiles mis en conteneurs Relais ou directement donnés à des associations. En effet, la filière de réutilisation des textiles est bien plus créatrice d’emplois que leur recyclage ou leur destruction en incinérateur ou en décharge, et d’autant plus fragilisée par la baisse de textiles qui peuvent être réutilisés.

Cette baisse s’explique par la surabondance de textiles neufs produits par l’industrie de la mode qui rend rapidement obsolète les vêtements d’une part, et la baisse de qualité des fibres qui complique la réparation et entraîne une diminution de la durabilité des textiles d’autre part. Du fait de cette surproduction de textiles, une immense majorité des textiles (95 %) réutilisés le sont à l’étranger ; en effet, tous ces vêtements ne trouvent pas preneurs en France. Cet export n’est pas sans poser question : si les textiles envoyés par Emmaüs participent à la création d’emplois locaux, ce n’est pas le cas pour tous les opérateurs qui exportent, notamment vers l’Afrique. D’autre part, l’export implique un transport au coût environnemental lui-même non négligeable. 

Parce que la réutilisation est l’un des piliers d’une mode plus durable, Zero Waste France milite auprès des pouvoirs publics et des industriels pour un renforcement de la qualité et de la durabilité des vêtements.

Ralentissons le rythme de la mode !

Pour changer notre rapport aux vêtements, faire bouger les marques, et avancer vers une mode plus durable aux rythmes de production moins effréné, rejoignez le mouvement lancé par Zero Waste France !

Voir la campagne

Actualités

21 février 2025

DEVOIR DE VIGILANCE EN MATIÈRE DE PLASTIQUE : LES ONG ET DANONE PARVIENNENT À UN ACCORD DANS LE CADRE D’UNE MÉDIATION

En janvier 2023, la coalition d’ONG ClientEarth, Surfrider Foundation Europe, et Zero Waste France assignait la société Danone pour non-respect à leurs yeux du devoir de vigilance en matière de pl[...]

11 février 2025

Règlement emballages (PPWR) : un socle minimal pour des politiques publiques de prévention et de réemploi ambitieuses

Dans le cadre du Pacte Vert, la Commission européenne dévoilait fin 2022 son projet de texte visant à harmoniser les règles relatives aux emballages. Le règlement dit “PPWR” entre finalement en vi[...]

à la une
10 février 2025

5e anniversaire de la loi AGEC : la France doit redoubler d’efforts pour sortir du tout-jetable

Promulguée le 10 février 2020, la loi AGEC a initié un élan pionnier en faveur de la réduction des déchets et de la préservation des ressources. 5 ans plus tard, No Plastic In My Sea, Surfrider Fo[...]

20 janvier 2025

Aux côtés de 86 organisations, Zero Waste France quitte X

Zero Waste France s'associe à 86 associations et syndicats qui annoncent quitter collectivement le réseau social X (ex-Twitter) ce lundi 20 janvier, jour de l’investiture de Donald Trump. En soute[...]

09 janvier 2025

Loi Industrie Verte : Notre Affaire à Tous et Zero Waste France demandent au Conseil d’État l’annulation des décrets d’application

Notre Affaire à Tous et Zero Waste France contestent devant la justice la légalité de trois décrets d’application de la loi Industrie Verte. Ils opèrent en effet un détricotage massif du droit de [...]

01 janvier 2025

Interdictions au 1ᵉʳ janvier 2025 : éviter les retours en arrière

De nouvelles dispositions réglementaires s’appliquent au 1ᵉʳ janvier 2025, concernant notamment l’interdiction de plastique à usage unique. Zero Waste France décrypte les nouveautés et alerte sur [...]

17 décembre 2024

Tri à la source des biodéchets : un an après l’obligation, un bilan insuffisant

Un an après l’entrée en vigueur de l’obligation de tri à la source des biodéchets, Zero Waste France a interrogé ses groupes locaux et adhérent·es à travers le pays. Notre constat : l’accès à des [...]

16 décembre 2024

Décharges : comment réduire une source majeure de gaz à effet de serre ?

En France, près de 75% des émissions de gaz à effet de serre du secteur des déchets proviennent des décharges. Zero Waste France alerte face au méthane encore généré par la décomposition des biodé[...]

13 décembre 2024

2024 : Retour sur une année d’actions

Tout au long de l’année 2024, nous avons enquêté et alerté sur les dérives de la surproduction, interpellé les pouvoirs publics pour faire avancer la réglementation, et défendu une démarche zéro d[...]

10 décembre 2024

Textiles sanitaires à usage unique : une filière REP attendue, mais déjà décevante

Promise comme une avancée majeure, la filière REP pour les Textiles Sanitaires à Usage Unique se limite, dans son projet d’arrêté, aux seules lingettes. Pour Zero Waste France, cette restriction c[...]