La Flandre belge: un bon élève de la gestion des déchets en Europe

Avec ses 71% de valorisation matière et 150kg d'ordures ménagères résiduelles par an et par habitant, la Flandre belge fait figure de bon élève européen en matière de gestion des déchets.

Newsletter
Partager
Bluesky

Avec ses 71% de valorisation matière et 150 kg d’ordures ménagères résiduelles par an et par habitants, la Flandre belge fait figure de bon élève européen en matière de gestion des déchets. Cette région très industrialisée et densément peuplée a su depuis plusieurs décennies appliquer des politiques permettant la réduction et le recyclage.

Pour mieux comprendre les raisons de ces bons résultats, Zero Waste France a organisé un voyage d’étude en partenariat avec le réseau CompostPlus (réseau de collectivités qui opèrent la collecte séparée des déchets organiques). Une quarantaine d’élus et de techniciens de collectivités de toute la France se sont donc retrouvés d’abord à Bruxelles puis à Gand et Louvain pour étudier le système flamand de gestion des déchets et en retirer des bonnes pratiques. Récit de quelques enseignements tirés de ce voyage…

Une politique « déchet » qui respecte la hiérarchie des modes de traitement

La Flandre étant compétente pour organiser sa propre politique de gestion des déchets distincte de sa voisine wallonne, les bons résultats flamands s’expliquent notamment par les décisions politiques prises au niveau de la région. L’OVAM, l’organisme chargé de l’application de cette politique en Flandre, nous a ainsi décrit comment les leviers économiques et réglementaires avaient été utilisés pour permettre le respect strict de la hiérarchie des modes de traitement[1].

Ainsi, sur le plan réglementaire, la Flandre a choisi d’interdire l’enfouissement des déchets ménagers, tout en limitant le développement des capacités d’incinération et en rendant obligatoire la collecte séparée des déchets recyclables et des déchets verts. L’outil fiscal a été utilisé pour faire peser des taxes sur l’enfouissement et l’incinération qui rendent le recyclage et compostage des déchets plus intéressants. L’application d’une tarification incitative est également généralisée pour les usagers du service public, qui payent en fonction du poids ou du volume des déchets qu’ils produisent. Dans ce cadre, les tarifs pour les collectes séparées (recyclables et biodéchets) sont plus faibles que pour les ordures résiduelles, afin d’inciter au geste de tri. La Flandre produit aujourd’hui moins de 150 kg d’ordures résiduelles par habitants et par an. Sur le total des déchets ménagers, 1% seulement est enfoui, 26% est incinéré et 71% est recyclé ou composté[2].

Côté prévention, la Flandre dispose d’un réseau important de structures de réemploi et de seconde-main. Pour 6 millions d’habitants, la Région dispose de 337 déchèteries, 31 centres de réemploi qui collectent les déchets à domicile et 124 magasins de récupération. Toutes les collectivité sont en contrat avec au moins un “re-use center” qui vient collecter les objets réutilisables à domicile. Souvent assorti de dispositifs de services après-vente et de garanties, ce système de réemploi est très populaire en Belgique et permet de collecter chaque année 10 kg d’objets (65, 867 tonnes) par habitant, qui seront revendus. Le secteur emploie directement 5 145 personnes.

Seul bémol à l’horizon, l’absence de stratégie « Zero Waste » formalisée pour la Flandre à moyen ou long terme.

Les biodéchets: une ressource à valoriser

L’ingrédient clés de la réussite flamande, c’est l’attention donnée à la valorisation des déchets organiques. Ici, tout est fait pour respecter « le cycle de la matière organique », qui suppose que les biodéchets reviennent nourrir les sols agricoles. Vlaco, l’organisme chargé des biodéchets, cherche à favoriser à la fois le « petit » cycle de la matière (le compostage de proximité), que le « grand » (la valorisation sur des plateformes de compostage industrielles ou des installations de méthanisation des biodéchets collectés séparément).

Côté “petit cycle de la matière”, le compostage de proximité est largement développé en Flandre.  58% des habitants qui ont un jardin compostent les déchets organiques. L’incitation au compostage est forte car les habitants payent l’enlèvement des déchets en fonction de la quantité qu’ils produisent, même dans le cadre de collecte séparée des biodéchets. Les lieux de compostage collectifs sont gérés par des maîtres composteurs bénévoles, formés par Vlaco, qui entretiennent le compost.

Complémentaire du compostage de proximité, la collecte séparée des biodéchets est également largement développée en Flandre. Plus de 60% des collectivités flamandes ont mis en place une collecte séparée des déchets organiques, qui n’accepte cependant pas les produits animaux (viandes, poissons, produits laitiers). Les biodéchets collectés sont ensuite traités majoritairement sur des plateformes de compostage industriel.

Une des spécificités de la Flandre est l’extrême attention portée à la qualité du compost ainsi produit. L’organisme Vlaco est en charge de garantir cette qualité, en définissant des process et en contrôlant les installations de compostage, les caractéristiques des intrants[3] et du produit fini[4]. Vlaco délivre au produit fini une certification qui sert d’assurance de qualité.  Cette exigence dans les contrôles[5] permet d’assurer le développement de la filière du compost, dans un contexte où les surfaces agricoles réduites et la quantité de matière organique à valoriser (issue de l’élevage, des industries agroalimentaires, des biodéchets des collectivités) provoque une concurrence dans les débouchés.

Quelques jours en Flandre belge nous auront donc permis de comprendre l’intérêt de développer aujourd’hui le tri à la source des déchets organiques et des filières de valorisation assurant la qualité du processus de compostage. Couplée à des incitations économiques envers les ménages et les industriels, cette politique permet réellement de respecter la hiérarchie des modes de traitement des déchets, en valorisant la fraction fermentescible des ordures ménagères.

[1] La hiérarchie des modes de traitement impose que la prévention soit prioritaire sur le recyclage et le recyclage prioritaire sur la valorisation énergétique. L’enfouissement étant le dernier recours.
[2] Les 2% restant sont traités via tri mécano-biologique.
[3] Interdiction des dilutions, traçabilité, pré-sélection des fournisseurs de biodéchets, étude sur la valeur agricole et échantillonnages fréquents.
[4] Contrôle externe par des laboratoires agréés.
[5] En 2014, Vlaco a effectué 99 audits sur les installations, 468 échantillonnages et a délivré 235 certificats.

Rejoignez-nous!

Vous avez aimé cet article? Rejoignez-nous! Zero Waste France agit en toute indépendance grâce aux soutiens de ses donateurs. Pour continuer à faire avancer la réglementation, promouvoir et faciliter les modes de vie zéro déchet, nous avons besoin de vous

Actualités

à la une
07 juillet 2025

Textiles Sanitaires à Usage Unique : une coalition hors-norme saisit la justice pour non-application de la loi AGEC

Une coalition inédite d’associations de collectivités et d’ONG s’est formée pour enjoindre l’État d'appliquer la loi AGEC. Cette loi votée en 2020 prévoyait l’application du principe « pollueur-p[...]

18 juin 2025

L’incinération des déchets ménagers : un pari coûteux

Alors que la réduction des déchets à la source devrait être la priorité des politiques publiques, l’incinération reste aujourd’hui une solution surinvestie et largement subventionnée.

10 juin 2025

Fast-Fashion : la CMP pourra-t-elle déjouer le piège des lobbies ?

Après de longs mois d’attente, le Sénat vient enfin de voter sa version de la loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile.

07 juin 2025

Lutte contre la pollution plastique : bientôt une loi pour généraliser le réemploi des emballages ?

Annoncée ce matin en amont de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC), une proposition de loi transpartisane visant à “généraliser le réemploi des emballages sur le territoire français”[...]

28 mai 2025

Loi fast-fashion : Bercy cède aux lobbies

Le gouvernement vient de déposer un amendement sur la proposition de loi de réduction des impacts environnementaux de la “fast-fashion” qui doit être discutée au Sénat le 2 juin. Cet amendement su[...]

22 mai 2025

Déchets : Zero Waste France demande un moratoire sur tous les nouveaux projets d’incinération

Un nouveau rapport de Zero Waste France dévoile une tendance inquiétante au développement de méga-incinérateurs en France, sous prétexte de production d’énergie. Décorrélés des ambitions de préven[...]

29 avril 2025

Recyclage chimique des plastiques : Zero Waste France et deux associations locales attaquent le projet Eastman en justice

Zero Waste France, Le Havre Zéro Déchet et Zero Waste Rouen ont déposé, samedi 26 avril, un recours auprès du Tribunal administratif de Rouen pour demander l’annulation de l’arrêté préfectoral [1][...]

03 avril 2025

SIMPLIFICATION DE LA VIE ÉCONOMIQUE : LES RIVERAIN·ES BIENTÔT ÉVINCÉ·ES DU DÉBAT PUBLIC ?

Incinérateurs d’Ivry, de Créteil ou de Toulouse-Mirail, projet de recyclage chimique des plastiques en Seine-Maritime : autant de projets qui ont été supervisés ou garantis par la CNDP. L’existenc[...]

20 mars 2025

Le rôle des collectivités locales dans la lutte contre le plastique à usage unique

Face aux impacts croissants du plastique, les collectivités locales disposent de leviers essentiels pour réduire les plastiques à usage unique, tels que la commande publique, le soutien aux systèm[...]

20 mars 2025

La loi anti fast-fashion détricotée

Lors de son passage en commission développement durable au Sénat, la proposition de loi visant à encadrer les pratiques de la fast-fashion a été percutée par le pouvoir des lobbys. La Coalition St[...]