Hiérarchie des modes de traitement des déchets : une décision favorable du Conseil constitutionnel
Par une décision du 22 avril 2022, le Conseil constitutionnel a validé les dispositions restreignant la construction de nouvelles installations de tri mécano-biologique (TMB). Retour sur une décision qui reconnaît la hiérarchie des modes de traitement à sa juste valeur.
La loi AGEC de février 2020 a inséré dans le Code de l’environnement des conditions concernant l’autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologique (installations TMB). A ce titre, l’autorisation de nouvelles installations de TMB, l’augmentation des capacités ou la modification notable des installations existantes est conditionnée à la généralisation du tri à la source des biodéchets par les collectivités territoriales (article L. 541-1 du code de l’environnement).
La Fédération nationale des collectivités de compostage considérait que ces dispositions de la loi AGEC portaient atteinte au principe de libre administration et au principe d’égalité entre les collectivités territoriales. Dans sa décision du 22 avril 2022, le Conseil constitutionnel a rejeté ces arguments et jugé que ces dispositions étaient tout à fait conformes à la Constitution. Les juges ont ainsi développé une argumentation favorable au respect de la hiérarchie des modes de traitement.
Pour rappel, la hiérarchie des modes de traitement est inscrite à l’article L. 541-1 du Code de l’environnement. Cette hiérarchie fait primer la prévention (1) et la réduction (2) des déchets. Ensuite, viennent la réutilisation et le réemploi (3), puis le recyclage (4), et en dernière solution l’incinération avec « valorisation énergétique » (5) et l’élimination, essentiellement incinération sans récupération d’énergie et mise en décharge (6). D’origine légale et européenne, et théoriquement contraignante, cette hiérarchie doit être appliquée notamment pour toute réglementation ou projet intéressant les déchets.
Les juges constitutionnels rappellent que les conditions que la loi a fixées ont vocation à décourager l’édification de nouvelles installations de tri mécano-biologique, au bénéfice de la généralisation du tri à la source des biodéchets. En effet, selon la loi (et bien avant elle, les ONG environnementales…), les performances de valorisation de telles installations de TMB sont insuffisantes par rapport au tri à la source. Ainsi, le Conseil constitutionnel valide indirectement le raisonnement de la loi de restreindre le recours au TMB, en raison de sa moindre efficacité environnementale au regard de la priorité de prévention des déchets.
Sur la base de ces éléments, le Conseil constitutionnel considère que par cette disposition, la loi a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.
Qu’est ce qu’un objectif de valeur constitutionnelle ?
Les objectifs de valeur constitutionnelle énoncent des buts que le législateur doit prendre en compte lorsqu’il légifère dans un domaine. Ces objectifs sont créés par les juges constitutionnels à l’occasion de décisions. Un objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement a ainsi été dégagé par le Conseil Constitutionnel dans une décision du 31 janvier 2020.
Autrement dit, les jugent considèrent que le respect de la hiérarchie des modes de traitement permet d’assurer la protection de l’environnement. Cette considération est bienvenue, en ce que la hiérarchie des modes de traitement des déchets, bien que contraignante en théorie, est peu respectée en pratique. En effet, les acteurs privés (entreprises) et publics (gouvernement, collectivités territoriales…) privilégient trop souvent le recyclage, la valorisation ou l’élimination en aval des déchets, au détriment de leur prévention et réduction en amont. Par cette décision, les juges constitutionnels réaffirment ainsi la portée impérative de cette hiérarchie.
Cette décision ne concerne en l’espèce que les installations de TMB, mais il est à espérer qu’elle pourra être appliquée pour d’autres installations afférentes aux déchets (incinérateurs, décharges…). Zero Waste France entend s’en emparer pour poursuivre la contestation de l’édification abusive de nouvelles installations de traitement des déchets.
Plus globalement, une telle décision pourra être utilisée pour contester tout projet ou toute réglementation privilégiant le traitement des déchets, plutôt que leur prévention et réduction.