17 juin 2015
Marine Foulon

Impacts climatiques du tout-jetable : l’exemple de la vaisselle jetable

Quels sont les impacts de la vaisselle jetable sur le climat et l'environnement ? Quelles sont les alternatives pour les éviter ?

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Rasoirs, lingettes, textiles sanitaires, vaisselle, depuis les Trente Glorieuses nous sommes entrés dans l’ère du jetable. Symbole de la modernité, de progrès et de la libération de la ménagère, les produits jetables ont pris une place importante dans notre quotidien. Néanmoins, aussi pratiques qu’ils puissent être, ces produits pèsent lourds sur l’environnement et sur le climat.

Adopter une vision globale : des impacts climatiques à tous les étages

Pour visualiser ces impacts, il est nécessaire d’adopter une vision globale du cycle de vie des produits. En effet, nos déchets, avant d’être abandonnés, ont été des produits. Or, à toutes les étapes de leur vie, de l’extraction des matières premières au traitement des déchets en passant par le processus de fabrication, de conditionnement et la distribution, des gaz à effet de serre (GES) ont été émis. Ces derniers s’ajoutent aux GES que représente le transport sur des centaines de kilomètres de ces matières premières, produits et déchets.

Notre mode de (sur)consommation a donc des impacts non négligeables sur l’environnement et notamment sur le climat. Sachant cela, le développement des produits jetables apparaît comme un énorme gâchis d’émissions de GES.

Encore faut-il que les alternatives au jetable soient véritablement préférables du point de vue environnemental et ici climatique. Par exemple, il convient de vérifier que leur fabrication n’émet pas plus de CO2 et que leur lavage et séchage ne consomme pas trop d’énergie. A ce sujet des Analyses du Cycle de Vie peuvent et doivent être effectuées tout en gardant cependant en tête le fait qu’elles ne pourront pas prendre en compte tous les facteurs et qu’elles dépendent fortement des hypothèses retenues. A ce sujet, on peut citer une étude de l’Agence du Royaume-Uni pour l’Environnement de 2008 qui concluait que les couches jetables et lavables avaient un impact équivalent sur l’environnement… en retenant l’hypothèse selon laquelle ces dernières étaient lavées à 90° et systématiquement repassées.

Une vaisselle jetable qui pèse lourd dans nos ordures… non valorisées

Nous nous proposons d’étudier les impacts climatiques du tout-jetable à travers un exemple du quotidien : la vaisselle jetable à propos de laquelle plusieurs ACV ont été effectuées. Gobelets, assiettes, verrines, plateaux, couverts, de l’événementiel aux pique-niques entre amis en passant par les machines à café, la vaisselle jetable est devenue omniprésente dans nos vies à tel point qu’elle représente plusieurs kilogrammes de déchets par français par an[1].

Or ces déchets ne sont pas valorisés. En effet, si certains, fabriqués en plastique Polypropylène (PP), pourraient être recyclés, il n’existe pas à l’heure actuelle de filière adaptée en France. Cette vaisselle n’étant couverte par aucune filière REP (Responsabilité Elargie du Producteur), aucun tri ni recyclage n’est organisé, et elle est systématiquement incinérée ou mise en décharge après sa (très courte) utilisation. La vaisselle en carton dite “biodégradable” subit, sauf exception, le même sort que sa cousine en plastique.

En incinération, elle sera responsable d’émissions de CO2 (voir nos articles sur le sujet) et en décharge la décomposition de la vaisselle en carton sera la source d’émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre.
A ces émissions, il faut ajouter celles du transport des déchets (collecte en porte-à-porte et vers les centres de traitement). La seule collecte en porte-à-porte des déchets ménagers et assimilés représente en France environ 530 000 tonnes d’équivalents CO2 chaque année[2].

La vaisselle réutilisable : des émissions évitées

La vaisselle réutilisable permet d’éviter ces émissions liées au traitement des déchets mais également celles liées à l’extraction de matières premières et à la production et distribution de la vaisselle autant de fois qu’elle est réutilisée. Certaines alternatives comme les Ecocups (leader sur le marché des gobelets en plastique réutilisables) sont en plus recyclées en fin de vie. La vaisselle traditionnelle (en faïence, pyrex, terre cuite…) quant à elle ne se recycle pas faute de filière adaptée mais a une durée de vie longue.

Plusieurs études sur le sujet concluent à un impact sur l’environnement (GES, matières premières, écotoxicité aquatique) inférieur pour la vaisselle réutilisable après un certain nombre de réutilisations (ex. 7 réutilisation pour les gobelets). Concernant les émissions de gaz à effet de serre, un gobelet réutilisable en plastique (type écocups) représenterait en moyenne 2 fois moins d’émissions (0,0100 équivalent CO2) qu’un gobelet en plastique jetable (20g équivalent CO2) et 3 fois moins qu’un gobelet biodégradable (28,5 g équivalent CO2)[3].

Un changement d’habitudes nécessaire

Remplacer les biens jetables par leur alternatives réutilisables dans la mesure où ces dernières sont nettoyées de manière responsable apparait donc comme une nécessité climatique. Une action de ce type est un exemple parmi d’autres de solution concrète à la portée de tous.  A titre d’exemple, les couches et protections lavables et la coupe menstruelle permettent de se passer de 19,4 kg par an et par habitant de textiles sanitaires et les bouteilles d’eau peuvent être remplacées par des gourdes.

Les pouvoirs publics ont aussi un rôle à jouer pour impulser ce changement d’habitudes dans la consommation. En effet, à l’heure où la France prétend vouloir parvenir à un accord ambitieux à la Conférence Climat de Paris en novembre prochain, il est grand temps pour nos représentants passer de la parole aux actes et d’encourager la sortie du tout-jetable par des décisions courageuses (interdiction de la mise sur le marché de la vaisselle jetable non-compostable, utilisation de la commande publique, fiscalité…). La décision de la commission spéciale du Sénat de supprimer l’interdiction de la vaisselle jetable en plastique, ne s’inscrit malheureusement pas dans cette tendance !

[1] 5kg pour les seuls gobelets jetables

[2] FNADE 2008

[3] Comparaison des impacts environnementaux des gobelets dans l’événementiel, (juin 2011), Johan Bouvier ; Analyse de cycle de vie. Gobelets jetables, réutilisables, recyclables. (janvier 2009). Ecole polytechnique fédérale de Lausanne

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