Incendie d’un centre de tri de déchets à Saint-Chamas : Zero Waste France porte plainte
Le 17 mars 2022, Zero Waste France a porté plainte contre l’exploitant d’un centre de tri qui stockait des quantités illégales de déchets, jusqu’à prendre feu le 26 décembre 2021. Leçons d’un accident symptomatique des limites d’une politique “déchets” exclusivement tournée vers la gestion aux dépens de la prévention.
Les origines de l’incendie : un stockage démesuré et illégal de déchets
La société “RECYCLAGE CONCEPT 13” louait et exploitait une installation de tri de déchets non dangereux sur la commune de Saint-Chamas dans les Bouches-du-Rhône (13). Cette installation disposait d’une autorisation préfectorale qui lui permettait de stocker un volume de déchets non dangereux inférieur à 1 000 m³.
Le site a pris feu le 26 décembre 2021 et cet incendie a perduré pendant un mois et demi. La société qui exploitait le site ne respectait pas la réglementation administrative et environnementale en matière de gestion des déchets. En effet, elle n’effectuait pas d’opérations de tri des déchets qu’elle recevait et se contentait de les accumuler dans l’entrepôt qui a pris feu. Ainsi, il a été constaté que le centre de tri stockait une quantité faramineuse de déchets (sans certitude que ces derniers ne soient pas dangereux), mesurée entre 20 à 30 000 m³, soit 20 à 30 fois plus que ce pour quoi il était autorisé.
Un tel incident attire l’attention sur les fragilités de la réglementation des installations de tri et de gestion des déchets, et plus globalement sur les potentielles dérives d’un système encore trop peu tourné vers la prévention des déchets.
Une plainte justifiée par les conséquences environnementales et sanitaires de l’incendie
Par la plainte qu’elle a déposée devant la Procureure de la République du tribunal judiciaire de Marseille, Zero Waste France a demandé l’application de sanctions administratives et pénales.
Zero Waste France agit en particulier dans les domaines qui intéressent la protection de l’environnement et la gestion des déchets. C’est pourquoi elle a demandé l’application d’une amende conséquente par l’exploitant du site de Saint-Chamas du fait des conséquences environnementales dramatiques de l’incendie. En effet, l’accident a constitué une pollution néfaste pour la qualité de l’air, la qualité de l’eau et la biodiversité alentour, en raison des émissions de particules fines et des produits chimiques rejetés.
Au-delà des considérations environnementales, l’association défend les intérêts des citoyens·nes. Elle estime que l’exploitant du site est coupable pénalement d’une mise en danger de la vie d’autrui, car l’incendie était une menace pour les voisins·es du site, non seulement à cause des flammes de celui-ci, mais aussi par les pollutions de l’air aux particules fines, persistantes pendant près d’un mois et demi. Il était même déconseillé aux populations les plus fragiles (personnes âgées, jeunes enfants, personnes enceintes), de sortir de chez elles lors des pics de pollution.
Un incendie qui révèle les failles de la réglementation des déchets en France
L’incendie de Saint-Chamas a eu un certain écho médiatique, jusque devant le Sénat, ce qui a permis d’interroger la réglementation actuellement en vigueur pour les centres de tri et de gestion des déchets. Plusieurs solutions pourraient être envisagées afin d’améliorer la loi et de prévenir de nouveaux incendies tels que celui des Bouches-du-Rhône.
Tout d’abord, un changement de la réglementation pour autoriser l’implantation et le fonctionnement d’un centre de tri pourrait être une piste, mais il est peu probable que cela empêche les exploitants de ne pas respecter les règles d’exploitation de ces centres.
Un autre levier pourrait être d’alourdir les sanctions et le montant des amendes infligées aux personnes exploitant des installations de tri de déchets dans des conditions illégales. En l’état actuel de la réglementation, les sanctions qui sont prévues pour ce type d’infractions ne sont pas suffisamment coercitives pour inciter à la bonne conduite des exploitants.
Plus globalement, la réglementation et les investissements conséquents qui encouragent l’implantation de sites de tri de déchets traduit une préoccupation première pour le recyclage ; plutôt que pour des solutions de prévention ou de réemploi, conformément à la hiérarchie des modes de traitement des déchets. L’incendie de l’entrepôt de Saint-Chamas n’est pas le premier (et ne sera sans doute pas le dernier), et il révèle les limites d’un modèle uniquement tourné vers la production et la gestion de déchets, plutôt que la prévention. Une réduction en amont des déchets permettrait de diminuer les besoins de nouvelles installations de tri et de gestion de déchets, telles que celle qui a brûlé, et de diminuer les quantités de déchets susceptibles d’y être stockées.
Une évolution récente de la jurisprudence en matière de gestion des déchets
Un espoir est permis avec un arrêt récent du Conseil d’Etat (Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 07/03/2022, 438611) qui apporte des précisions concernant la gestion des déchets situés sur un site industriel. Les juges ont considéré que le préfet ou la préfète pouvait demander concomitamment au producteur et à l’exploitant du site, de gérer collectivement les déchets qui y sont entreposés. Ce jugement apporte ainsi un nouvel outil permettant d’empêcher et de remédier à un stockage dangereux, inflammable et explosif de déchets sur un site.
Zero Waste France déplore les conséquences désastreuses de l’incendie et espère que le dépôt de cette plainte aboutira à des sanctions pénales et administratives à l’encontre de l’exploitant du site de Saint-Chamas.
Plus largement, l’association réaffirme la nécessité d’orienter les réglementations et les investissements vers des solutions de prévention et de réemploi, plutôt que du “tout recyclage”, notamment dans le cadre des différents textes d’application de la loi anti-gaspillage.