Investissons dans les vraies solutions, pas dans l’incinération
Avec le soutien du Bureau Européen de l'Environnement (BEE), Zero Waste France dévoile une nouvelle vidéo appelant la société civile ainsi que les décideurs publics et privés, à basculer les investissements en faveur de la réduction des déchets.
La réglementation européenne tout comme le droit français instaurent une “hiérarchie des modes de traitement des déchets”. Ceux-ci doivent en priorité être réduits à la source, réemployés, compostés ou recyclés : la mise en décharge et l’incinération n’arrivent qu’en bout de course. Mais l’incinération des déchets demeure encore un moyen de traitement des déchets massivement utilisé, et les fonds alloués à la réduction des déchets sont encore minimes, comparés aux investissements lourds dans l’incinération.
Pourquoi réduire le recours à l’incinération des déchets ?
Les Français le savent peu, mais chaque année en France, 126 usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) brûlent environ 14.5 millions de tonnes de déchets, soit environ un tiers des déchets ménagers. 80% voire 90% de ces déchets incinérés sont des ordures ménagères résiduelles, le sac “noir” non trié (le reste est issu des déchèteries, des déchets industriels, etc.). Ce qui fait de la France un des pays ayant le plus recours, en Europe, à l’incinération.
“Les déchets sont bien gérés et il n’y a pas de quoi s’en faire“, “l’incinération est une technologie verte et compatible avec l’économie circulaire” : voilà pourtant les plus connus des éléments de langage diffusés par les promoteurs de l’incinération. Un discours qui mérite d’être déconstruit.
En effet, cette industrie présente des défauts majeurs. D’une part elle est polluante (émissions atmosphériques, aqueuses, résidus solides issus de la combustion, transports afférents…). D’autre part, elle coûte cher : il faut compter entre 100 millions d’euros pour les plus petites usines, et jusqu’à 500 millions d’euros pour les plus grandes, sans inclure le coût de fonctionnement ! Surtout, elle détruit les déchets lors de la combustion, empêchant leur récupération pour qu’ils soient dûment compostés, réparés, recyclés… Autant de ressources précieuses qui partent, chaque jour, en fumée.
L’incinération, une industrie bénéficiant de nombreux coups de pouce
La réduction des déchets à la source peine encore largement à être intégrée dans les politiques publiques et pâtit d’un défaut notable de soutien de la part de l’Etat, des collectivités et des entreprises. Les collectivités consacrent ainsi seulement 1% en moyenne de leur budget “déchet” à la prévention. L’incinération, à l’inverse, bénéficie de nombreux coups de pouce fiscaux et réglementaires (notamment du fait de la récupération d’énergie) :
- la moitié de l’énergie produite par une usine d’incinération sous forme de chaleur et/ou d’électricité est considérée comme “renouvelable” (pour la part de déchets “non fossiles” censée s’y trouver), ce qui permet à l’incinération de bénéficier d’une meilleure “image” et de réductions fiscales ;
- les réseaux de chaleur distribuant cette énergie récupérée par certaines usines bénéficient, sous certaines conditions, d’un taux de TVA réduit ;
- les usines jugées les plus “performantes” bénéficient d’une réduction significative de la taxe générale sur les activités polluante (TGAP) payée pour chaque tonne incinérée (le taux de base, de 15€/tonne, peut ainsi être réduit à 3€/tonne !) ;
- enfin, les exploitants bénéficient de certains soutiens financiers, comme par exemple le rachat de l’électricité produite. Selon la Commission de régulation de l’énergie, à ce seul titre, “la rémunération totale cumulée perçue par les exploitants d’installations d’incinération entre 2002 et 2014 s’élève à 1,66 milliards d’euros courants“.
Face à ces nombreux coups de pouce réglementaires et fiscaux, difficile pour les politiques de réduction des déchets, qui ne bénéficient pas du même soutien, de se développer.
Une vidéo pour revenir à la réalité : brûler des déchets, c’est détruire des ressources
En réalisant cette vidéo avec le soutien du Bureau européen de l’environnement, Zero Waste France souhaite interpeller la société civile, ainsi que tous les décideurs publics et privés, sur la situation actuelle. En effet, selon les caractérisations menées par l’Ademe, et nos propres constatations de terrain, environ la moitié des ordures ménagères peuvent dès aujourd’hui faire l’objet d’actions de prévention à la source, avec des gestes du quotidien. Et environ 70% de ces déchets sont en tout état de cause déjà compostables ou recyclables. Mais la mise en oeuvre de ces solutions à grande échelle nécessite un basculement massif des financements en faveur des alternatives, qui sans cela peineront à se généraliser.
Le gouvernement dispose de plusieurs opportunités afin de revoir ces réglementations, telle que la programmation pluriannuelle de l’énergie en cours (retrouvez la participation de Zero Waste France à ce processus), ou lors de la révision de la TGAP lors du prochain projet de loi de finances (taxe applicable aux usines d’incinération). Autant d’opportunités à saisir pour rééquilibrer les règles du jeu et miser sur les vraies solutions.