Interdictions au 1ᵉʳ janvier 2025 : éviter les retours en arrière
De nouvelles dispositions réglementaires s’appliquent au 1ᵉʳ janvier 2025, concernant notamment l’interdiction de plastique à usage unique. Zero Waste France décrypte les nouveautés et alerte sur le risque de non-application de certains articles de loi.
Interdiction de plastiques à usage unique dans la restauration collective et les établissements de santé
Au 1ᵉʳ janvier 2025, avec l’application de l’article 28 de la loi EGAlim [1], l’ensemble des contenants en plastique utilisés pour la cuisson, le réchauffage et le service sont désormais interdits en restauration scolaire, universitaire et dans les établissements accueillant des enfants de moins de six ans – notamment les crèches. Seules les collectivités territoriales de moins de 2 000 habitant·es bénéficient d’un délai supplémentaire jusqu’au 1ᵉʳ janvier 2028.
Dans la même optique, la loi Agec [2] interdit au 1ᵉʳ janvier 2025 l’utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffage et de service en plastique, dans les services de pédiatrie, d’obstétrique et de maternité et les centres périnataux de proximité. Plusieurs dérogations ont été fixées par décret pour l’utilisation d’éléments en plastique pour des raisons de santé, ou encore pour les tétines de biberon [3].
Ces interdictions ont des objectifs de santé publique, afin de limiter l’exposition des jeunes publics aux substances plastiques, dont certaines ont été démontrées cancérigènes et toxiques. Une étude publiée en 2020 dans la revue de recherche Nature Food [4] démontre qu’un bébé de 12 mois avale ainsi chaque jour en moyenne 1,5 million de micro plastiques, notamment en raison de la migration du polypropylène des biberons dans le lait contenu à l’intérieur.
Pour rappel, ces interdictions s’inscrivent dans les objectifs de la loi Agec et du décret “3R” [5], ce dernier fixant pour la période 2020-2025 un objectif de réduction de 20% des emballages plastiques à usage unique d’ici à fin 2025.
Qu’en est-il des emballages en plastique pour les fruits et légumes frais ?
Alors que la loi Agec du 10 février 2020 prévoyait l’interdiction au 1ᵉʳ janvier 2022 de la vente de fruits et légumes frais, pour des quantités inférieures à 1,5 kg, dans des emballages plastiques, cette interdiction n’est toujours pas appliquée 3 ans plus tard. Le gouvernement a élaboré à deux reprises le décret d’application fixant les dérogations à cette interdiction : malgré le trop grand nombre de produits concernés par ces exemptions – comprenant jusqu’aux pommes de terre primeur ou aux haricots verts, pourtant peu concernés par le risque de détérioration lié à la vente en vrac -, les lobbies de l’industrie de l’agro-alimentaire et de l’emballages ont saisi par deux fois le Conseil d’État pour faire annuler ces deux versions du décret. Après un premier texte annulé fin 2022, le Conseil d’État a annulé la deuxième version en novembre 2024 [6], en raison du non-respect par la France d’un délai demandé par la Commission Européenne avant l’adoption du décret.
En raison de ce nouveau recul, l’interdiction de vente de fruits et légumes frais dans des emballages plastiques n’est plus appliquée. L’interdiction reste toutefois prévue pour 2030 dans le règlement européen sur les emballages et déchets d’emballages (PPWR), et pourrait être mise en œuvre plus tôt si le gouvernement français choisit d’adopter un nouveau décret d’application.
L’épineuse question de l’interdiction du polystyrène
Depuis la Directive européenne SUP de 2019, transposée dans la loi Agec, les contenants alimentaires et pour boisson en polystyrène expansé, utilisés dans la vente à emporter, sont interdits [7]. Représentant plus du tiers des plastiques retrouvés dans la nature, ce matériau représente un danger pour les écosystèmes et plus particulièrement les milieux marins – il se fragmente en petites “billes” qui polluent très fortement les écosystèmes. Il représente également un danger pour la santé humaine, plusieurs études démontrant les liens entre le polystyrène et certaines pathologies, comme la maladie de Parkinson.
La loi Climat et résilience prévoit qu’à compter du 1ᵉʳ janvier 2025, “les emballages constitués pour tout ou partie de polymères ou de copolymères styréniques, non recyclables et dans l’incapacité d’intégrer une filière de recyclage, sont interdits [8]”. Au-delà des risques environnementaux et sanitaires, l’enjeu est là : le polystyrène est peu recyclable et de fait peu recyclé, rendant ce matériau très peu intéressant pour atteindre des taux de recyclage performants. Le polystyrène représente en effet 16% du gisement des emballages en France, alors que seul 3 à 4% de ce gisement est exporté pour être recyclé [9].
Pour autant, comme le rapporte une enquête du Monde et de France Info [10], lors du vote de la loi, les industriels ont réussi à convaincre les élus de conditionner l’interdiction à l’absence de filière de recyclage spécifique, alors même que le gouvernement était en mesure de savoir, dès 2021, que l’élaboration d’une filière de recyclage n’aboutirait pas. Alors que la loi devrait s’appliquer au 1er janvier 2025, le mirage du développement d’une filière de recyclage permet aujourd’hui de justifier sa non-application.
Le nouveau règlement européen relatif aux emballages et déchets emballages (PPWR) a été utilisé comme excuse parfaite pour tenter d’entériner ce report. Ce texte se fixe notamment comme objectif d’adopter des critères et une méthodologie harmonisée d’évaluation de la recyclabilité des emballages. Si la performance de recyclage d’un matériau est inférieure à certain taux – 70 % – l’emballage sera alors considéré comme non recyclable ne pourra plus être mis sur le marché. Or, la famille des polystyrène, peu recyclable, est justement visée par cette méthodologie. L’alibi parfait – “un risque de contrariété avec le droit européen – brandi par le Ministère de la Transition écologique dans un avis du 28 septembre 2024 [11]. Depuis, le Ministère avait informé les parlementaires que la disposition modifiant l’article L. 541-15-10 de code de l’environnement serait rattachée à un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne [12]. En raison du calendrier bousculé par les débats sur le projet de loi de finances, ainsi que de la censure du gouvernement, ce projet de loi n’a pas pu être débattu avant le 31 décembre 2024.
Même si le report de l’interdiction n’a pas pu avoir lieu avant la date d’application de la loi, il semble évident que l’application de cette loi ne sera pas effective dans l’immédiat, afin de donner un énième délai supplémentaire aux profits des industries de l’agroalimentaire et du plastique pour trouver une solution de recyclage, et permet de maintenir le statu quo malgré les effets délétères connus de ces matériaux sur la santé et l’environnement.
De manière générale, Zero Waste France rappelle que le décret 3R fixe comme objectif que les emballages en plastique à usage unique mis sur le marché disposent au 1ᵉʳ janvier 2025, d’une filière de recyclage opérationnelle, en veillant à ce qu’ils ne perturbent pas les chaines de tri ou de recyclage. Ce n’est pas le cas des emballages en plastique à usage unique en polystyrène, qui par conséquent ne devraient plus être autorisés sur le marché.
Filtres à microfibres de plastique sur les lave-linges : une obligation toujours en attente
L’article 79 de la loi Agec prévoit l’obligation de doter les lave-linges neufs – domestiques ou professionnels – d’un filtre à microfibres de plastique ou de toute autre solution interne ou externe à la machine permettant de filtrer les microfibres de plastique. La filtration des microfibres de plastique est un enjeu majeur pour nos écosystèmes, alors qu’aujourd’hui plus de 65% de la production textile mondiale est composée de fibres synthétiques [13].
Une étude de l’Université de Californie, publiée en 2020 [14] estime que 5,6 millions de tonnes de microfibres synthétiques se sont accumulées dans l’environnement depuis les années 1950 uniquement à cause du lavage des vêtements. Selon une étude de l’Université de Plymouth en 2016, plus de 700 000 microfibres de plastiques seraient relâchées dans l’eau pour une seule lessive de 6kg de linge [15].
Malgré cette nécessité d’équiper les lave-linges en filtres pour limiter l’impact des microfibres de plastique dans l’environnement, le décret précisant les modalités d’application de cette loi – votée il y a bientôt 5 ans – n’a toujours pas été publié. Ce décret devait indiquer la norme de performance et le seuil minimum de performance attendu pour l’évaluation des filtres, les différents systèmes existants n’ayant pas la même efficacité. En l’absence de décret d’application de la loi, là encore, l’obligation n’est pas effective au 1ᵉʳ janvier 2025. Si plusieurs marques commercialisent déjà des lave-linges équipés de filtres ou des filtres externes à fixer sur des lave-linges, la généralisation de ces pratiques reste pour l’instant incantatoire.
En parallèle, d’autres mesures doivent être prises pour réduire les rejets de microfibres de plastique dans l’environnement, notamment la mise en place d’une pénalité financière basée sur l’affichage environnemental des vêtements, prévue dans la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. Adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en mars 2024, ce texte attend toujours sa mise à l’ordre du jour du Sénat.
La généralisation du tri des emballages dans l’espace public
L’article 72 de la loi Agec impose la généralisation des poubelles de tri des emballages dans l’espace public. Autrement appelée “collecte hors foyer”, cette généralisation a pour but de permettre aux 300 000 tonnes d’emballages ménagers recyclables jetés dans l’espace public (rues, parcs…) ou dans des espaces privés hors foyer d’être triés [16]. L’article 74 renforce quant à lui l’obligation de collecte séparée des emballages pour les établissements recevant du public, qui doivent désormais, eux aussi, mettre en place des poubelles de tri des emballages.
Malgré ces avancées législatives, l’ensemble des acteurs publics et privés (collectivités, établissements recevant du public) ne sont pas tous équipés au 1ᵉʳ janvier 2025. Il reste difficile d’estimer le nombre de collectivités proposant une poubelle de tri des emballages sur l’ensemble de ses espaces publics. Au-delà de ces mesures visant à améliorer le geste de tri, il est central de mettre l’accent sur la réduction des emballages à usage unique. Pour cela, l’expérimentation des emballages réemployables dans quatre régions françaises à partir de mai 2025 est très attendue, tout comme sa généralisation à l’ensemble du territoire.
Notre page campagne sur la consigneMalgré les avancées prévues au 1er janvier 2025, Zero Waste France s’alarme une nouvelle fois du manque d’application de la loi. Avec les tentatives de report de certaines interdictions – comme le polystyrène -, le retard pris dans la mise en œuvre d’obligations – généralisation des poubelles de tri hors foyer, filtres sur les lave-linges – ou encore l’annulation de certains décrets – emballages en plastique de fruits et légumes -, les avancées de la loi Agec sur le terrain sont peu conformes avec ce qu’elles sont censées être sur le papier. Zero Waste France exhorte ainsi les pouvoirs publics à accélérer la mise en œuvre de la loi Agec. Pour rappel, même si le règlement européen sur les emballages s’appliquera en 2030, le droit européen autorise l’ensemble des Etats-membres à aller plus loin que la réglementation européenne ; et l’excuse de non-conformité avec le texte européen ne doit pas engendrer de retours en arrière sur les ambitions d’une loi pionnière en Europe. La Commission Européenne elle-même a récemment précisé que si l’action nationale était nécessaire pour atteindre les objectifs environnementaux fixés à l’échelle européenne, les États-membres pouvaient mettre en place des mesures et objectifs plus ambitieux que ceux prévus par l’UE. Il est central que le gouvernement français continue sa démarche ambitieuse de réduction de l’usage unique, et se donne les moyens d’appliquer et de vérifier l’application de la loi Agec.
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[1] Article 28 de la loi EGAlim du 30 octobre 2018
[2] Article 77 de la loi Agec du 10 février 2020
[3] Projet de décret sur les dérogations à l’article 77 de la loi Agec
[4] Etude de Nature Food, Li, D., Shi, Y., Yang, L. et al. Microplastic release from the degradation of polypropylene feeding bottles during infant formula preparation. Nat Food 1, 746–754 (2020)
[5] Décret “3R” fixant des objectifs de réduction, réemploi et réutilisation
[6] Décision du Conseil d’État du 8 novembre 2024
[7] Directive SUP (Single use plastic) ou Directive (UE) 2019/904 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement
[8] Sont visés le polystyrène (PS) et le polystyrène expansé (XPS) lorsqu’il s’agit de formats d’emballage rigides (y compris les emballages de produits laitiers, les plateaux, les gobelets et autres contenants alimentaires) et le polystyrène extrudé (EPS), également pour les formats rigides (y compris boîtes à poisson / produits blancs et barquettes)
[9] Ministère de la transition écologique, Réduction de l’impact environnemental du plastique : engagement des acteurs de la filière polystyrène, mai 2022
[10] France Info, Polystyrène : le lobbying gagnant des industriels pour éviter l’interdiction des pots de yaourts et barquettes de viande, 17 juin 2024
[11] Avis publié au Journal Officiel du 28/09/24
[12] Question écrite au Sénat de M. SIDO Bruno (Haute-Marne – Les Républicains) publiée le 26/09/2024
[13] Materials Market Report 2023 publié par Textile Exchange
[14] Etude citée par la revue Sciences et avenir
[15] Enquête de 60 millions de consommateurs, octobre 2020
[16] Site web de Citeo