La mise en décharge
Près de 178 décharges autorisées sont exploitées en France. Quels sont les enjeux de cette filière ?
Quelques chiffres
[Mis à jour le 16.12.2024]
Sur le territoire français, environ 178 décharges – ou ISDND, installations de stockage de déchets non dangereux – sont en fonctionnement à ce jour, et ont accueilli 14 millions de tonnes de déchets dits « non dangereux » en 2023. D’après l’enquête collecte de l’ADEME en 2021, 24% des ordures ménagères résiduelles (OMR), autrement dit des déchets de la poubelle noire des ménages en France ont été orientés vers l’enfouissement. Une décharge consiste à enfouir des déchets dans un grand trou de plusieurs hectares, creusé à même le sol (en général argileux), équipé de systèmes de drainages et de bâches afin d’éviter les fuites. Ce mode de traitement des déchets est polluant et non soutenable, car il participe à l’artificialisation des sols et détruit les déchets qui deviennent irrécupérables. Les décharges produisent en outre des déchets dangereux tels que les lixiviats, eaux de percolation chargées en polluants. Enfin, même équipées de systèmes de captage des gaz, les décharges émettent du méthane participant au changement climatique.
Quelle réglementation applicable ?
La mise en décharge est encadrée par l’arrêté du 15 février 2016 qui regroupe la majeure partie des normes applicables. Ce texte prévoit notamment que les décharges doivent être équipées de système de captage des gaz, lesquels doivent être a minima torchés (autrement dit brulés), ou valorisés énergétiquement. L’exploitation se déroule par casiers successifs, c’est-à-dire qu’une petite zone est exploitée sur une durée relativement courte (de l’ordre de un à deux ans), et recouverte pour ensuite passer à l’enfouissement sur une autre zone, etc. Le massif de déchets doit être régulièrement recouvert d’une couche de matériaux évitant les envols et réduisant les nuisances. De même, les lixiviats (eaux qui percolent dans les déchets) doivent être captés et en règle générale traités sur place. L’arrêté prévoit enfin les différents seuils à respecter dans les polluants émis, en particulier s’agissant des rejets aqueux des décharges. Un certain nombre de normes sont précisées dans l’arrêté préfectoral autorisant l’installation. Cet arrêté, qui est communicable de droit à toute personne qui en fait la demande, doit donc être systématiquement consulté pour connaître les obligations de l’exploitant avec précision.
La loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte votée en 2015 prévoit une réduction de 50% des déchets non dangereux non inertes (hors BTP) enfouis en 2025 par rapport à 2010. Cela fixe donc la cible à atteindre en 2025 à 9,73 millions de tonnes de déchets enfouis; objectif pourtant bien éloigné des 14 millions de tonnes comptabilisées en 2023.
Avec la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) et ses textes d’application, les règles relatives à l’enfouissement des déchets non dangereux ont été modifiées pour inciter au tri et à la valorisation des matières. Ainsi, depuis janvier 2022, le décret n° 2021-1199, en vue de l’élimination des déchets, interdit progressivement la mise en décharge des déchets qui peuvent être valorisés, c’est-à-dire recyclés ou incinérés. Ces restrictions s’appuient sur des obligations de justification du respect du tri à la source, mais la réalisation de contrôles visuels et de rapports annuels de caractérisation, tous deux requis chez les producteurs ou détenteurs de déchets. Un calendrier progressif, à l’horizon 2030, introduit des conduites évolutives sur la proportion de matières valorisables enfouies, en prêtant attention aux biodéchets, textiles et déchets relevant des dispositifs de responsabilité élargie des producteurs. À partir de 2025, un plafond global est mis en place : il est interdit de dépasser 70 % de déchets valorisables dans le poids d’une benne pour l’ensemble des matières (le seuil passera à 50% en 2028), qu’elles soient en métal, plastique, verre, bois, fraction minérale inerte, papier, plâtre, biodéchets ou déchets textiles. Par ailleurs, un plafond particulier de 30 % est appliqué aux biodéchets et textiles. Ces mesures imposent une obligation de transparence et de contrôle, tant aux producteurs qu’aux collectivités.
Les enjeux actuels
Depuis plusieurs années, la tendance est donc à la réduction progressive des tonnages envoyés en décharge. Cependant, en septembre 2017, un événement majeur est venu perturber les efforts de réduction engagés en France : la fermeture de la Chine, principal importateur de déchets au monde à cette époque, à l’importation de déchets sur son territoire. Les conséquences ont rapidement été observables, puisque les quantités de déchets stockés ont considérablement augmenté en 2018, du fait d’un accroissement des refus de tri à traiter sur le territoire, auparavant en partie exportés vers la Chine. Afin d’améliorer la gestion de ces refus de tri, la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) ajoute à l’article 10 une disposition prévoyant que « la mise en décharge des déchets non dangereux valorisables est progressivement interdite ».
La loi de transition énergétique a donc déjà eu pour effet de réduire le nombre de décharges en France, dynamique qui se prolongera dans les prochaines années, cet objectif étant transcrit dans les Plans régionaux de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) élaborés par les régions.
Cet objectif s’accompagne d’une hausse continue de la « Taxe Générale sur les Activités Polluantes » (TGAP), payée par les exploitants. Enfouir une tonne de déchets coûte 63 € en France en 2024, un prix conçu pour encourager la prévention et le recyclage des déchets. Le message adressé aux collectivités locales, aux entreprises productrices de déchets et aux exploitants de décharges et d’incinérateurs est sans équivoque : il est urgent d’investir dans des solutions favorisant le respect de la hiérarchie de mode des traitements, à savoir la prévention et la réduction des déchets à la source, le réemploi puis le recyclage.
Enfin, certains industriels notamment souhaitent faire de l’objectif de réduction de mise en décharge un argument plaidant en faveur de l’incinération des déchets, et de la production de « combustibles solides de récupération » ou CSR. Cela est particulièrement mis en avant pour les collectivités équipées d’usines de tri mécano-biologique des déchets (TMB), qui ne parviennent pas à recycler des déchets. De nombreuses collectivités s’apprêtent ainsi à réaliser un simple transfert des déchets de la décharge vers l’incinération, par le biais de la production de ces combustibles. Une telle orientation ne permettra cependant pas de gérer les déchets durablement, et c’est bien la prévention des déchets qui doit, demain, permettre de réduire les tonnes envoyées en décharge.