Loi anti-gaspillage au Sénat : des reculs sur le plastique, des avancées concrètes pour la seconde main

La loi anti-gaspillage était débattue cette semaine au Sénat. Concernant le développement de la consigne et la lutte contre les produits plastique à usage unique, la loi enregistre certains reculs. En revanche, la chambre haute a nettement rehaussé l’ambition du texte de loi en matière d’allongement de la durée de vie des produits.

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Rien n’est cependant gravé dans le marbre à ce stade : le texte de loi sera débattu à l’Assemblée Nationale à partir du mois de novembre. Les mesures listées ci-dessous sont donc pour l’instant provisoires.

Lutte contre le plastique à usage unique, les actions concrètes repoussées à plus tard

Le sujet des emballages et des plastiques à usage unique a occupé une place importante dans les débats. On peut se réjouir en la matière de certaines avancées : 

  • Le droit de se faire servir dans son contenant personnel : La pratique n’était pas interdite, mais le fait de l’inscrire formellement dans la loi devrait rassurer les commerçants et faciliter le geste pour les clients !
  • L’interdiction de mise à disposition gratuite de bouteilles plastiques dans les établissements recevant du public à partir de 2021. 
  • Des mesures spécifiques pour lutter contre la dispersion des granulés de plastique industriels dans l’environnement.  

Mais au delà de ces quelques mesures, aucune avancée concrète et immédiate pour lutter contre le plastique à usage unique n’a été prise. Au contraire, le Sénat a reculé sur les interdictions de produits plastique à usage unique censées entrer en vigueur dans quelques mois. Exit l’interdiction des coupes à glace et des boîtes en plastique jetables, pourtant prévues pour janvier 2020. L’interdiction des pailles, des assiettes filmées en plastique et des couverts à usage unique est quant à elle repoussée d’un an, et les exemptions pour les bioplastiques et plastiques “compostables” sont maintenues. Les sénateurs ont également refusé de faire un pas supplémentaire dans la transition du jetable au réutilisable. Pourtant proposée par plusieurs groupes politiques, l’interdiction d’utiliser des emballages jetables pour les repas pris sur place dans les établissements de restauration n’a pas été adoptée

A toutes ces mesures concrètes et rapide d’application, le Sénat a préféré des objectifs lointains, sans doute moins susceptibles de “fâcher” immédiatement les lobbies industriels, comme celui d’une diminution de 50% des emballages en plastique à usage unique en 2030 (puis de nouveau 50% d’ici 2040). 

La consigne : un projet non-abouti

La mise en place d’une consigne sur les emballages était un des points phare du projet de loi, et il a sans surprise occupé une part importante des débats. Côté positif, on peut se féliciter que les sénateurs aient réaffirmé dans les débats la priorité à donner au réemploi des emballages (emballages en verre qui peuvent être lavés et remplis à nouveau) par rapport au recyclage (consigne sur les bouteilles plastique). Cependant, dans le texte, le projet de loi reste largement insuffisant. En effet, le Sénat s’est contenté de supprimer la possibilité de mise en place d’une consigne sur les bouteilles plastique ou les canettes, rendant la consigne possible uniquement pour réemploi (sur les bouteilles en verre). Mais pour que la consigne sur les bouteilles en verre devienne une réalité, la question principale à se poser est : comment inciter/contraindre les entreprises à basculer d’un emballage jetable vers un emballage réutilisable en verre

Pour parvenir à cela, il faut, selon Zero Waste France, prioritairement faire progresser concrètement le réemploi du verre grâce à des mesures spécifiques de soutien à la pratique (financement de laveuses, quota réemploi, etc). Dans un second temps, des systèmes de consigne mixtes (pour réemploi et recyclage) peuvent être développés, à condition que tout investissement dans le système de consigne pour recyclage profite également au réemploi : par exemple, que les machines de déconsignation soient susceptibles d’accueillir également les emballages en verre réutilisables.  Autant de mesures techniques et concrètes qui n’ont pas été retenues à ce stade.

Des avancées majeures pour favoriser l’allongement de la durée de vie des produits

De nombreuses dispositions ont été intégrées dans le texte de loi visant à permettre l’allongement de la durée de vie des produits, grâce à une meilleure information du consommateur, au soutien à la réparation et à la seconde main. Quatre avancées majeures peuvent être saluées :

  • La création d’un “Fonds réemploi solidaire”, financé par les entreprises productrices de produits neufs (via les filières REP), qui viendra soutenir les structures de l’ESS et de la solidarité (ressourceries, Emmaüs) qui récupèrent et revendent les produits de seconde main;
  • La création d’un “Fonds réparation”. Financé également par les entreprises productrices de produits neufs (via les filières REP), ce fonds permettra de rembourser au consommateur une partie des coûts de réparation lorsqu’elle est effectuée par un réparateur labellisé;  
  • Des indices pour orienter le choix des consommateurs : un indice de réparabilité sera apposé sur certains produits. Il permettra de savoir, lors de l’achat, si un produit est facilement réparable. Le Sénat a prévu qu’il soit complété d’un indice de durabilité du produit, plus large, à partir de 2024;
  • Une garantie logicielle, qui impose une obligation pour les constructeurs de proposer des mises à jour logicielles jusqu’à 10 ans après la mise en vente d’un téléphone ou d’un ordinateur;

En matière d’information du consommateur, on peut déplorer cependant en parallèle un recul important : le texte de loi rédigé par le gouvernement prévoyait que les bonus-malus auxquels sont soumis les produits en fonction de certains critères comme la recyclabilité ou la réparabilité soient affichés directement sur le produit, pour orienter le choix du consommateur. Cette mesure a été supprimée et les sénateurs ont par ailleurs ouvert la porte à une information “dématérialisée”, c’est-à-dire sur internet plutôt que sur le produit lui-même. Une possibilité qui diminue fortement l’accessibilité de l’information pour le consommateur.

Ainsi, si la loi sort du Sénat indubitablement renforcée sur de nombreux aspects, liés notamment à l’allongement de la durée de vie des produits, il reste encore du chemin à parcourir pour que le texte permette dans les années à venir une réduction concrète et massive des produits et emballages jetables en plastique. La balle est désormais dans le camp des députés qui se pencheront sur le texte en novembre. 

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