Manifeste – Nous devons révolutionner la politique locale de gestion des déchets !
Publié au sein du Guide pratique pour révolutionner la gestion locale des déchets, un peu moins d'un an avant les élections municipales, ce texte est un appel à changer notre regard sur le thème de la gestion des nos déchets. Il appelle à faire de la démarche Zéro Déchet un pan important des politiques publiques locales.
Les élu.e.s signataires :
Émeline Baume (conseillère déléguée aux déchets de la métropole de Lyon), Françoise Galliou (3e vice-présidente du Sybert, en charge de la prévention), Alexandre Garcin (adjoint au maire de Roubaix, délégué au Développement durable), Christine Gardan (présidente du Smictom des pays de Vilaine), Sylvain Guinaudie (président du SMICVAL libournais Haute-Gironde), Antoinette Guhl (adjointe à la mairie de Paris, chargée de l’Économie sociale et solidaire, de l’Innovation sociale et de l’Économie circulaire), Michel Knoerr (président du syndicat mixte Thann Cernay), François Marchetti (président de la communauté de communes de Calvi-Balagne), Alain Marois (président du réseau Compostplus), Matthieu Orphelin (député de la 1re circonscription du Maine-et-Loire), Nicolas Soret (président du Syndicat des déchets du Centre-Yonne et président de la commission déchets de l’association des maires de France) et Frédéric Vigouroux (maire de Miramas).
La politique locale de gestion des déchets souffre depuis trop longtemps d’une approche strictement gestionnaire. Dans l’après-guerre et tout au long de la seconde partie du XXe siècle, les communes puis les intercommunalités ont tenté de s’acquitter au mieux d’une charge peu valorisante, celle de maîtriser une nuisance considérée comme inéluctable et liée à l’augmentation de notre niveau de vie. On cherchait alors les « moins pires » des solutions.
Cette approche a évolué dans le courant des années 1990, avec le développement du tri et du recyclage et, surtout, depuis la dernière décennie, avec l’arrivée des premiers programmes locaux de prévention des déchets, dont l’objectif est de limiter en amont la production de déchets plutôt que de gérer ensuite les flux d’ordures. Cependant, le fonctionnement classique du service public de collecte et de gestion des déchets restait – et reste encore à ce jour – trop souvent inchangé. D’un point de vue budgétaire et humain, l’essentiel des ressources continue d’être consacré à la collecte et au traitement des déchets. Surtout, le service déchets agit en général de manière très indépendante des autres services de la collectivité, avec l’objectif d’être le plus discret possible.
La prise en charge des déchets ne doit pas perturber les autres activités de la cité, ni coûter trop cher. Elle est considérée comme réussie dès lors que la ville est propre, et que les exutoires polluants sont correctement exploités, à distance raisonnable des habitations. Autrement dit, le meilleur déchet est celui qu’on ne voit pas. On la perçoit – à tort – comme écologique dès lors que l’on réussit à transformer l’incinérateur en centre de valorisation énergétique et que le taux de recyclage atteint un certain seuil. Autrement dit, le meilleur déchet est celui qui est recyclé ou « valorisé ».
Nous croyons au contraire que la politique déchets doit être visible et changer de perspective, pour s’affirmer comme le moteur d’un projet territorial à part entière. Nous entendons rompre avec la recherche de la « moins pire » des solutions, pour construire un système dont le point de départ n’est pas la maîtrise d’une nuisance, mais la recherche du meilleur moyen de préserver une ressource existante. Ainsi, avant de chercher à faire de nos déchets des ressources, notre priorité est de ne pas transformer nos ressources en déchets. Autrement dit, le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas.
En France et ailleurs dans le monde, des agents, des citoyens et des élus, dont nous faisons partie, travaillent d’ores et déjà à concrétiser la philosophie Zero Waste à l’échelle de politiques territoriales concrètes. Ces politiques sont transversales et revêtent de multiples dimensions. Elles impliquent d’encourager l’émergence de nouveaux modes de consommation et la création d’activités locales d’économie circulaire. Elles supposent de généraliser le tri à la source des matières, à commencer par nos déchets alimentaires, de réduire l’énergie grise et le « sac à dos écologique » de la consommation, de récompenser les comportements vertueux des citoyens ou des entreprises, de mettre en cohérence l’ensemble des politiques de la collectivité, notamment les achats publics, avec l’objectif affiché. Et bien sûr, il s’agit de mobiliser, de sensibiliser, d’impliquer un public toujours plus large dans la démarche.
Engagés depuis plusieurs années dans le déploiement, l’accompagnement et la diffusion de ces politiques, nous avons pu constater leur effet d’entraînement sur l’ensemble du territoire. Nous sommes témoins de l’engouement des habitants et autres usagers, lorsqu’une nouvelle solution leur est proposée, qui combine bons sens écologique et économique. Nous en observons déjà les bénéfices additionnels, au-delà de l’intérêt environnemental : amélioration du cadre de vie, avantages pour la santé de certaines nouvelles pratiques de consommation, synergies avec les objectifs des autres politiques locales (mobilité, scolarité, propreté, construction, développement économique), animation du territoire.
Qu’elles s’affichent ou non sous la bannière du « Zéro Déchet, zéro gaspillage » ou de l’économie circulaire, cette vision et la démarche qui en découle relèvent d’un choix politique. Elles impliquent en effet des remises en question, des arbitrages financiers importants, une implication forte de la part des élus locaux, sur le long terme. Si la mise en œuvre de certaines de ces décisions restera d’ordre technique et bénéficiera d’ailleurs de nombreux retours d’expérience, l’impulsion ne peut être donnée uniquement par les agents d’une collectivité, même les mieux formés. Il leur faut le soutien des habitants et de leurs représentants.
La période électorale qui s’amorce est donc l’occasion de mettre ces choix au débat public, et de faire des prochains mandats locaux une période de transition nette vers le Zéro Déchet. Six années sont suffisantes pour inverser la tendance. Il s’agit non seulement de faire face urgemment et avec responsabilité à la crise environnementale actuelle, mais aussi de saisir cette extraordinaire occasion de créer plus de liens, de bien-être, de valeur et de résilience sur nos territoires.