Masques de protection contre le Covid-19 : le réutilisable est toujours à privilégier au jetable
Face au flou qui entoure les communications récentes des autorités gouvernementales et sanitaires sur les recommandations liées au port du masque, Zero Waste France rappelle que le masque réutilisable reste recommandé, sous certaines conditions plus restrictives.
Le port du masque textile réutilisable de catégorie 1, toujours recommandé par les autorités sanitaires pour le grand public
Dans le contexte de l’apparition de nouveaux variants du Covid-19, les autorités gouvernementales et sanitaires ont adopté en janvier 2021 de nouvelles recommandations. La communication confuse autour de ces recommandations a souvent conduit à les traduire comme une interdiction du port du masque réutilisable, au profit des masques à usage unique, chirurgicaux ou de type FFP2.
Or, le Haut Conseil de la Santé publique préconise “le port conforme de masques de grande performance de filtration comme les masques grand public en tissu réutilisables de catégorie 1 respectant les préconisations de l’Afnor et les masques à usage médical à usage unique respectant la norme EN 14683 (masques dits chirurgicaux)”. Il affirme en revanche que “ne sont pas considérés comme des mesures de protection efficaces […] : le masque grand public en tissu fabriqué par un industriel, selon la norme AFNOR SPEC S76-001 de catégorie 2, ou pour lequel la catégorie AFNOR n’est pas connue, porté par le cas et le contact […] les masques en tissu ‘maison’ même s’ils ont été fabriqués en suivant les normes AFNOR SPEC S76-001 (car absence de vérification de leur performance de filtration)” (avis des 18 et 20 janvier 2021).
De son côté, le Ministère du Travail a fait évoluer son protocole national conformément aux nouvelles recommandations du Haut Conseil de la Santé publique ; ce protocole prévoit désormais que : “le port du masque est systématique au sein des entreprises dans les lieux collectifs clos. Il s’agit soit d’un masque ‘grand public filtration supérieure à 90%’ (correspondant au masque dit de ‘catégorie 1’), soit d’un masque de type chirurgical”. A cet égard, il est inacceptable que certains employeurs interdisent à leurs salarié·es le port de tout masque réutilisable.
En revanche, l’Académie nationale de médecine continue à recommander le port du masque réutilisable quel qu’il soit, au nom de la continuité des recommandations et pour faciliter leur efficacité sur le long terme (communiqué du 22 janvier 2021). Pour rappel, elle avait publié le 8 septembre 2020 un communiqué exprimant le regret que l’utilisation du masque lavable réutilisable, une “mesure de bon sens”, ait été “complexifiée par l’accumulation de normes injustifiées et de précautions excessives”.
Le port du masque réutilisable pour le grand public demeure ainsi unanimement recommandé, dès lors qu’il s’agit d’un masque de catégorie 1. C’est d’ailleurs la première recommandation formulée par la Mission d’information de l’Assemblée Nationale sur le traitement des masques usagés. Il est donc primordial de privilégier le port du masque réutilisable, au regard de l’impact environnemental considérable des masques à usage unique, qui constituent depuis l’été 2020 un énorme gisement de déchets, certainement pas prêt de diminuer au vu de l’évolution de la crise et des inconnues qui l’accompagnent.
En effet, au-delà de la pollution significative induite par l’abandon de ces masques en plastique dans la nature, leur traitement via l’incinération ou l’enfouissement est également très polluant. C’est aussi et surtout, en amont, l’augmentation massive de leur production (multipliée par plus de 200 entre 2019 et 2020 selon les estimations de l’ONU) qui représente une surconsommation de ressources et engendre de nombreux impacts environnementaux : accroissement des émissions de gaz à effet de serre et donc impact climatique mais aussi pollution de l’air, dégradation de la biodiversité, altération de la qualité des sols et des eaux…
A l’échelle française, une consommation de 2 masques jetables par personnes et par jour représenterait environ 400 tonnes de déchets plastiques produits quotidiennement.
Un exemple d’initiative vertueuse pour promouvoir et faciliter l’usage des masques réutilisables : le dispositif d’Eta Beta en Italie
Sur la commune de Bologne, la coopérative italienne Eta Beta expérimente actuellement un système de lavage à grande échelle des masques réutilisables, garantissant un haut niveau de sécurité sanitaire. Deux entreprises employant 800 personnes chacune recourent à ce système pour le lavage de 7 000 à 8 000 masques réutilisables par jour. Un tel dispositif certifié permet aux entreprises et aux administrations qui y recourent de remplir leur obligation de pourvoir à la fourniture et au lavage des masques réutilisables de leurs employés. Or, c’est l’obstacle fréquemment avancé par les employeurs pour justifier l’usage exclusif de masques à usage unique. Un soutien massif des institutions publiques à ce type d’initiatives qui ne peuvent malheureusement se pérenniser sans fonds serait donc bienvenu pour généraliser l’usage du masque réutilisable et lavable dans les différents milieux professionnels.
Présentation d’Eta Beta par Zero Waste EuropeLe recyclage des masques à usage unique : une fausse solution
Depuis plusieurs mois, les initiatives de recyclage des masques à usage unique fleurissent dans plusieurs régions de France. Or, ce recyclage ne peut pas représenter une solution durable face au gisement considérable que représentent aujourd’hui les masques à usage unique devenus des déchets.
En effet, le recyclage des masques chirurgicaux est techniquement complexe, en ce qu’il suppose de séparer les différentes couches de matériaux à un niveau infime, de les fondre et d’y ajouter de la matière vierge pour compenser la perte de matière nécessairement occasionnée par le processus de recyclage. Il est également complexe du point de vue opérationnel et financier : il implique d’organiser une collecte et un ramassage spécifiques, dans le respect de règles sanitaires strictes et notamment d’une phase d’isolement puisqu’il s’agit de déchets infectieux, nécessitant ainsi des investissements très importants. A cet égard, il faut garder à l’esprit que la création d’une filière de recyclage efficiente à l’échelle du pays prendrait une voire plusieurs décennies et nécessiterait la levée de plusieurs milliards d’euros de fonds publics.
En outre, les quelques filières de recyclage de masques existantes sont de toute petite envergure et ne sont en aucun cas à la hauteur du gisement actuel. Pour la plupart, elles ne garantissent que la collecte des masques usagés, et non leur recyclage effectif, dont le procédé n’est souvent pas encore abouti. De plus, il s’agit généralement de décyclage plus que de recyclage, dans la mesure où il ne s’agit pas de fabriquer un nouveau masque avec un masque usagé mais de fabriquer d’autres objets plastiques (à l’utilité parfois douteuse, à l’image des ouvre-portes en plastique visant à éviter de toucher les poignées de portes) avec la part de matière récupérée – la matière perdue au cours du processus étant alors destinée à l’incinération ou à la décharge.
Ainsi, l’usage de masques à usage unique ne peut être légitimé par leur potentielle recyclabilité, et il s’agit de réduire au maximum l’usage de tels masques par le grand public, au profit des masques réutilisables, pour répondre à la fois à l’urgence sanitaire et à l’urgence environnementale actuelles.