Les microplastiques : des ennemis invisibles mais dangereux

Encore peu étudiés, les microplastiques impactent de façon significative les écosystèmes et la santé humaine. Les études, encore préliminaires à ce sujet, sont déjà alarmantes, révélant une potentielle crise sanitaire. Zero Waste France fait l’état des lieux d’une pollution invisible mais dont les effets sur la santé sont déjà visibles.

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Qu’est ce que les microplastiques ?

D’abord à l’état de macroplastiques (d’une taille supérieure ou égale à 5mm), ces plastiques se fragmentent pour devenir des microplastiques (d’une taille comprise entre 5mm et 1 micromètre) et enfin finir comme nanoparticule de plastique (dont la taille est inférieure à 1 micromètre). La quantité de microplastiques dans les océans est estimée à plus de 5 000 milliards de particules en plastique pesant plus de 250 000 tonnes [1].

Les microplastiques sont soit générés directement lors de l’utilisation des objets en plastique (p.ex. érosion des pneus sur le goudron [2] ou le lavage de vêtements en fibres synthétiques [3]), on parle des microplastiques primaires, soit par la dégradation des déchets en plastique, qu’on appelle microplastiques secondaires. La fragmentation dépend de la température, des rayons UV et des bactéries, au fond des mers, les plastiques se dégradent encore moins vite qu’à la surface, ainsi cela favorise la création d’une couche de plastique au fond des océans [4].

Une pollution omniprésente, depuis les fonds marins jusqu’aux sommets de l’Everest

Omniprésents à terre et en mer, les déchets plastiques sont considérés comme l’une des problématiques actuelles les plus inquiétantes [5]. En effet, l’avènement d’une société du tout jetable a entraîné une augmentation du nombre de déchets plastiques pénétrant dans l’environnement. Plus de 10 millions de tonnes de plastique sont rejetées dans les océans chaque année [6], soit l’équivalent chaque minute, d’un camion poubelle rempli de déchets plastiques. La situation est encore plus catastrophique à terre puisque la pollution microplastique terrestre est entre 4 et 23 fois plus élevée que la pollution microplastique marine (ONU).

Tandis que l’OCDE prévoit un triplement de la production de plastique à l’échelle mondiale d’ici à 2060, les rejets de ce matériau dans l’environnement vont atteindre 44 millions de tonnes par an, et les stocks de plastiques accumulés dans les rivières et les océans vont a minima être multipliés par trois. Cette pollution insidieuse est partout dans notre environnement. Des traces de microplastique ont notamment été trouvées à plus de 2 000 mètres sous le niveau de la mer mais aussi dans des régions reculées de l’Arctique, dans la fosse des Mariannes ou encore au sommet du mont Everest [7].

Dangerosité des plastiques pour les organismes marins et les écosystèmes

Les déchets plastiques sont considérés par les scientifiques comme dangereux. Ils se fragmentent sous les effets de la photodégradation, de l’action bactérienne et par d’autres processus d’altération qui peuvent s’étendre sur plusieurs années, voire décennies, sans ne jamais disparaître [1]. Ces processus de fragmentation constituent une réelle menace pour l’environnement et les êtres vivants.

En effet, les plastiques ont tendance à être assimilés à du plancton (organismes en suspension dans les milieux aquatiques) par la faune marine, et s’insèrent ainsi dans leur chaîne alimentaire [8]. Ils peuvent entraver la digestion et créer des phénomènes d’étouffement, d’enserrement, ainsi que des occlusions intestinales et des voies respiratoires [9]. Une étude récente a révélé que près de 94 % des oiseaux marins de la mer du Nord ont ingéré des particules de plastique [10] tandis qu’une autre étude scientifique de 2013 a révélé la présence d’une vie microbienne sur les débris plastiques [11], aussi prénommé la plastisphère. Cette découverte est un danger pour la biodiversité marine puisque les microorganismes risquent de déséquilibrer ce milieu qui n’a pas l’habitude de cohabiter avec ce nouveau biotope.

Le lien entre les microplastiques et la santé humaine

La pollution microplastique a également colonisé un espace plus proche de nous… notre corps. Nous buvons, mangeons et respirons quotidiennement des particules de plastique. A travers l’eau que nous buvons et les produits que nous consommons (poissons, viande, produits emballés dans du plastique…), nous ingérons l’équivalent du poids d’une carte bancaire de plastique par semaine soit environ 5 grammes [12]. 

Diverses études prouvent justement l’exposition humaine aux particules de plastique et leur présence dans notre corps. Une étude de mai 2022 a démontré notamment l’absorption des particules dans la circulation sanguine [13], tandis qu’une autre étude a révélé la présence de microplastiques dans le placenta humain [14] ou encore dans les poumons [15]. En plus de leur toxicité propre, les microplastiques peuvent accumuler d’autres substances nuisibles à leur surface et favoriser leur ingestion. Le plastique est donc un enjeu crucial de santé publique et il est urgent d’harmoniser les normes sanitaires pour lutter contre la pollution plastique dans le monde. 

Les conséquences pour notre quotidien : le plastique est partout

Dans ce que l’on boit

Les microparticules de plastique sont présentes dans plus de 80 % de l’eau du robinet que nous buvons [16]. Ne pensez pas pour autant que l’eau minérale en bouteille y change quelque chose, car la quantité de microplastiques dans l’eau en bouteille est supérieure à celle détectée dans l’eau du robinet [17]. Des chercheurs ont récemment découvert qu’un litre d’eau en bouteille plastique peut contenir en moyenne 240 000 particules de plastique, dont environ 90 % sont des nanoplastiques. Des chiffres donc bien supérieurs a ce qui avait pu être précédemment signalé dans l’eau en bouteille [24].

Dans ce que l’on mange

Des quantités importantes de microplastiques ont été trouvées dans des aliments comme les fruits et légumes, notamment dans des pommes [18]. Les aliments peuvent également être contaminés par les microplastiques quand ils sont au contact d’un contenant ou lors de leur ouverture [19] mais également lorsqu’ils sont chauffés dans des contenants en plastique au micro-ondes par exemple. Les minuscules particules de plastique migrent alors dans la nourriture. Le lait des biberons en plastique (que l’on stérilise régulièrement dans l’eau chaude) est particulièrement affecté [20].

Dans ce que l’on respire

La population inhale des centaines de fibres plastiques chaque jour [21]. Nous respirons en outre les microfibres de plastique de nos vêtements, tapis, rideaux et autres textiles, pour une quantité oscillant entre 13 000 et 68 000 microfibres de plastique par an. Cette situation est particulièrement préoccupante sachant qu’il se vend dans le monde plus de 100 milliards de vêtements chaque année [3]. Les microplastiques venant de l’érosion des pneus font partie intégrale de la pollution de l’air par des particules fines, responsable de 40 000 décès par an selon Santé publique France.

Les effets des microplastiques sur la santé encore méconnus mais déjà préoccupants

La pollution microplastique est particulièrement alarmante, du fait de la méconnaissance de ses effets et de sa persistance dans l’environnement. Il est très inquiétant de ne pas connaître le potentiel dangereux et polluant d’une substance présente partout autour de nous pendant des milliers d’années tandis qu’ils ont des impacts avérés négatifs sur tous les niveaux de l’organisation biologique. Ces substances sont potentiellement nocives pour les hormones humaines, les systèmes reproductifs et le développement de la petite enfance. La liste des effets supposés à long terme de l’exposition aux microplastiques est longue… Des cancers, diabètes, troubles du développement neurologique, problèmes respiratoires et cardiovasculaires peuvent ainsi être causés par l’accumulation néfaste de plastique dans l’organisme [22]. Une nouvelle étude indique notamment que de minuscules particules de polystyrène peuvent favoriser l’agglutination d’une protéine impliquée dans la maladie de Parkinson [25]. La sonnette d’alarme a été particulièrement tirée lorsqu’il a été découvert la présence de microplastiques jusque dans le placenta de bébés à naître [26]. Les futures générations seront donc contaminées, avant même leur arrivée sur terre.

Selon une étude de la fondation Heinrich-Böll et l’ONG Breakfreefromplastic, les femmes sont davantage affectées par la pollution microplastique. En effet, pour des raisons biologiques, le corps des femmes dispose d’une proportion plus élevée de graisse corporelle qui constitue un vrai réservoir aux produits chimiques bioaccumulables. De plus, elles utilisent – pour la plupart – davantage de produits d’hygiène contaminés par des particules de plastiques (crèmes, maquillage, serviettes et tampons…) [23].

En outre, du fait de sa persistance dans l’environnement et de son temps de dégradation très long, les particules micro et nano plastiques peuvent véhiculer les substances et micro-organismes qu’elles croisent – à titre d’exemple, le bacille du choléra a été identifié sur des microplastiques flottant sur l’océan [2].

Si les études à ce sujet sont encore préliminaires, les premiers résultats sont déjà très inquiétants. Des études scientifiques plus précises doivent être menées pour déterminer les liens entre la pollution microplastique et la santé humaine. Devons-nous attendre d’être sûrs que cette nouvelle forme de pollution soit dangereuse pour la santé ou pouvons-nous agir dès maintenant pour limiter les dégâts ?

Une nécessaire intervention publique pour enrayer ce fléau

Face à l’omniprésence des pollutions de ce matériau nocif, la priorité doit être la réduction de la production et de l’utilisation du plastique au niveau national et international. Pour fermer le robinet des microplastiques, il faut réduire en amont de la production de produits – et in fine de déchets – générateurs de microplastiques. La pollution ne peut pas être stoppée par les seuls citoyen.ne.s ou par quelques acteurs et pays volontaires, des politiques publiques fortes sont nécessaires pour réduire la production et l’utilisation de plastique

Sachant que près de la moitié du plastique consommé en France est utilisé pour fabriquer des produits à usage unique, l’arrêt de la production de tels produits est une étape indispensable pour réduire drastiquement l’une des (nombreuses) sources de la pollution aux microplastiques. La loi AGEC a permis des avancées réglementaires telles que des interdictions des objets et emballages plastiques à usage unique, la mise en place d’alternatives non jetables ou encore le retour de la consigne pour réemploi en verre. Malheureusement certains industriels aujourd’hui redoublent d’efforts pour freiner les changements nécessaires dans leurs modes de production et de commercialisation. Certaines de ces lois ne sont ni appliquées ni contrôlées, alors que d’autres devraient voir le jour pour véritablement enrayer ce fléau.

L’espoir reste permis : le 2 mars 2022, 175 pays ont adopté à Nairobi, une résolution destinée à lancer des négociations internationales pour lutter contre la pollution plastique. Cette résolution, intitulée très clairement “Mettre fin à la pollution plastique : vers un instrument international juridiquement contraignant”, a permis d’ouvrir des négociations pour rédiger un traité sur la pollution plastique d’ici à 2025. Zero Waste France suit de près cette nouvelle (et cruciale) opportunité d’agir contre la pollution plastique, et demande l’adoption d’une réglementation internationale ambitieuse et davantage de moyens dans la mise en œuvre de cette réglementation.

[1] ERIKSEN et al., « Plastic Pollution in the World’s Oceans: More than 5 Trillion Plastic Pieces Weighing over 250,000 Tons Afloat at Sea », PLoS One, 2014.

[2] GONTARD Nathalie , Plastique, le grand emballement, 2020.

[3] ADEME, « La mode sens dessus-dessous ».

[4] CNRS , « La physique de la fragmentation des plastiques dans l’océan : comprendre pour mieux lutter », 2021.

[5] BARNES Stuart, « Understanding plastics pollution: The role of economic development and technological research », Environmental Pollution, 2019.

[6] JAMBECK Jenna et al., « Plastic waste inputs from land into the ocean », Science, 2015.

[7] National Geographic, « Des microplastiques ont été retrouvés au sommet de l’Everest », 2020.

[8] MONSAINGEON Baptiste, « Un monde (en) plastique ? Une histoire de continents imaginaires », Monde commun, 2020.

[9] CARNEY ALMROTH Bethanie, EGGERT Håkan, « Marine Plastic Pollution: Sources, Impacts, and Policy Issues », Review of Environmental Economics and Policy, 2019.

[10] OOSTERHUIS Frans et al., « Economic instruments and marine litter control », Ocean & Coastal Management, 2014.

[11] ZETTLER Erik et al., « Life in the “Plastisphere”: Microbial Communities on Plastic Marine Debris », Environmental Science & Technology, 2013.

[12] https://www.newcastle.edu.au/newsroom/featured/plastic-ingestion-by-people-could-be-equating-to-a-credit-card-a-week 

[13] HEATHER Leslie, et al., « Discovery and quantification of plastic particle pollution in human blood », Environment International, 2022.

[14] RAGUSA Antonio, et al., « Plasticenta: First evidence of microplastics in human placenta », Environment International, 2021. 

[15] JENNER Lauren et al., « Detection of microplastics in human lung tissue using μFTIR spectroscopy », Science of The Total Environment, 2022.

[16] EERKES-MEDRANO Dafne, et al., « Microplastics in drinking water: A review and assessment », Current Opinion in Environmental Science & Health, 2019.

[17] LI Huan, et al., « Occurrence of microplastics in commercially sold bottled water », Science of The Total Environment, 2023.

[18] OLIVERI CONTI Gea, et al., « Micro- and nano-plastics in edible fruit and vegetables. The first diet risks assessment for the general population », Environmental Research, 2020.

[19] SOBHANI Zahra, et al., « Microplastics generated when opening plastic packaging », Scientific Reports, 2020.

[20] LI Dunzhu, et al., « Microplastic release from the degradation of polypropylene feeding bottles during infant formula preparation », Nature Food, 2020.

[21] ., « The potential effects of microplastics on human health: What is known and what is unknown », Ambio, 2022.

[22] UNEP, 2021. “https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/36965/POLSOLSum.pdf”.

[23] Break Free From Plastic, Heinrich-Böll-Stiftung Paris, La Fabrique Ecologique, « Atlas du Plastique, faits et chiffres sur le monde des polymères synthétiques », 2020.

[24] NAIXIN Qian, et al., « Rapid single-particle chemical imaging of nanoplastics by SRS microscopy », Proceedings of the National Academy of Sciences, 2024.

[25] ZHIYONG Liu, et al., « Anionic nanoplastic contaminants promote Parkinson’s disease–associated α-synuclein aggregation », Sciences Advances, 2024.

[26] GARCIA, Marcus, et al., « Quantitation and identification of microplastics accumulation in human placental specimens using pyrolysis gas chromatography mass spectrometry Get access Arrow », Toxicological Sciences, 2024.

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