Réduire les déchets pour préserver la biodiversité
Selon les Nations Unies, la diversité biologique – ou biodiversité – est le terme qui désigne toutes les formes de la vie sur Terre et les caractéristiques naturelles qu’elle présente. L’érosion de la biodiversité est aujourd’hui une réalité : elle fait partie des six limites planétaires jugées dépassées. Rien qu’en 2022, deux nouvelles limites ont été franchies, à savoir celle concernant la pollution chimique en janvier et celle du cycle de l’eau douce en avril. Or ces limites sont interdépendantes : l’aggravation de la pollution chimique liée au plastique, par exemple, influe directement sur la biodiversité de manière négative. Un état de fait qui ne semble qu’empirer, alors même que les scientifiques à l’origine de l’étude sur l’eau douce d’avril 2022 recommandent notamment de « privilégier l’économie circulaire » pour réduire cette pollution. Certaines solutions sont donc déjà connues.
Déchets sauvages : la partie émergée de l’iceberg
À l’évocation des liens de cause à effet pouvant exister entre déchets et biodiversité, l’image tristement célèbre de la paille en plastique coincée dans le nez d’une tortue de mer vient souvent spontanément à l’esprit. Cette image a d’ailleurs été reprise pour le marquage prévu par la directive européenne relative aux plastiques à usage unique : depuis le 3 juillet 2021, il doit être présent sur ces produits, comme l’explique le ministère de la Transition écologique. Ce marquage vise notamment à informer les usager·es des mauvais gestes de tri (ne pas jeter dans la nature, dans les toilettes) : la relation entre déchets sauvages et dégradation de la biodiversité se veut ici évidente.
La biodiversité est menacée par une pluralité de facteurs. Pour l’IPBES, organisme intergouvernemental d’experts de la biodiversité, le premier est le changement d’utilisation des terres, suivi par le réchauffement climatique, puis par les différents types de pollution. Ainsi, les scientifiques rappellent que « la pollution marine par les plastiques, en particulier, a été multipliée par dix depuis 1980, affectant au moins 267 espèces, dont 86 % des tortues marines, 44 % des oiseaux marins et 43 % des mammifères marins ». Ces plastiques, provenant de déchets abandonnés, peuvent aussi bien blesser les animaux qu’être directement ingérés par eux, lorsqu’ils sont confondus avec de la nourriture, ou présents sous la forme de microparticules. La présence de plastique dans les organismes marins n’est pas sans conséquence sur les humains, puisque nombre de ces animaux se retrouvent dans nos assiettes : on parle de bioaccumulation tout au long de la chaîne alimentaire. Un autre problème majeur posé par le plastique est sa diffusion rapide dans les écosystèmes. Par exemple, une étude parue en 2018 a montré une très forte concentration de microplastiques dans la banquise de l’Arctique : pas moins de 12 000 par litre d’eau gelée – du plastique qui provient notamment du grand vortex de déchets du Pacifique Nord.
Rien qu’en France, on dénombre un million de tonnes de déchets abandonnés chaque année, selon l’association Gestes Propres. Pourtant, même jetés correctement dans la poubelle, les effets des déchets sur la biodiversité sont loin d’être négligeables.
Décharges et incinérateurs, l’impact du traitement de nos déchets sur le vivant
Aujourd’hui, les déchets de notre poubelle résiduelle (poubelle noire ou grise selon les régions) sont soit enfouis, soit brûlés, causant de nombreux dommages sur la biodiversité.
Pour les décharges, méthode de traitement qui consiste à entasser nos déchets dans un trou, les eaux de pluie et l’eau contenue dans les déchets organiques de nos poubelles (épluchures et restes alimentaires) ruissellent et entrent en contact avec des substances toxiques, comme les métaux lourds et les microplastiques, présentes dans ces déchets mélangés. Ces eaux polluées, appelées « lixiviats », s’infiltrent et contaminent les sols et les nappes phréatiques. Les mesures prises pour limiter ces pollutions (captage des lixiviats, bâches imperméables de protection) restent insuffisantes, laissant peser un risque réel de contamination des sols et des organismes vivants qu’ils abritent.
Concernant les incinérateurs, la combustion de nos déchets émet de nombreuses molécules polluantes d’une part, et produit des résidus solides incombustibles à gérer d’autre part.
Si la réglementation impose le filtrage de certaines molécules polluantes émises, toutes ne sont pas concernées. C’est le cas des dioxines, des polluants organiques persistants qui s’accumulent dans les organismes vivants et se retrouvent dans notre environnement. Une étude menée par ToxicoWatch pour le compte du collectif 3R s’est penchée sur les taux de dioxines présents aux environs de l’incinérateur de déchets d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) : des profils de dioxines typiques de l’incinération des déchets ont été retrouvés dans des végétaux et des œufs de poules des environs de l’installation. Pour les œufs de sept sites sur les huit prélevés, les mesures de dioxines présents étaient jusqu’à quatre fois supérieures aux seuils réglementaires européens applicables aux œufs destinés à la consommation.
De même, les résidus de combustion, appelés mâchefers, sont concentrés en polluants, notamment des métaux lourds. Or, ils sont souvent utilisés en sous-couche lors de la construction de routes. Comme le rappelle un rapport de Zero Waste Europe publié en janvier 2022, cette « valorisation » en sous-couche routière est aujourd’hui trop peu contrôlée afin de garantir que ces polluants ne contamineront pas les sols.
L’énorme pression exercée par la production de nos objets sur nos écosystèmes
Avant de devenir des déchets, l’ensemble de nos objets, de l’emballage à usage unique au réfrigérateur, ont été fabriqués à partir de matières premières. Or, l’extraction et le traitement des ressources naturelles sont responsables de plus de 90 % de la perte de la biodiversité et du stress hydrique – c’est-à-dire du manque de disponibilité d’eau – dans le monde. Les causes ? La destruction d’habitats naturels et la pollution des milieux dues à l’utilisation de produits chimiques et au rejet d’eaux polluées.
Et nous n’allons pas dans la bonne direction : entre 1970 et 2019, le poids de l’ensemble des ressources naturelles extraites par an (métaux, fossiles, biomasse et minerais non métalliques) est passé de 27 milliards de tonnes à 92 milliards, soit une multiplication par 3,4. Cette surexploitation n’est évidemment pas soutenable, d’une part car les stocks finiront par s’épuiser mais surtout car la perte de biodiversité qu’engendre cette extraction frénétique est synonyme de dégradation de la qualité de vie et de la santé de l’ensemble du vivant – dont, pour rappel, l’être humain fait partie.
Il est donc urgent de ralentir le rythme, en réduisant notre niveau de production, en développant les alternatives aux objets neufs (seconde main, prêt, location…) et en allongeant la durée de vie de nos biens grâce à la réparation et au réemploi.
Les déchets générés par les humains posent donc de graves problèmes pour la biodiversité et sont l’une des causes directes de son effondrement. En retour, cette situation affecte également l’espèce humaine, dont l’existence dépend du reste du vivant. Alors que la France a connu son « Jour du dépassement » le 5 mai, pour l’année 2022, il y a urgence à ralentir la production de déchets, qui sont le symbole d’un modèle extractiviste déconnecté des limites planétaires. Les modes de traitement actuels ne permettent pas d’endiguer la prolifération de déchets : le seul chemin souhaitable est celui d’une société « zéro déchet, zéro gaspillage ».
Pour une autre empreinte
Zero Waste France a lancé la campagne “Une autre empreinte” qui met en lumière les liens entre la réduction de nos déchets et les enjeux environnementaux, économiques, démocratiques et de justice sociale.
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