Les pays riches doivent-ils nécessairement produire plus de déchets ?
Aujourd'hui le citoyen taïwanais produit moins d'un kilo de déchet par jour et ce en conservant un taux de croissance de l'archipel fort. Ceci est dû en partie à la politique drastique de gestion des déchets ménagers mise en place par le gouvernement. Retour sur les détails de ce succès.
Cet article est une traduction de l’article de Rosie Spinks « Yes, Richer Countries Produce More Waste. But Do They Have To? » pour Good.
Le jour de ramassage des poubelles à Taipei, la capitale de Taïwan, vous ne verrez pas de sacs poubelles abandonnés dans les rues attendant d’être collectés, comme vous le verriez à Manhattan par exemple. A la place, vous trouverez des citoyens taïwanais alignés pour hisser leurs propres sacs dans les camions poubelles tous les soirs. En faisant du système de collecte des déchets un acte citoyen quotidien, l’île de 23,5 millions d’habitants a réussi de manière efficace à atteindre ce à quoi faillissent la plupart des pays développés : plus Taïwan s’enrichit, moins elle produit de déchets.
Grâce à des politiques mises en œuvre en 1988, le gouvernement a été en mesure de découpler la croissance du PIB et la production de déchets sur environ une génération. Alors que la richesse du pays augmentait – approchant 40000$ par habitant – les Taïwanais ont fait en sorte de moins gaspiller et moins produire de déchets et ont défié la notion des économistes Michael McDonough et Carl Riccadonna selon laquelle la croissance économique conduit à de plus en plus de consommation et donc de déchets. Aujourd’hui, le citoyen taïwanais moyen produit moins d’un kilo de déchets par jour, selon le Taiwanese Institute for Sustainable Energy. En comparaison, un Américain moyen en produit plus de 2 kilos.
Comment Taïwan a-t-elle réussi cela? D’abord, par l’éducation. Les écoliers ont des cours sur les questions environnementales de l’école maternelle au lycée. Mais ça ne s’arrête pas là. Tous les membres du gouvernement, y compris le président et le premier ministre, doivent recevoir au moins 4 heurs d’éducation environnementale chaque année.
Parallèlement à cela, l’absence de poubelles dans l’espace public est conçue pour rendre les Taïwanais plus conscients de ce qu’ils envoient en décharge ou en incinération ; et contrairement aux Américains, leur forte conscience environnementale fait qu’ils ne laissent pas leurs tasses de café dans la rue s’il n’y a pas de poubelle. Dans le même temps, les bacs de recyclage installés sur les trottoirs encouragent au détournement des déchets de l’incinération et du stockage, amenant le taux de recyclage global de Taïwan au-delà de 60%. Et avec la loi de Taïwan sur la responsabilité élargie du producteur (REP), les producteurs et importateurs de produits qui deviendront des déchets ont la responsabilité de les collecteurs et de les recycler, sous peine d’amendes.
Mais la politique la plus efficace a sans doute été la politique nationale de gestion des déchets ménagers. En plus de devoir déposer eux-mêmes leurs sacs, les résidents taïwanais doivent être pleinement conscient du coût des déchets qu’ils accumulent. Les déchets destinés à l’élimination ne peuvent ainsi être collectés que dans des sacs bleus gérés par le gouvernement (voir photo en début d’article), qui sont vendus à la caisse des magasins. Même si leur prix n’est pas prohibitif – le prix augmente avec la taille, un paquet des 5 plus grands sacs coutant 10$ – c’est certainement suffisant pour modérer ce que les gens jettent (imiter ces sacs à ordures peut être soumis à une amende très importe, et parfois à une peine de prison). Cette approche a été si efficace que Taïwan est en train de fermer certains de ses 24 incinérateurs, car elle n’en a simplement plus besoin.
L’approche de Taïwan en matière de déchets reflète une recherche de soutenabilité plus large, qui inclut des objectifs ambitieux de réduction des émissions de CO2 au niveau de 2000 d’ici 2025. De plus, 93% des citoyens Taïwanais croient au changement climatique et à la nécessité de lutter contre, selon l’agence de protection de l’environnement nationale. En prenant en compte le fait que Taïwan est une petite île vulnérable aux typhons et à l’élévation du niveau de la mer, également dépendante des importations agricoles pour 2/3 de sa consommation, peut-être que sa posture particulièrement proactive n’est pas si surprenante.
Mais l’un des éléments les plus notables du programme de gestion des déchets de Taïwan – et quelque chose que les pays développés feraient bien de répliquer – c’est le soutien de la population à ce que le gouvernement a mis en œuvre. Il est dur d’imaginer l’ampleur de la protestation si les Américains devaient échanger leurs rouleaux de 50 sacs poubelles de 7,5L pour acheter 5 sacs couteux à la fois, mais il semble que la plupart des citoyens taïwanais se sentent concernés.
Pour l’ancien ministre taïwanais de l’environnement, Dr. Eugene Chien, qui a aidé à la création du programme pendant son mandat, son succès prouve que si vous éduquez les enfants, ils feront le travail pour vous : « Si vous dites aux adultes qu’ils doivent trier leurs déchets, ils vont se mettre en colère contre vous. Mais si vous apprenez à leurs enfants à le faire, les parents se diront ‘Comment ça se fait que mon enfant est aussi intelligent?’ et ils le feront.«