Planification écologique : ce qu’il faut faire pour que l’économie passe de linéaire à circulaire

Le gouvernement a engagé un travail de planification écologique dont le volet consacré à l’économie circulaire commence à se dessiner. Ses orientations constitueront la base de la prochaine stratégie nationale bas-carbone (SNBC) pour la période 2025-2030. Zero Waste France fait le bilan et partage ses recommandations.

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Mais d’abord : où en est la France en matière d’économie circulaire ?

Il est désormais évident que la France ne tient pas sa trajectoire de prévention des déchets car trop peu de moyens ont été mis pour le faire, que ce soit par l’Etat, les collectivités ou les entreprises. Rappelons par exemple que la loi prévoit la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040. Pour y parvenir, la trajectoire adoptée par décret pose comme jalon de réduire de 20% les emballages plastiques à usage unique d’ici 2025. Mais sans effet pour l’instant : les quantités mises en marché ne diminuent pas. Au contraire, la consommation de plastique progresse alors qu’elle devrait baisser, et cela a des conséquences dramatiques.

Zero Waste France alerte régulièrement les pouvoirs publics : la loi AGEC est mise en œuvre trop lentement. Les reculs et remises en question incessantes empêchent d’atteindre les objectifs fixés, et le retard pris sera d’autant plus difficile à rattraper. Pour ne citer qu’un seul exemple, évoquons la fin de la vente des fruits et légumes sous emballage plastique : un lobbying effréné de l’industrie, un décret annulé, un nouveau décret contesté, des dizaines d’exemptions sont autant de ralentissements sur le chemin de la mise en œuvre de la loi.

Mais surtout, la loi AGEC n’est pas l’alpha et l’oméga de la transformation de l’économie française en économie circulaire, car de nombreux sujets restent à explorer. Et les outils de pilotage de demain restent à définir. Cela doit être l’objet de la planification écologique, qui doit notamment se traduire dans la prochaine stratégie nationale bas carbone pour la période 2025-2030. Zero Waste France alerte sur le fait que, dans les réflexions en cours, l’économie circulaire continue presque unanimement d’être restreinte à ce qu’elle n’est pas : une question de gestion de déchets.

De l’économie linéaire à l’économie circulaire : des choix de société

A l’inverse de l’économie linéaire, caractérisée par le tout-jetable, il y a l’économie circulaire, qui maintient le plus longtemps possible la valeur des produits, des matières et des ressources et réduit les déchets au maximum.

Ce schéma le résume très bien :

source: Plan C (2017) Empowering Circular Futures

L’économie circulaire ne consiste pas à améliorer le recyclage afin de continuer de (sur)produire à un rythme toujours plus grand des produits à usage unique qui rejoindront la poubelle. Cette voie-là n’est pas soutenable. Une étude états-unienne récente montre que non seulement la promotion du recyclage n’a pas permis de changer les comportements des consommateurs et consommatrices de manière efficace, et qu’en plus, elle a conduit à négliger la réduction et le réemploi, qui sont pourtant prioritaires dans la hiérarchie des modes de traitement des déchets [1]. Pour transformer l’économie française en une économie circulaire, il n’y a qu’un chemin possible : la sobriété en ressources et la fin de l’usage unique.

Pour Zero Waste France, c’est sur la sobriété que doivent porter l’essentiel des efforts, plutôt que de gaspiller de l’argent et de l’énergie dans des innovations technologiques qui ne font que perpétuer un modèle gourmand en ressources et fortement émetteur de gaz à effet de serre.

Parmi les innovations technologiques en matière d’économie circulaire, Zero Waste France questionne l’émergence récente de projets de recyclage chimique, dont les procédés complexes et polluants auront un impact environnemental bien plus conséquent que le recyclage mécanique, ce qu’il convient de sérieusement évaluer. Quelle rentabilité environnementale de ces projets comparativement à une baisse de la production de produits en plastique à usage unique ? Le recyclage, qu’il soit chimique ou mécanique, ne doit intervenir qu’après la mise en place de politiques de réduction et de réemploi, conformément à la hiérarchie des modes de traitement des déchets imposée par le droit européen et français ainsi que la Stratégie 3R de lutte contre les plastiques à usage unique adoptée en 2022. Si les projets de recyclage chimique en cours d’installation en France entendent servir l’économie circulaire en s’attaquant aux plastiques collectés que le recyclage mécanique n’est pas en mesure de traiter, Zero Waste France souligne que le passage à une économie circulaire nécessite avant tout de s’attaquer à la réduction de l’usage unique et a fortiori de plastiques qui ne sont pas recyclables.

A l’inverse, l’économie circulaire repense notre consommation en privilégiant des produits éco-conçus, réparables et réemployables. Ce n’est donc pas forcément un moins mais un autrement. Plus d’usage, plus de partage (c’est la fameuse économie de la fonctionnalité), moins de produits à usage unique ou à durée limitée. Plus de réparation et de réemploi, avec des secteurs économiques entiers à développer, pourvoyeurs d’emplois dans tous les territoires. Les emplois de l’économie circulaire sont les emplois de demain, ils doivent voir le jour sans tarder.

L’économie circulaire se joue dès la conception d’un produit, qui détermine 80 % de son impact environnemental[2]. L’économie circulaire signifie réduire de manière nette notre consommation de ressources. Or le plastique est fait à plus de 98% de matières fossiles.. Chaque usage créé de toutes pièces par l’industrie, mais ne correspondant à aucun besoin réel doit être remis en question. Chaque invention polluante et gaspilleuse d’énergie fossile doit être questionnée. L’une des dernières en date : les puffs, ces cigarettes électroniques jetables, déjà interdites chez nos voisins en Allemagne, en Belgique et en Irlande, et dont nous demandions l’interdiction en avril[3].

Pour Zero Waste France, une stratégie de planification écologique de l’économie circulaire devrait se concentrer sur deux axes principaux :

  • l’application du principe pollueur-payeur, 
  • la planification de la réduction de la production de produits polluants et à usage unique.

Voici les recommandations qui ont été adressées par Zero Waste France en juillet au Secrétariat général de la planification écologique.

→ Lire la contribution de Zero Waste Fr

  1. Recycling bias and reduction neglect, Nature sustainability, 2023
  2. Cour des Comptes européenne, Rapport spécial « Economie circulaire : une transition lente dans les Etats membres, malgré l’action de l’Union européenne« , 2023
  3. Tribune « La cigarette électronique jetable “puff”, un fléau environnemental et sanitaire qu’il faut interdire d’urgence », Le monde, 30 avril 2023.

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