01 juin 2023
Manon Richert

Pollution plastique : stop au colonialisme des déchets !

Alors que la France accueille les négociations internationales visant à mettre fin à la pollution plastique, Zero Waste France rappelle que le pays produit deux fois plus de déchets que la moyenne mondiale, et en exporte encore une grande partie vers des pays moins riches et moins bien équipés pour gérer le flux de détritus.

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Mise à jour du 24 septembre 2024 :

Selon la Banque Mondiale, 2,24 milliards de tonnes de déchets ménagers ont été produites en 2020 dans le monde, soit 287 kg par habitant. Avec 580 kg d’ordures ménagères et assimilées par an, les Français·es rejettent donc 2 fois plus de déchets que la moyenne mondiale et 4 fois plus que les habitant·es d’un pays à revenu faible et intermédiaire tel que le Ghana. De manière générale, les 9% de la population mondiale qui vivent dans les pays aux plus faibles revenus ne sont responsables que de 5% des déchets produits dans le monde.

Des chiffres qui reflètent surtout les différences drastiques de modes de consommation entre pays riches et pays pauvres. A cet égard, les ordures ménagères ne sont que la partie émergée de l’iceberg : la production de déchets a un impact néfaste sur l’environnement et les populations humaines dès la conception du produit. Or, les objets que nous consommons ici en France sont en grande majorité produits à l’étranger. Résultat : alors que les émissions de gaz à effet de serre (GES) produites sur le territoire français sont en baisse, les émissions importées sont, elles, en augmentation continue et dépassent désormais les émissions nationales, d’après le Haut Conseil pour le Climat. Une grande partie de ces émissions de GES dans les pays à revenus faibles et intermédiaires sont ainsi imputables aux modes de consommation des pays développés.

La France parmi les plus gros producteurs de déchets

Selon la Banque Mondiale, 2,24 milliards de tonnes de déchets ménagers ont été produites en 2020 dans le monde, soit 287 kg par habitant. Avec 580 kg d’ordures ménagères et assimilées par an, les Français·es rejettent donc 2 fois plus de déchets que la moyenne mondiale et 4 fois plus que les habitant·es d’un pays à revenu faible et intermédiaire tel que le Ghana. De manière générale, les 9% de la population mondiale qui vivent dans les pays aux plus faibles revenus ne sont responsables que de 5% des déchets produits dans le monde.

Des chiffres qui reflètent surtout les différences drastiques de modes de consommation entre pays riches et pays pauvres. A cet égard, les ordures ménagères ne sont que la partie émergée de l’iceberg : la production de déchets a un impact néfaste sur l’environnement et les populations humaines dès la conception du produit. Or, les objets que nous consommons ici en France sont en grande majorité produits à l’étranger. Résultat : alors que les émissions de gaz à effet de serre (GES) produites sur le territoire français sont en baisse, les émissions importées sont, elles, en augmentation continue et dépassent désormais les émissions nationales, d’après le Haut Conseil pour le Climat. Une grande partie de ces émissions de GES dans les pays à revenus faibles et intermédiaires sont ainsi imputables aux modes de consommation des pays développés.

Qu’est-ce que le colonialisme des déchets ?

Utilisée pour la première fois en 1989, l’expression “colonialisme des déchets” décrit le processus par lequel les pays riches tirent parti, exercent et renforcent leur domination sur les pays à revenus faibles et intermédiaires, qui ont, dans la plupart des cas, été colonisés par le passé, par le biais d’exportations de déchets toxiques et/ou difficiles à recycler, tels que les emballages plastiques. Souvent mal équipés pour faire face à ces afflux d’ordures, les pays destinataires se retrouvent contraints de gérer des déchets dont ils ne sont pourtant pas responsables et qui affectent gravement leurs populations et leur environnement.

Une politique des déchets héritière de logiques colonialistes

Pays gros producteur de déchets, la France délocalise non seulement la production, mais aussi le traitement à l’étranger. Par exemple, en 2021, elle exportait selon les Douanes 800 000 tonnes de déchets plastiques, soit 400 000 tonnes de plus qu’elle n’en importait, principalement en provenance de pays limitrophes. Concernant les exportations, plus de 80% des ordures envoyées par la France à l’étranger le sont vers d’autres pays de l’Union européenne, du moins officiellement ; en outre, la réglementation européenne limite les exportations de certains types de déchets, comme les plastiques. En réalité, la France manque de visibilité sur le devenir des déchets qu’elle exporte et la lutte contre les trafics illicites reste très insuffisante. Dans ce contexte, les pays à plus faibles revenus, en proie à des logiques prédatrices, deviennent des déversoirs de choix pour nos ordures.

Une enquête récente, menée par la Fondation Changing Markets, a par exemple montré que la France déversait chaque année au Kenya plus de 250 000 vêtements usagés en fibres plastiques. Ces textiles sont de si mauvaise qualité qu’ils finissent directement en décharge à ciel ouvert ou brûlés. Et cela ne concerne que les exportations directes, inscrites au registre des douanes. En effet, les associations qui ont mené l’enquête soulignent le manque de transparence des exportations européennes de vêtements usagés, qui passent souvent par plusieurs pays. Mélangés et triés lors de ce transit, les vêtements deviennent alors intraçables.

En Turquie, le recyclage des déchets plastiques met en danger la santé des populations locales

Un encadrement plus strict des exportations de déchets, comme l’a proposé le Parlement européen en janvier 2023, semble dès lors souhaitable. Pourtant, les fleurons français du secteur, à l’instar de Veolia, sont vent debout pour défendre cette pratique injuste, sous prétexte que cela reviendrait à “sacrifier le marché légitime du recyclage”. Malheureusement, le maintien de ce marché se fait au détriment de la santé des populations locales, comme l’a démontré Human Rights Watch en Turquie, où Veolia opère en outre le plus gros site européen d’incinération des déchets avec 1,1 million de tonnes d’ordures traitées par an.

L’association a en effet constaté de graves violations des droits humains dans les usines de recyclage du plastique en Turquie. Le travail dans certains de ces sites de recyclage confine à l’exploitation : certain·es employé·es ne sont pas majeur·es, d’autres n’ont pas de papiers. Beaucoup travaillent sans équipement de protection et sans accès garanti aux soins en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail. Conséquence de ces conditions de travail déplorables et de la trop grande proximité des usines et des habitations, les travailleur·euses et les riverain·es sont nombreux·euses à déclarer toutes sortes de maux chroniques : problèmes respiratoires, forts maux de tête, maladies de peau,… L’absence de contrôles adéquats menés par l’État turc est bien sûr en cause. Cependant, les pays européens qui exportent leurs déchets plastiques vers la Turquie portent aussi une lourde responsabilité en ne réduisant pas le plastique jetable à la source. En effet, depuis la fermeture des frontières chinoises aux importations de déchets et la limitation des exportations de déchets de l’Union européenne hors de l’OCDE, les emballages plastiques sont massivement exportés vers ce pays.

La pollution plastique, une source d’injustices majeure

Des déchets qu’il est souvent difficile, voire impossible de recycler, sont ainsi envoyés vers des pays dotés d’infrastructures moins adaptées et de réglementations moins strictes en matière de protection de l’environnement et de la santé qu’au sein de l’Union européenne. Et ce, alors que ces pays doivent aussi gérer leurs propres déchets. Une négligence qui coûte cher en vies humaines : dans les pays en développement, une personne meurt toutes les 30 secondes de maladies causées par la mauvaise gestion des déchets, selon l’ONG Tearfund.

Par ailleurs, d’après les Nations Unies, la seule pollution plastique cause 13 milliards de dollars par an de dommages environnementaux pour les écosystèmes marins. Une partie de ces coûts est endossée directement par les communautés côtières des pays du Sud, qui subissent en parallèle des pertes de revenus issus de la pêche et du tourisme. Qu’il s’agisse des effets du changement climatique, de la perte de biodiversité ou encore des atteintes aux droits humains, les populations les plus vulnérables paient le prix du mode de vie occidental fondé sur le tout-jetable.

Une mobilisation mondiale contre le colonialisme des déchets

Face à ces injustices, les pays du Sud passent à l’action, à travers des mesures parfois radicales. Alors que l’Union européenne et la France s’affichent comme pionnières en matière d’écologie, c’est le Bangladesh qui a été le premier pays au monde à interdire les sacs en plastique. En Afrique, 34 États sur 54 ont adopté des lois visant à réduire l’usage des sacs en plastique jetables : parmi eux, la moitié les ont complètement interdits. Le Rwanda en particulier, a dégainé dès 2008 tout un arsenal législatif, jusqu’à interdire tous les plastiques à usage unique en 2019. En mai 2021, 136 organisations de la société civile ont appelé les gouvernements africains à mettre fin au colonialisme des déchets, notamment en empêchant le déversement de déchets plastiques dans la région et en demandant un plafonnement strict de la production mondiale de plastique neuf dans le cadre des négociations internationales pour mettre fin à cette pollution.

En savoir plus

Le colonialisme des déchets se joue aussi sur le plan symbolique, avec des effets bien réels sur les politiques de prévention et de gestion des déchets. Ainsi, dans un rapport paru en 2015, 5 pays asiatiques, à savoir la Chine, l’Indonésie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam, ont été pointés du doigt par l’influente ONG états-unienne Ocean Conservancy comme étant les premiers responsables de la pollution des océans. Pendant des années, ce récit mensonger a permis de masquer la responsabilité des pays du Nord et des multinationales dans la production d’emballages plastiques, tout en incitant ces pays d’Asie à investir dans des solutions non durables de traitement des déchets. En 2022, les associations membres du réseau régional GAIA Asie-Pacifique ont obtenu des premières actions réparatrices, à travers la rétractation du rapport et la conclusion d’un accord qui priorise la réduction du plastique à la source et la responsabilisation des producteurs.

La France a un rôle crucial à jouer pour mettre fin aux injustices liées à la pollution plastique

Alors que la deuxième session des négociations internationales sur la pollution plastique s’est ouverte à Paris le 29 mai 2023, comment la France peut-elle contribuer à réparer les injustices liées à cette catégorie de déchets ? Siège historique d’entreprises leaders dans les secteurs de l’extraction et la transformation d’hydrocarbures (TotalEnergies), mais aussi du traitement des déchets (Veolia), elle a un rôle crucial à jouer : d’abord, car elle est l’un des chefs de file dans la lutte contre la pollution plastique au niveau européen ; ensuite, en montrant l’exemple chez elle, en appliquant les dispositions réclamées par les citoyen·nes, à l’instar de l’interdiction de la vente sous plastique des fruits et légumes ou de la consigne pour réemploi des emballages; enfin, en rejetant les fausses solutions à contre-courant de l’objectif de sortie du plastique à usage unique pour 2040 qu’elle s’est pourtant fixé, comme la consigne pour recyclage des bouteilles plastiques, ou encore le recyclage chimique.

Le traité international sur le plastique pourrait être, à l’instar du protocole de Montréal, l’un des accords environnementaux les plus importants de l’histoire. La France doit saisir cette opportunité pour se montrer à la hauteur des enjeux et se positionner à l’avant-garde de la lutte contre la pollution plastique, dans la réglementation comme dans son application.

En savoir sur la consigne pour réemploi

Sources :

Banque Mondiale, « More Growth, Less Garbage », 2021

ADEME, « Déchets chiffres-clés », édition 2023

Haut Conseil pour le Climat, « Maîtriser l’empreinte carbone de la France », 2020

Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), « Le devenir des déchets exportés à l’étranger par la France », 2022

Changing Markets, “Trashion : L’exportation cachée de vêtements usagés en plastique à destination du Kenya”, 2023

Letsrecycle.com, « Plastic exports ban would ‘sacrifice legitimate market’, Veolia says », 2022

Human Rights Watch, « Turquie : Le recyclage du plastique nuit à la santé et à l’environnement », 2022

Veolia, « Décarbonation: Veolia devient l’opérateur du 1er site de production d’énergies à partir de déchets de Turquie », 2023

Tearfund, “The Burning Question: Will Companies Reduce Their Plastic Waste?”, 2020

Programme des Nations Unies pour l’environnement, « Plastic Waste Causes Financial Damage of US$13 Billion to Marine Ecosystems Each Year as Concern Grows over Microplastics », 2014

Fondation Heinrich Böll, La fabrique écologique, Break free from plastic, « Atlas du plastique », 2020

Greenpeace, « 34 Plastic Bans in Africa », 2020

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