Quand les professionnel·les du sport se mettent au Défi “Rien de neuf” !
Réduire les achats neufs, dans un cadre professionnel et un secteur spécifique comme celui du sport vous semble compliqué ? Pourtant c’est possible ! Inspirez-vous de ces clubs, fédérations, collectivités et même sportifs et sportives de haut niveau qui ont réduit l’impact environnemental de leur pratique à la source.
Crédits photo : La Recyclerie sportive – Maison des Canaux
Ce Défi est soutenu par MAIF dans le cadre de Sport Planète.
Réduire les achats neufs dans le secteur professionnel du sport : où en est-on ?
Pour le grand public, au bout de la chaîne de consommation, les raisons de réduire les achats de matériel et vêtements de sport neufs sont nombreuses, et bonne nouvelle : de plus en plus d’alternatives se développent, comme acheter du matériel issu du réemploi par exemple. Mais qu’en est-il du côté des professionel·les du sport, présent·es en amont du cycle de production de ces déchets spécifiques ?
Même s’il est vrai que le contexte législatif évolue (voir l’encart concernant la filière REP à la fin de l’article), la priorité immédiate est à l’action concrète du secteur professionnel.
Prouvant que des solutions existent et que des intérêts économiques peuvent compléter les avantages écologiques d’une telle démarche, plusieurs structures sportives (fédérations, ligues et clubs), collectivités, établissements scolaires ou encore sportifs et sportives de haut niveau n’ont pas attendu les évolutions réglementaires et intègrent déjà certaines alternatives du Défi “Rien de neuf” à leurs pratiques :
La mutualisation
> Privilégier l’économie du partage plutôt que la possession, c’est le choix qu’a fait l’organisation de l’EcoTrail Paris®, manifestation soutenue par MAIF, en mutualisant certains de ses achats (vaisselle, groupes électrogènes d’énergie verte, etc.) avec d’autres structures événementielles, sportives ou autres (No Finish Line Paris by Siemens, le festival de musique We Love Green, etc.) Cette mutualisation est parfois même couplée à une autre alternative au neuf particulièrement pertinente dans le secteur événementiel, par définition éphémère : la location de matériel (technique, scénographique, décoratif, etc.). Des solutions qui, avec une bonne coordination en amont, s’avèrent d’années en années écologiques et économiques.
> La Ligue de Football Professionnel, de la même manière, consacre depuis 2018 une partie de sa politique achats à la coordination des besoins de l’ensemble de ses clubs. Cela lui permet de recenser et diffuser les pratiques d’achats vertueuses de ces derniers et de tendre vers une mutualisation de ces processus.
> Depuis quelques années, certaines régions comme le Grand Est, la Nouvelle Aquitaine, la Normandie ou la Communauté de communes Roche aux Fées (entre Rennes et Angers) financent auprès des ligues, comités régionaux, clubs amateurs ou encore structures locales associatives, l’acquisition mutualisée de matériel sportif. Comme il est indiqué sur les sites de ces collectivités, ces différentes aides peuvent permettre par exemple la découverte, le développement et l’accessibilité à l’activité et la sécurisation des pratiques grâce à la mise en commun de matériel par les différents clubs avec les autres acteurs du territoire, ces aides permettant de dépasser les capacités habituelles de financement des clubs.
A noter également, des collectivités publiques du Puy-de-Dôme et de la Haute-Loire ont mis en place, en partenariat avec l’ADEME, un nouveau dispositif d’accompagnement des clubs de sport sur leur territoire pour tendre vers une démarche zéro déchet, zéro gaspillage.
La seconde main et la réduction d’achats neufs
> La Fédération Française d’Athlétisme, accompagnée par Zero Waste France, a pu testé certaines solutions inspirées du Défi “Rien de neuf” lors du MAIF Ekiden de Paris 2019 (un évènement réunissant environ 10 000 personnes). La réduction des déchets se jouant dès l’acte d’achat, les équipes organisatrices avaient par exemple pris la décision de réutiliser les sacs distribués aux participant·es ainsi que les ceintures-relais des années précédentes, afin d’éviter la commande de matériel neuf supplémentaire.
> Lors de la rentrée sportive de 2020 marquée par le contexte sanitaire difficile et l’hésitation de certaines personnes à s’inscrire à nouveau en club, la Fédération Française d’Escrime a eu le bon réflexe de proposer à ses adhérent·es de passer par l’occasion pour tester, s’équiper ou renouveler leur équipement, via un partenariat avec le site www.escrime-occasion.com.
> Le Montpellier Hérault Rugby (MHR), club du Top 14, a déployé récemment (à l’instar de ses bornes à éco-cups depuis la saison 2018/2019) des collecteurs de drapeaux dans son stade afin d’inciter le public à déposer ces derniers en fin de rencontre, dans le but qu’ils puissent être réutilisés d’un match à l’autre et ainsi diminuer fortement les besoins en achats neufs, ce qui représente aussi une forme de “mutualisation” de goodies entre supporters.
> Certaines grandes enseignes de sport comme Décathlon proposent désormais des espaces (dans leurs magasins et en ligne) dédiés au matériel d’occasion, ce qui permet de sensibiliser un large public à cette alternative. Sport 2000 propose également depuis plusieurs années des opérations de collecte de chaussures usagées dans ses boutiques (environ 32 000 paires de chaussures récupérées en 2019) (1). Celles trop abîmées seront en partie recyclées – broyées et utilisées en revêtement de terrains de sport par exemple. Celles encore en état pourront être redistribuées dans les réseaux de seconde main, le tri étant effectué par Le Relais.
Pour les acteurs et actrices de la grande distribution, il est toutefois nécessaire de faire attention au système de rachat de ce matériel par les enseignes, souvent sous forme de bon d’achat à utiliser directement auprès des marques – à l’image de ce qui est fait par certains groupes de la fast-fashion comme H&M pour verdir leur image – car cela peut inciter à (sur)consommer des produits neufs et donc se révéler contre-productif lorsque la clientèle souhaite s’engager dans une démarche de réduction de sa consommation de ressources.
L’emprunt et la location
> La Fédération Française Handisport observait un recours important aux véhicules personnels lors de leurs événements (notamment parce que les transports en commun ne sont pas toujours adaptés au handicap des participant·es). Les sportifs et sportives peuvent désormais s’appuyer sur des concessionnaires spécialisés proposant par exemple la location entre particuliers de véhicules adaptés, ou quand les solutions “Rien de neuf” se mettent au service de la mobilité et de l’accessibilité ! À travers son guide du matériel handisport, la fédération invite également ses adhérent·es à louer ou emprunter du matériel adapté auprès de son club, comité départemental ou régional handisport.
> À partir de septembre prochain, la métropole de Lyon va mettre à disposition auprès des étudiant·es et jeunes adultes des vélos d’occasion reconditionnés. Environ 10 000 vélos d’occasion seront ainsi prêtés gratuitement aux 18-24 ans notamment bénéficiant de bourse, ainsi qu’aux jeunes adultes en parcours d’insertion sociale et professionnelle ayant un logement ou un hébergement sur le territoire lyonnais.
Le don et le troc
> Certains clubs de football, de basket ou autres organisent des bourses d’échange et des appels à dons lors d’occasions spéciales (journée de l’environnement comme pour le Racing Club de France Football à Colombes, lors de la rentrée scolaire, etc.) Ces actions permettent de créer du lien entre les adhérent·es et de les sensibiliser tout en proposant un moment convivial et utile. Comme l’explique Kamel Bouzidi, à l’origine du « Troc sportif du Blanc-Mesnil » (93), il faut néanmoins veiller à ce que la communication soit très claire sur les modalités de participation (troc, vente ou don) et surtout réalisée suffisamment en amont afin que les personnes puissent anticiper leur “stand” ou leur don et qu’il y ai du passage le jour-J.
> De plus en plus de communes, parfois en partenariat avec des associations locales, mettent à disposition des habitant·es des boîtes à dons (livres, jouets, vêtements). Des initiatives spécifiques aux matériel et vêtements de sport pourraient facilement voir le jour à des emplacements stratégiques des villes (près des écoles, collèges et lycées, aux abords des stades et complexes sportifs, lors des manifestations), à l’instar de ce qui se fait dans certaines villes du Canada avec les “coffres aux sports”. L’association La Recyclerie sportive développe d’ailleurs un réseau de points de collecte à travers des Ecobox, dont la cartographie sera à retrouver prochainement sur leur site. Cette structure propose également d’autres services permettant au grand public et professionnel·les du sport de se mettre au Défi “Rien de neuf” : remise en état et vente de matériel ou de vêtements spécialisés de seconde main et ateliers de co-réparation, notamment de vélos. Basée initialement en région parisienne, elle travaille et milite depuis plusieurs années pour que la filière puisse se développer à l’échelle nationale : des espaces sont d’ores et déjà ouverts à Bordeaux-Mérignac et Marseille.
La réparation
> La FUB, fédération française des usagers de la bicyclette, est très impliquée sur le sujet de l’allongement de la durée de vie des vélos. À travers son réseau, elle propose à ses adhérent·es des ateliers de réparation participatifs (dans des locaux fixes ou sous forme d’ateliers mobiles) avec le soutien de l’association L’Heureux Cyclage. Ces sessions mettent à disposition des outils, pièces détachées (souvent issues du réemploi) et le savoir-faire d’expert·es pour permettre aux cyclistes d’entretenir et de réparer eux-mêmes leurs vélos. Leurs activités, volontairement accessibles à toutes et tous, sont développées dans une démarche locale, solidaire et conviviale.
Sur son site, la fédération s’engage en rappelant “qu’en France, un nombre très important de vélos restent inutilisés par manque de connaissances mécaniques et d’outils” : environ 9 millions, soit un tiers du parc total de vélos. La durée de vie moyenne d’un vélo en France est de 7 ans et est la plus faible d’Europe, avec chaque année 1,5 millions de vélos détruits.
Selon la FUB, “L’entretien, la réparation et le réemploi peuvent facilement être mis en œuvre pour modérer le bilan énergétique de la filière cycle, et constituent des solutions simples à l’obligation légale de réduction de la quantité de déchets générés. ”
La fédération distille également sur sa plateforme de nombreux conseils d’entretien, à travers des astuces simples de prévention ou des fiches pratiques, comme “comment réparer une crevaison ?”, l’une des pannes les plus fréquentes.
> Les sportifs et sportives de haut niveau s’engagent aussi ! C’est le cas de Clément Castets, joueur professionnel de rugby à XV évoluant actuellement au Stade Toulousain (club champion de France et d’Europe 2021). Très engagé dans la protection de l’environnement à titre personnel, il a adopté depuis longtemps le réflexe de donner et d’allonger la durée de vie de ses appareils. Dernière victoire en date, la réparation de sa trottinette : “c’est du bon sens écologique et économique, il faut retrouver cette habitude ! Et même s’il m’a fallu faire quelques kilomètres supplémentaires pour atteindre la boutique spécialisée, c’est agréable de voir que de plus en plus de structures se développent autour de la réparation. »
Avec d’autres co-équipiers comme Maxime Médard ou Alban Placines, il s’engage auprès d’associations environnementales pour mettre à profit son exposition médiatique et ainsi faire évoluer les mentalités du grand public, le plus possible avec un ton décomplexé et ludique. Il participe également à l’évolution des pratiques au sein de son club : aux côtés de Louis-Benoît Madaule et de leur préparateur physique Zéba Traoré (à l’initiative de l’opération), il a participé à la récupération de crampons et vêtements techniques (en bon état mais ne pouvant plus être utilisés par les équipes du Stade Toulousain) afin de les redonner à des structures locales notamment au Burkina Faso. De la même manière, “le club transmet naturellement les fournitures de l’équipe première encore en bon état vers notre école de formation”, souligne Clément.
Zoom sur la Fédération Française de Tennis
Dans le cadre de ses engagements RSE, la Fédération Française de Tennis (FFT) développe une politique d’achats intéressante auprès de son écosystème fédéral. Un récent questionnaire envoyé à un panel de clubs affiliés à la FFT a permis de confirmer cette vision, les résultats montrant que la problématique déchets était au cœur de leurs préoccupations, et en particulier celle du cycle de vie des équipements (durables, de seconde main, mutualisés).
Afin de transmettre les bonnes pratiques sur ce sujet, un “pense (pas) bête” (voir photos ci-dessous) a été diffusé à l’ensemble des ligues mais également aux salarié·es du siège de la FFT, permettant entre autres de préciser la priorité de la réduction à la source des déchets par rapport à la recyclabilité (théorique et effective) des objets. L’objectif in fine est d’aider les équipes techniques à s’approprier ces critères d’achats pour les intégrer de façon systématique et autonome à leurs pratiques.
Extraits du « Pense (pas) bête » des achats durables – Crédits FFT – Claire Hallé
Pour inciter davantage les clubs de tennis à pratiquer le Défi “Rien de neuf”, la plateforme Proshop FFT (place de marché créée par la fédération et destinée à aider les clubs à s’équiper en matériel pédagogiques, pour les courts ou d’aménagement de club house) travaille sur un projet d’offre de seconde main afin de contribuer à la réduction des budgets d’achats des clubs en leur permettant de revendre ou d’échanger entre eux leurs matériels.
Certains éléments comme des transats, poubelles de tri ou bâches issus de précédents tournois Roland Garros sont redistribués aux clubs, comme à Lyon ou dans le Val d’Oise (voir photo ci-dessous) grâce à un système interne simple mais efficace : un fichier excel suivi par un élu référent permettant de faire correspondre l’offre à la demande. La FFT formalise ainsi une pratique déjà présente naturellement au sein de nombreux clubs de tennis ayant l’habitude de mutualiser par exemple les panneaux de score pour leurs tournois, dans un but écologique mais aussi économique.
Enfin à la rentrée, la fédération lancera une campagne “Donne une seconde vie à ta raquette” auprès de ses clubs afin que ces derniers puissent constituer un stock à disposition des sportifs et sportives (souhaitant tester le tennis avant de s’équiper, ayant oublié leur matériel, etc). Une autre partie de ces raquettes d’occasion rapportées par les adhérent·es sera redistribuée à des associations, comme « Fête le Mur » afin de toucher des personnes plus éloignées de la pratique.
Professionel·les du sport : prêt·es pour le Défi “Rien de neuf” ?
Si ces retours d’expérience vous ont inspiré·es, vous pouvez vous inscrire au Défi pour rejoindre la communauté et obtenir des réflexes “Rien de neuf” à adopter en toutes situations. Un guide dédié est d’ailleurs disponible si vous souhaitez engager votre fédération, club, établissement scolaire ou collectivité dans l’organisation de son propre Défi.
Zero Waste France met également à votre disposition deux outils de sensibilisation à la démarche de réduction des déchets :
- le guide des “12 actions pour un évènement sportif zéro déchet”
- la grille d’auto-évaluation pour adapter vos pratiques et vos manifestations à chaque édition, ainsi que communiquer sur vos engagements.
Vous êtes désormais plus que motivé·es à changer vos pratiques et réduire votre production de déchets à la source ? Zero Waste France propose également des formations dédiées aux professionel·les du secteur sportif ainsi que des accompagnements spécifiques (événementiel, stratégie achats, etc.) à la fois auprès des fédérations et clubs mais aussi pour les collectivités territoriales.
Alors, à vous de jouer !
Une filière REP dédiée
Une filière de Responsabilité Élargie du Producteur (REP) pour les articles de sport et de loisirs entrera en vigueur le 1er janvier 2022 (la filière avait été actée par la loi AGEC de 2020 après plusieurs années de discussions). La mise en place de cette filière devrait donc favoriser le recyclage des articles usagés ainsi que leur réemploi quand cela sera possible, afin d’allonger leur durée de vie au maximum et éviter la sur-consommation de ressources nécessaires à la fabrication de vêtements ou matériel neufs.
(1) : Source : Le Relais sur la base de 62 magasins étudiés, moyenne appliquée à l’ensemble des magasins participants.