Projet

Sortons les biodéchets de la poubelle !

Près de 50 millions de tonnes. C’est la quantité de biodéchets brûlés ou enfouis depuis 2015 et le vote de la loi prévoyant leur tri à la source. Il est temps de passer à la vitesse supérieure ! En 2024, tou·tes les Français·es doivent pouvoir trier leurs biodéchets pour éviter les pollutions liées à leur non valorisation.

Aujourd’hui encore, les biodéchets représentent plus du tiers des poubelles résiduelles [1] des Français·es. Plutôt que de retourner à la terre pour produire notre alimentation, tous ces déchets organiques contribuent ainsi à la catastrophe écologique en cours, en émettant des gaz à effet de serre et en polluant les sols.  Zero Waste France se mobilise pour sortir tous les biodéchets de la poubelle.

Pourquoi trier les biodéchets ? 

  • Incinérer des biodéchets est une aberration : des déchets étant majoritairement composés d’eau, leur incinération consomme plus d’énergie qu’elle n’en produit. De plus, l’incinération contribue au changement climatique : pour chaque tonne de déchets incinérée est émise au moins une tonne de CO2.
  • Mettre en décharge des biodéchets est extrêmement polluant : lorsqu’ils sont enfouis, les biodéchets fermentent dans les fosses où leur décomposition ne s’effectue pas dans de bonnes conditions et conduit à d’importantes émissions de méthane, un gaz au pouvoir de réchauffement global entre 25 et 30 fois supérieur à celui du CO2. Leur présence en décharge, mélangés à d’autres déchets, contribue également à produire du lixiviat, un liquide chargé en nitrates et métaux lourds, multipliant les risques de fuite et de pollution des nappes phréatiques.
  • Les biodéchets sont une ressource précieuse pour les sols : comme les feuilles mortes en forêt qui, en se décomposant, deviennent de l’humus pour nourrir le sol, nos biodéchets peuvent être transformés en fertilisant naturel renouvelable. Ce compost, riche en nutriments, est utile pour la production de notre alimentation et permet d’éviter les pollutions liées à l’utilisation d’engrais minéraux.

Une obligation connue des collectivités depuis huit ans

À partir du 1er janvier 2024, tous les ménages devraient, selon la loi, pouvoir trier leurs déchets organiques, c’est-à-dire leurs épluchures, restes de repas, déchets de jardin, etc., et les séparer du reste des ordures ménagères. Les citoyen·nes sont libres de mettre en place une solution dans leur foyer, si elles et ils le souhaitent (composteur, lombricomposteur), afin d’utiliser eux-mêmes sur place leurs biodéchets compostés, mais la loi ne les y oblige pas, contrairement à ce qu’on peut lire parfois dans les médias. Ce sont les collectivités locales qui sont tenues de mettre en place cette obligation légale et de proposer à leurs habitant·es une ou plusieurs solutions. Les citoyen·nes, de leur côté, ont pour responsabilité de participer au tri à la source, dès lors que leur collectivité leur propose une solution pratique et réaliste pour le faire.

A l’heure actuelle, la majorité des collectivités accusent un retard alarmant dans le déploiement des solutions de tri à la source. Selon l’Ademe [2], seules une centaine d’intercommunalités proposaient en 2021 une collecte séparée des déchets alimentaires aux ménages, couvrant seulement 6,2% de la population française. Si davantage de collectivités soutiennent des actions de compostage de proximité (mise en place de composteurs partagés, distribution de composteurs individuels…), ces actions desservent rarement plus de 38 % de la population, même dans les collectivités les plus ambitieuses.

La généralisation du tri à la source des biodéchets est pourtant inscrite dans la loi depuis 2015 [3], et l’échéance pour sa mise en œuvre est connue depuis la transposition de la réglementation européenne dans la loi AGEC en février 2020. “Les collectivités ont eu huit ans pour se préparer et tester différents dispositifs”, note Pauline Debrabandere, coordinatrice de campagnes chez Zero Waste France.

“L’heure n’est plus à l’expérimentation, il faut passer à la vitesse supérieure sur tout le territoire.”

Déchets organiques, déchets alimentaires, ou biodéchets ? 

La loi rend obligatoire le tri à la source des biodéchets, c’est-à-dire tous les déchets organiques : il s’agit à la fois des déchets de jardin (dits déchets verts) et des déchets alimentaires (restes de repas, épluchures…). A l’heure actuelle, le tri des déchets verts existe déjà dans de nombreux territoires, notamment ruraux, via une collecte dédiée ou des apports en déchetterie. Il s’agit donc aujourd’hui de sortir les biodéchets restants de la poubelle d’ordures ménagères, et ce sont principalement des déchets alimentaires. Voilà pourquoi un grand nombre de collectivités communiquent uniquement sur la mise en place du tri des déchets alimentaires.

Agir pour un déploiement à grande échelle

Les collectivités sont en première ligne pour permettre la généralisation du tri à la source, et doivent proposer à leurs habitant·es des solutions adaptées aux différentes typologies d’habitat, et dimensionnées au nombre et à la densité de population. Distribuer uniquement des composteurs individuels sur un territoire composé en partie d’habitat collectif ne permet pas de couvrir toute la population. Dans de nombreux territoires, urbains comme ruraux, la collecte séparée des biodéchets sera indispensable pour sortir un maximum de biodéchets de la poubelle.

Nos recommandations auprès des collectivités :

Etablir un plan d’action dédié

Chaque collectivité doit établir pour l’année 2024 et les suivantes un plan d’action dédié à la mise en œuvre du tri à la source, soutenu par un budget précis, prévoyant un renforcement des moyens financiers et humains pour réaliser la généralisation du tri à la source auprès de tou·tes les habitant·es.

Prévoir une complémentarité de solutions

Selon les types d’habitat et la densité de population, selon la place disponible dans les immeubles ou dans l’espace public, l’une ou l’autre des solutions de tri à la source vont se révéler plus adaptées. Les collectivités doivent donc adapter ces solutions selon les spécificités de leurs différentes communes et quartiers. Il convient donc de prévoir une complémentarité de solutions, entre :

  • la collecte séparée (notamment en porte-porte), qui permet de couvrir davantage de population et de sortir un maximum de biodéchets de la poubelle ;
  • la gestion de proximité (composteurs individuels et partagés), qui permet le compostage directement sur site et l’implication plus grande des habitant·es qui y participent.

Fixer des objectifs quantitatifs de détournement

Les collectivités peuvent se fixer différents objectifs quantitatifs (alternatifs), de détournement de biodéchets de la poubelle d’ordures ménagères résiduelles :

  • Fixer des seuils quantitatifs en poids de biodéchets restants dans la poubelle d’OMR, avec une baisse progressive dans le temps. Zero Waste France et Zero Waste Europe recommandent les objectifs de 25 kg / habitant / an de biodéchets restants parmi les OMR en 2030, puis 15 kg/habitant/an en 2035.
  • Fixer un objectif de quantité en pourcentage par rapport à la quantité de biodéchets présents dans la poubelle avant la mise en place du tri à la source. Zero Waste France recommande dans ce cas de le fixer à 75% de la quantité de biodéchets, en kg par habitant, présents dans les ordures ménagères résiduelles avant la mise en place du tri à la source.

Réaliser des études de caractérisation périodiques

Pour garantir le suivi de l’action des collectivités, celles-ci peuvent aussi prévoir la réalisation d’études de caractérisation périodiques sur la quantité de biodéchets toujours présente dans les ordures ménagères résiduelles et son évolution depuis la mise en place de solutions de tri à la source des biodéchets.

Mettre en œuvre des actions sur la durée

Pour que le tri à la source des biodéchets s’inscrivent dans les habitudes des citoyen·es et fonctionne sur le temps long, les collectivités ne doivent pas négliger des aspects pouvant être considérés comme secondaires, mais qui sont en réalité essentiels pour la réussite du tri à la source :

  • communiquer et sensibiliser l’intégralité des habitant·es, via notamment des sensibilisations en porte-à-porte, pour lever les doutes et répondre aux questions de façon individuelle ;
  • distribuer directement à tous les ménages les équipements (composteur, bioseaux) et pas seulement aux ménages volontaires ;
  • former les agents et citoyen·nes impliqué·es (notamment dans le compostage de proximité) ;
  • réaliser un suivi dans le temps ses actions mises en place ;
  • instaurer une tarification incitative pour encourager les habitant·es à réduire leur poubelle d’ordures ménagères résiduelles, etc.

L’Etat doit lui aussi endosser pleinement son rôle, en accompagnant concrètement les collectivités dans ce déploiement. Il est temps de sortir de la politique des petits pas et de proposer aux collectivités  des soutiens financiers d’ampleur pour la mise en place du tri à la source des biodéchets (notamment via le Fonds vert). Il est temps aussi d’appliquer des objectifs contraignants de tri à la source (tonnages de biodéchets sortis des ordures ménagères résiduelles) pour veiller à ce que toutes les collectivités mettent réellement en place les moyens nécessaires à ce déploiement, et ne se contentent pas d’actions partielles (expérimentations sans ambition de généralisation, ou distribution de quelques composteurs individuels).

Pour cela, Zero Waste France réaffirme la nécessité d’un texte réglementaire pour préciser comment ce tri à la source des biodéchets doit être assuré par les collectivités. A l’heure actuelle, rien ne précise en quoi il consiste exactement. Sans obligations de moyens et de résultats, sans objectifs clairs de détournement des biodéchets de la poubelle d’ordures ménagères, le tri à la source, mesure cruciale pour la réduction des déchets mis en décharge ou incinérés, risque de rester incantatoire.

Télécharger le dossier de presse

Les citoyen·nes peuvent eux et elles aussi agir et demander à leur collectivité où en est la mise en place du tri à la source des déchets alimentaires. En tant que citoyen·nes, nous sommes toutes et tous légitimes pour interpeller nos élu·es locaux, qui sont nos représentant·es direct·es. Il est important de cibler les bon·nes élu·es, à savoir celles et ceux en charge de la gestion des déchets au sein de mon intercommunalité (communauté de communes, communauté d’agglomération, métropole).

[1] Ademe, Chiffres clés déchets 2023

[2] Ademe, Evaluation de la généralisation du tri à la source des biodéchets, octobre 2022

[3] Loi de transition écologique pour une croissance verte (LTECV), 2015

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