Un rapport de la Cour des comptes critique la gestion des déchets en France
Ce nouveau rapport se montre sévère avec le service public de gestion des déchets ménagers en France. Il valide également une grande partie de l’analyse et des propositions de Zero Waste France.
Des objectifs de réduction des déchets presque hors d’atteinte
Le 28 septembre 2022, la Cour des comptes a publié un rapport intitulé Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser. Elle en a également réalisé une synthèse pour le rendre plus accessible. Cette institution est chargée de veiller à ce que l’argent public soit correctement utilisé. La Cour avait déjà rédigé un autre rapport sur le même thème en 2011.
Dans ce nouvel état des lieux du service public de gestion des déchets, elle pointe d’emblée que le volume des déchets ménagers et assimilés (DMA) reste stable sur la décennie mais se maintient à un niveau élevé. “Dès lors, écrit la Cour, la France n’atteindra l’objectif de baisse des DMA qu’elle s’est fixée à l’horizon 2030 (- 15 % par rapport à 2010) qu’au prix d’une accélération forte de la tendance actuelle.” Et l’on pourrait même dire d’une inversion complète, puisqu’en moyenne, la masse de déchets par habitant n’a que très peu baissé en 8 ans (583 kg en 2019, -7 kg par rapport à 2011).
Les juges financiers expliquent que même si les DMA représentent 12 % de l’ensemble des déchets produits en France, ils mobilisent 61,5 % du total des dépenses correspondantes, qui s’élèvent à 15,9 milliards d’euros. Or, 81,5 % de ces dépenses sont financées par la fiscalité locale, et seulement 10 % par les filières de responsabilité élargie des producteurs (REP), autrement dit ceux qui mettent sur le marché des produits destinés à devenir des déchets. Zero Waste France rappelle régulièrement la nécessité de renforcer la responsabilité des producteurs afin de réduire la production de déchets à la source, pour que les collectivités et indirectement les citoyen·es n’aient pas à assumer la majorité du coût lié à leur gestion en aval.
L’association propose également depuis plusieurs années la généralisation de la tarification incitative : l’idée est de faire payer aux habitant·es une redevance en fonction de la quantité de déchets produits, pour les inciter d’abord à réduire le poids de leurs poubelles, et ensuite à mieux trier. Car aujourd’hui, c’est la taxe d’enlèvement sur les ordures ménagères (TEOM) qui prévaut dans la plupart des collectivités, alors qu’elle est calculée sur la valeur locative du logement, donc sans rapport avec la quantité de déchets jetés.
Dès 2011, la Cour des comptes indiquait que la part financée par l’usager était insuffisamment incitative. Quel constat porte-t-elle en 2022 ? “La tarification incitative (taxe ou redevance d’enlèvement des ordures ménagères), qui devait concerner 15 millions d’habitants en 2020 selon le code de l’environnement (art L 541-1), n’atteint aujourd’hui que 6 millions de personnes.”
Beaucoup de collectivités se montrent encore réticentes à mettre en place ce système, même si la loi les oblige à instaurer la tarification incitative à terme. Néanmoins, la Cour souligne les vertus d’une telle mesure : “La tarification ou fiscalité incitative a pourtant montré son efficacité dans la réduction des tonnages collectés et des coûts de gestion, en France comme à l’étranger. Une nouvelle étape est donc aujourd’hui nécessaire pour encourager les EPCI [établissements publics de coopération intercommunale] à l’adopter.”
Prévenir les déchets : à quand un coup d’accélérateur ?
Ainsi, il y a urgence à réduire la quantité de déchets, le rapport évoquant au passage la hiérarchie des modes de traitement : prévention, réemploi, réutilisation, recyclage, valorisation énergétique et enfin élimination. Cependant, cette hiérarchie n’apparaît pas respectée dans les faits.
Même si la prévention est affichée comme une priorité dans la loi, les collectivités et les éco-organismes (chargés de collecter les contributions des entreprises dans le cadre des filières REP) manquent cruellement d’ambition en la matière, selon l’institution financière. Concernant les entreprises, celles-ci “ne sauraient s’exonérer de cette responsabilité par leur seule contribution financière auprès des éco-organismes. Elles doivent aussi réduire les matières mises sur le marché.” Et “les collectivités territoriales, de leur côté, ne consacrent qu’environ 1 % du coût total du service public de gestion des déchets (SPGD) à la prévention”.
Dans le même temps, les collectivités accusent beaucoup de retard dans la mise en place du tri des biodéchets, qu’elles doivent déployer le 31 décembre 2023 au plus tard. Les déchets plastiques, avec tous les dégâts environnementaux qu’ils induisent, ne sont pas non plus encore assez triés, ce qui explique en partie un taux de recyclage en France inférieur à celui des pays européens plus avancés. Conséquence directe : les autorités misent encore trop sur l’incinération des déchets pour éviter leur mise en décharge.
Le rapport se termine sur plusieurs recommandations, visant à “améliorer la lisibilité et la transparence des résultats” de la gestion des déchets d’une part, et à “renforcer les incitations inspirées de l’économie circulaire” d’autre part. Notons que la tarification incitative fait l’objet de l’une d’elles, en proposant d’alléger son coût pour les intercommunalités grâce à un financement complémentaire. Afin de réduire la dépense publique de gestion des déchets, Zero Waste France porte actuellement de nombreuses propositions dans le cadre du projet de loi de finances 2023 : les débats seront l’occasion de voir quel est le niveau d’ambition des élu·es pour prévenir les déchets et amoindrir leur coût.