Recyclage du polystyrène : une « impasse » pour Zero Waste France
Une enquête du Monde et Franceinfo indique que le gouvernement a investi des centaines de millions d’euros, sans succès, pour développer le recyclage du polystyrène. Zero Waste France demande le maintien de l’interdiction de ce matériau nocif pour l’environnement et la santé humaine en 2025.
L’association appelle à mettre en place une commission d’enquête parlementaire après les élections législatives pour faire la lumière sur ces dépenses.
Une interdiction en 2025 remise en question par le gouvernement
Adoptée en 2021, la loi Climat et résilience dispose que les emballages en polystyrène seront interdits à partir de 2025 s’ils sont non-recyclables et dans l’incapacité d’intégrer une filière de recyclage. Pour échapper à cette interdiction, un consortium d’industriels de l’emballage, du recyclage et de l’agroalimentaire (dont Bigard, Lactalis, Yoplait, Les Mousquetaires…) s’était alors engagé à développer une nouvelle filière de recyclage capable de produire une matière recyclée avec retour au contact alimentaire, permettant le recyclage effectif de 100% des emballages en polystyrène collectés et triés en France en 2025 [1].
En 2024, alors que 300 millions d’euros de soutiens publics ont été investis via France 2030 pour “renforcer l’investissement dans la chaîne de recyclage et d’incorporation de matières plastiques” [2], cette filière n’a toujours pas émergé. Pourtant, le 4 juin 2024, lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, la ministre Dominique Faure a exprimé l’intention de reporter l’interdiction des emballages en polystyrène à 2030.
“Un tel report de l’interdiction, demandé par les lobbys industriels, serait inacceptable et en totale contradiction avec les objectifs de réduction et de recyclage des déchets plastiques », déplore Charlotte Soulary, responsable du plaidoyer de Zero Waste France. “Dès 2021, le gouvernement avait tous les éléments pour savoir que le recyclage du polystyrène était une impasse. Pourtant, des centaines de millions d’euros ont été investis. Il s’agit là d’un véritable gaspillage d’argent public, alors même qu’une politique publique forte en faveur du réemploi des emballages se fait cruellement attendre”.
Une filière de recyclage en échec
Sur les 2,2 millions de tonnes d’emballages en plastique ménagers, industriels et commerciaux qui sont mis sur le marché en France chaque année, le polystyrène représente à lui seul plus de 350 000 tonnes (16%) [3]. Le polystyrène est actuellement utilisé pour fabriquer des emballages alimentaires largement répandus, comme les pots de yaourt individuels, et ne se recycle pas. Seul 3 à 4% du gisement est exporté hors de France pour être recyclé en boucle ouverte, c’est-à-dire en objets non aptes au contact alimentaire, tels que des cintres ou des pots de fleurs.
Si les industriels du secteur communiquent régulièrement dans la presse sur leurs initiatives, aucune usine viable pour un recyclage à grande échelle en boucle fermée n’a vu le jour, malgré les engagements.
“Le traité international sur les déchets de Bâle précise qu’on ne peut pas considérer comme du recyclage quelque chose qui n’est pas opérationnel et à l’échelle, et ce n’est évidemment pas du tout le cas pour le polystyrène aujourd’hui en France”, souligne Bénédicte Kjaer-Kahlat, responsable des affaires juridiques de Zero Waste France. “Le gouvernement n’a pas, et n’a jamais eu, les garanties suffisantes pour accorder un nouveau délai aux acteurs du secteur. Il faut dès aujourd’hui couper le robinet des subventions publiques pour ces projets de recyclage du polystyrène !”
L’association Zero Waste France demande une commission d’enquête parlementaire après les élections législatives.
Un matériau nocif pour l’environnement et la santé humaine
Tout au long de son cycle de vie, le polystyrène a un coût environnemental et sanitaire considérable.
- Une étude scientifique récente montre un potentiel lien entre les nanoparticules de polystyrène et la maladie de Parkinson [4].
- La matière qui compose le polystyrène a été reconnue comme “cancérigène probable” par l’OMS [5].
- 96 à 97% des emballages en polystyrène ménagers sont incinérés ou enfouis, propageant des émissions de gaz à effet de serre et des substances dangereuses qui ont des répercussions sur le climat, sur la santé humaine et sur la biodiversité.
- En 2022, le polystyrène représentait 42% des plastiques incinérés et 27% des mises en décharge [6].
- Les fragments de polystyrène sont l’un des 10 déchets les plus retrouvés sur les plages et dans les fonds marins [7].
Sources :
[2] ADEME, Appel à projets national « Recyclage des plastiques, composites et élastomères »
[3] Ministère de la transition écologique, Réduction de l’impact environnemental du plastique : engagement des acteurs de la filière polystyrène, mai 2022
[4] Science Advances, Anionic nanoplastic contaminants promote Parkinson’s disease–associated α-synuclein aggregation, novembre 2023
[5] OMS / Agence internationale pour la recherche sur le cancer, Styrene, Styrene-7,8-oxide, and Quinoline, 2019
[6] Geo, Pollution plastique : ce matériau très polluant que la France ne sait pas recycler, novembre 2022
[7] Surfrider Foundation Europe, Quels sont les déchets les plus retrouvés sur les plages en 2022 ?