Réduire les déchets pour agir sur le climat
Alors que la 26e conférence annuelle de l’ONU sur le climat (COP26) démarre dans un contexte d’urgence climatique et environnementale toujours plus pressant, Zero Waste France revient sur les liens fondamentaux (et souvent ignorés) entre déchets et climat.
Le traitement des déchets, un secteur émetteur de gaz à effet de serre
L’impact climatique des déchets en France est évalué à environ 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’après le Haut Conseil pour le climat ; ce pourcentage prend en compte les émissions des principaux modes de traitement des déchets ainsi que le traitement des eaux usées.
Les décharges, aussi appelées installations de stockage de déchets dangereux et non-dangereux, sont désignées comme les premières coupables de cet impact climatique du secteur des déchets. En effet, elles sont fortement émettrices de méthane, un gaz moins connu que le CO2 mais pourtant environ 30 fois plus réchauffant : ainsi, les décharges sont responsables de 21 % des émissions françaises de méthane, et de 83 % des émissions de GES du secteur du traitement des déchets en France. La mise en décharge est donc responsable d’une part centrale des émissions de GES, alors même que le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) insiste particulièrement sur l’urgence à réduire les émissions de méthane mondiales.
L’incinération n’est pas en reste : pour chaque tonne de déchets incinérée est émise au moins une tonne de CO2. Cependant, seule une partie de ces émissions est prise en compte dans le calcul de l’impact carbone du secteur : sont exclues les émissions issues de la combustion des déchets de la biomasse (déchets organiques, papier, bois) alors qu’elles viennent bel et bien contribuer au réchauffement climatique. De ce fait, l’énergie produite par les incinérateurs est qualifiée en partie d’énergie renouvelable, au prétexte qu’elle résulte pour moitié de la combustion de biomasse. Cette qualification est abusive, dans la mesure où les biodéchets contiennent majoritairement de l’eau et ne peuvent brûler que grâce à la présence de matériaux non renouvelables, notamment ceux issus du pétrole comme les plastiques. De plus, cette matière organique est gaspillée en étant brûlée alors qu’elle pourrait retourner à la terre pour enrichir les sols et en particulier les cultures alimentaires, par le biais du compostage.
La très faible flexibilité des incinérateurs, conçus pour fonctionner avec une quantité de déchets constante, se transforme alors en frein aux politiques publiques de prévention des déchets et entraîne l’incinération de nombreux matériaux réutilisables, réparables ou compostables – autant de matériaux qui vont donc émettre des gaz polluants lors de cette étape de traitement, alors même que leur fabrication aura été elle-même source d’un impact climatique considérable.
Au-delà de l’impact aval, des émissions à chaque étape du cycle de vie des produits
Au début des années 2010, le cabinet Carbone 4 a démontré que, sur les 10,5 tonnes équivalent CO2 émises par personne en France, 23 % provenaient de l’achat de produits manufacturés (textile, équipements électroniques, mobilier, voitures, etc.), faisant de ce poste d’émissions le deuxième plus important juste après l’alimentation.
En effet, la fabrication de produits de consommation est particulièrement émettrice de gaz à effet de serre. L’extraction de matières premières nécessaires à la fabrication en amont représente à elle seule un poste d’émissions conséquent ; s’ajoutent à cela la transformation de la matière première en produit, son conditionnement ensuite puis son transport jusqu’au lieu de vente ou directement chez les consommateurs et consommatrices : autant d’étapes qui apportent chacune leur lot d’émissions de GES. D’après Circle Economy, 62 % des émissions mondiales de GES proviennent ainsi de l’extraction, la transformation et la fabrication des biens de consommation.
L’impact climatique de la production est d’autant plus criant lorsque l’on se penche en particulier sur le cas du plastique : alors que plus de 99 % des plastiques sont fabriqués à partir de matières premières fossiles aux processus d’extraction particulièrement émetteurs, le Center for International Environmental Law estime que la production de plastiques pourrait générer à elle seule 53,5 milliards de tonnes d’émissions de CO2 d’ici 2050. Ainsi, si la production et l’élimination du plastique continuent sur leur trajectoire de croissance actuelle, ces émissions pourraient atteindre 2,8 gigatonnes de CO2 par an d’ici 2050, soit autant d’émissions que 615 centrales à charbon de 500 mégawatts.
Plastic fuels climate crisisFinalement, l’impact climatique des déchets ne se limite pas à leur seul traitement ; du début à leur fin de vie, les produits qui deviennent des déchets émettent une quantité massive et non négligeable de gaz à effet de serre. Plus que le traitement, c’est l’étape de production qui se révèle la plus émettrice – d’où l’intérêt et la nécessité de développer des logiques de réemploi et de réparation pour allonger la durée de vie de nos objets et diminuer d’autant la pression climatique induite par leur fabrication.