Strasbourg : des émissions d’incinération non maitrisées
En grève le mois d’avril, le personnel de l’usine d’incinération de Strasbourg met en évidence les limites du contrôle des installations d’incinérations en France.
Des équipements de protection insuffisants
Initialement en grève pour demander de meilleures conditions de travail et surtout une meilleure protection des salariés, le personnel de l’installation d’incinération exploité par Sénerval (filiale du groupe Séché Environnement) a fait valoir son droit de retrait.
Les employés évoluent en effet sur le site avec des protections individuelles très légères (simples masques de protection) et sont exposés aux résidus d’incinération que sont les mâchefers et les REFIOMs. Selon leurs dires, on compte sur le site “30 tonnes de cendres à l’air libre chaque semaine”. Or ces substances contiennent des métaux lourds, des agents cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques qui peuvent mettre en danger leur santé.
Une installation vieillissante
Sur le site de Strasbourg, le nombre d’incidents de chaudières est passé de 5 par an à 90 en 2013 et à 15 sur les trois premiers mois de fonctionnement en 2014. La modernisation des chaudières (datant de 1974), prévue par l’exploitant, a été repoussée. Résultat : les électrofiltres qui traitent les fumées subissent la vétusté des chaudières et s’encrassent, demandant des efforts de maintenance supplémentaires.
Ces nombreux arrêts sont dus aux crevaisons des tubes des chaudières qui entraînent l’arrêt “en catastrophe” de la ligne de four concernée. Il s’ensuit l’ouverture de l’exutoire de sécurité de la chambre de combustion qui met directement à l’atmosphère, sans aucun traitement, les fumées qui résultent de la combustion imparfaite des déchets encore présents dans le four. Ainsi, la fumée mise à l’atmosphère résulte d’une combustion dégradée avec de nombreux polluants non maîtrisés et non contrôlés : du monoxyde de carbone, des dioxines, des métaux lourds et beaucoup de particules solides imbrûlées.
Des données d’exploitation faussées
Les analyses des fumées de l’installation fournies par l’exploitant aux autorités compétentes, en l’occurrence la Dreal, et celles enregistrées par le personnel seraient divergentes : les rapports mensuels transmis à la Dreal indiqueraient par exemple des arrêts de fours alors que, selon les données enregistrées par le personnel via le système de contrôle, ils resteraient en activité à ce moment. Ces émissions ne seraient donc pas comptabilisées dans les moyennes transmises à la Dreal.
Par ailleurs, “les rejets dans l’air ont dépassé les seuils autorisés”, d’après un communiqué de presse de la Préfecture du Bas-Rhin, sans que l’exploitant ne soit inquiété.
Ainsi, les émissions enregistrées (de manière continue) ont dépassé les normes maximales autorisées, parfois plus de six fois pour les poussières et plus du double pour les NOx d’après le données du personnel.
En outre, pour les polluants non mesurés en continu, il est facile d’imaginer comment des moyennes mensuelles d’émissions de polluants peuvent dissimuler des pics d’émissions courts chargés en polluants.
Un contrôle approfondi des installations a amené le Préfet à prendre des dispositions supplémentaires par un arrêté qui “met en doute la fiabilité de l’enregistrement des données environnementales”. Ces dispositions doivent renforcer les mesures à prendre à court terme avant le redémarrage des installations, imposant notamment une surveillance accrue des fours et des rejets dans l’air et un plan de maintenance préventive pour les six prochains mois.
Ironie : cet arrêté astreint l’exploitant à “justifier la conformité des rejets”…. ce qui est à l’origine une obligation pure et simple. Ce rappel à l’ordre met donc en évidence de manière certaine les failles du système actuel du contrôle des émissions par les autorités et les dangers d’une autosurveillance par les exploitants.