TGAP déchets : le Gouvernement propose une réforme ambitieuse dans le projet de loi de finances pour 2019

Le Gouvernement propose de réformer la taxe générale sur les activités polluantes applicable aux décharges et aux incinérateurs. Décryptage d'une mesure attendue de longue date.

Newsletter
Partager

Portée par Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle, actée dans la feuille de route pour l’économie circulaire en avril 2018, la réforme de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) est désormais sur le bureau du Parlement dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2019. Zero Waste France salue une mesure qui pourrait faire considérablement progresser la prévention des déchets et le recyclage dans les prochaines années.

NB du 22 décembre 2018 : la réforme ayant été adoptée, vous pouvez consulter cet article pour en connaître le contenu définitif.

Une réforme ambitieuse pour accompagner la loi de transition écologique

Des années après la dernière réforme majeure en la matière, lors du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement propose des taux à la hauteur des enjeux de la transition vers une économie circulaire, laquelle passe notamment par une hausse significative du coût de la mise en décharge et de l’incinération (comme le pointait l’Ademe en 2017 dans un comparatif entre différents Etats).

Dans le projet de loi de finances, le Gouvernement favorise ainsi une hausse crantée, en 2021 d’abord, puis progressivement jusqu’en 2025. Le signal envoyé aux collectivités locales, aux entreprises productrices de déchets et aux exploitants de décharges et d’incinérateurs est très clair : il est temps d’investir dans les solutions permettant la réduction des déchets à la source, le tri et le recyclage.

En 2021, la TGAP décharge passerait à 30€ / 54€ par tonne de déchets enfouie (fourchette en fonction des modalités d’exploitation des sites), jusqu’à atteindre un taux uniforme de 65€ par tonne en 2025. La TGAP incinération passerait à 8€ / 20€ en 2021 (fourchette en fonction des modalités d’exploitation), jusqu’à 15€ / 25€ la tonne en 2025. Cette hausse toucherait également les usines faisant de la valorisation énergétique, signal important et cohérent à l’heure où certaines collectivités et industriels du secteurs considèrent à tort l’incinération comme une technologie « circulaire ».

La date de 2021 retenue est ainsi particulièrement stratégique : quelques années avant les objectifs de la loi de transition énergétique majoritairement fixés en 2022 et 2025, cette date est aussi suffisamment proche pour faire respecter des textes déjà votés, comme le tri des 5 flux par les entreprises, en vigueur depuis le 1er juillet 2016.

Les collectivités d’Outre-mer se voient appliqués une dérogation, ce qui constitue une ombre au tableau de cette réforme. A l’heure où beaucoup reste encore à faire dans ces territoires dont certains envisagent de construire des usines d’incinération, une TGAP très faible constitue un contre-signal.

Des mesures d’accompagnement pour tendre vers l’économie circulaire

D’ici 2021, les collectivités et les entreprises ont le temps de développer des solutions sur le terrain pour réduire considérablement les quantités de déchets envoyés en décharge et en incinérateurs. Là est bien le but de la TGAP : changer structurellement les pratiques et les comportements.

Du côté des entreprises, le signal est clair : il sera nécessaire pour celles-ci d’organiser au plus vite le tri de leurs déchets (on pense par exemple au secteur de la restauration rapide qui balbutie encore en la matière) et de réduire le recours au tout jetable dans leurs activités.

Du côté des collectivités locales, les marges de progression sont encore très importantes pour détourner les déchets de l’élimination. En moyenne, environ 260 kg de déchets résiduels sont encore envoyés en décharge ou incinérés, alors qu’une part importante du gisement est évitable, recyclable ou compostable (un tiers de la poubelle des ménages est par exemple constituée de déchets organiques compostables). Le rééquilibrage de la TGAP y compris sur l’incinération avec valorisation énergétique, instaure de l’équité entre collectivités rurales et grandes Métropoles, ces derniers ayant des performances parmi les moins bonnes et qui paradoxalement jouissaient jusqu’alors de taux de TGAP très faibles sur leurs usines d’incinération.

Rappelons que les collectivités étant parvenues à des ratios faibles d’ordures ménagères résiduelle sont celles qui, selon les statistiques agrégées par l’Ademe, ont les coûts les plus faibles ramenés par habitant (voir le référentiel national des coûts). L’objectif de la TGAP est avant tout d’éviter l’envoi de déchets en décharge et incinération et donc réaliser des économies sur ces modes de traitement (une tonne non envoyée en incinération économise la TGAP afférente, mais aussi la facturation globale pour le traitement de ladite tonne).

Le gouvernement propose par ailleurs des mesures d’accompagnement : baisse de la TVA sur les opérations de collecte séparée, de tri et de valorisation matière des déchets, création prochaine de nouvelles filières de responsabilité élargie des producteurs (déchets d’équipements sportifs, jouets, articles de bricolage…), facilitation du passage en tarification incitative pour les collectivités, etc.

Zero Waste France salue le niveau d’ambition de cette réforme longtemps attendue, espère que le Parlement n’en reverra pas les ambitions à la baisse, et attend de cette réforme un changement de paradigme de la part des acteurs du traitement des déchets, la fiscalité écologique étant avant tout un vecteur d’action.

En synthèse :

  • A l’heure actuelle, la mise en décharge et l’incinération coûtent moins cher que le recyclage et la prévention des déchets (pointé par une étude de l’Ademe de 2017). La TGAP constitue l’outil fondamental pour inverser cet état de fait.
  • La hausse des taux sera indolore pour les acteurs concernés s’ils prennent des mesures pour réduire les déchets : les marges de manœuvre sont encore importantes pour ce faire (très peu de tri des acteurs privés, division par deux des déchets résiduels atteignable pour de nombreuses collectivités).
  • Le signal envoyé avec une forte augmentation en 2021 est tout aussi important que l’augmentation en elle-même : il donne de la visibilité suffisante et le temps nécessaire pour s’adapter, et assure que la réforme soit indolore pour ceux qui auront pris les bonnes mesures.
  • La hausse de la TGAP sur les usines d’incinération, y compris celles pratiquant la valorisation énergétique, est essentielle pour éviter un simple transfert de la décharge vers l’incinération, et assurer une certaine équité entre territoires ruraux et urbains.

Pour aller plus loin, les taux exacts projetés

Actualités

11 juillet 2024

Plastique : en Normandie, le projet de recyclage chimique Eastman suscite l’inquiétude

A Saint-Jean-de-Folleville (76), le projet Eastman pourrait être l'un des plus grands projets de recyclage chimique au monde. Problèmes : ce procédé n’a jamais fait ses preuves, ses impacts enviro[...]

à la une
26 juin 2024

Élections législatives : soutenir une transition écologique juste

Les 30 juin et 7 juillet prochains, tous·tes les Français·es seront appelé·es aux urnes pour élire leurs représentant·es à l’Assemblée nationale. Face à la menace de l’extrême droite, Zero Waste F[...]

17 juin 2024

Recyclage du polystyrène : une « impasse » pour Zero Waste France

Une enquête du Monde et Franceinfo indique que le gouvernement a investi des centaines de millions d’euros, sans succès, pour développer le recyclage du polystyrène. Zero Waste France demande le m[...]

11 juin 2024

Extrême droite : la position de Zero Waste France

Le score historique de l'extrême-droite aux élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale constituent un énorme risque pour la transition écologique et la réduction des déchets.[...]

07 juin 2024

Préservation des ressources, réduction des déchets : pourquoi nous avons besoin d’une Europe ambitieuse

Interdiction de plastiques à usage unique, responsabilité des producteurs : des règles qui ont en commun de résulter du droit de l'UE. À l’occasion du renouvellement du Parlement européen, Zero Wa[...]

06 juin 2024

Sondage : les Français·es majoritairement favorables à l’interdiction des bouteilles en plastique de moins de 50 cl

Alors que les scandales dans le secteur de l’eau en bouteille se succèdent, un sondage OpinionWay pour les associations Zero Waste France et No Plastic In My Sea, rendu public ce jour, montre que [...]

29 mai 2024

Evaluation de la loi AGEC : les associations appellent le gouvernement à mettre en oeuvre rapidement les recommandations des parlementaires

Alors que la mission d’évaluation de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) a rendu ce jour son rapport, les associations Zero Waste France, No Plastic In My Sea, Les Amis de l[...]

14 mai 2024

Tendances maison : un nouveau rapport dénonce les dérives de la fast-déco

Dans un nouveau rapport, Zero Waste France, le Réseau National des Ressourceries et Recycleries et les Amis de la Terre France pointent l’emballement de la production dans l’ameublement et la déco[...]

14 mai 2024

Célébration du militantisme pour le réseau Zero Waste

Cette année encore, Zero Waste France a profité de l’arrivée des beaux jours pour inviter les militant·es du réseau à un week-end de militantisme et de convivialité à la Maison du Zéro Déchet. [...]

30 avril 2024

Traité mondial sur la pollution plastique : des avancées insuffisantes pour la 4e session de négociations (INC-4)

La 4e session de négociations internationales sur la pollution plastique (INC-4) a pris fin cette nuit. Pour Zero Waste France, les progrès sont réels, mais encore insuffisants. Elle appelle à pou[...]