Zero Waste France dépose un recours contre le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) de Bretagne

Adopté le 23 mars 2020, le PRPGD Bretagne a été identifié par de nombreuses associations environnementales locales et nationales, dont Zero Waste France, comme imprécis et insuffisant au regard de la réglementation applicable. Un recours a donc été déposé par ces associations le 20 août 2020 devant le Tribunal administratif de Rennes.

Newsletter
Partager

Mise à jour du 21/09/2023

Par un jugement en date du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a partiellement fait droit aux demandes formulées par Zero Waste [1] et Eau et Rivières de Bretagne, à la suite de leur recours introduit à l’encontre du PRPGD de Bretagne il y a maintenant plus de trois ans.

C’est une victoire relative pour nos associations. En effet, notre argumentaire principal, qui s’articulait autour du manque de prescriptivité du plan, a été balayé par les juges. Concrètement, à chaque fois que la région disposait d’une marge de manœuvre dans la rédaction des orientations et des actions concrètes qu’elle prévoit de mettre en œuvre afin d’assurer le caractère opérationnel du plan, le tribunal a jugé que le plan était suffisamment précis, contrairement à ce que soutenaient nos associations.

Ainsi, le tribunal a uniquement reçu nos demandes relatives à des éléments expressément prévus par les textes, mais dont il a pu constater l’absence au sein du Plan :

  • un calendrier portant sur la mise en œuvre des actions prévues/à prévoir pour atteindre les objectifs de gestion des déchets en matière de recyclage et de valorisation ;
  • la planification du déploiement de modalités harmonisées de collecte séparée des déchets d’emballages ménagers et de papiers graphiques.

Le tribunal a donné 6 mois à la région pour compléter le plan avec ces éléments, et l’a condamné à la prise en charge des frais de procédure des associations.

Le PRPGD Bretagne, un document non conforme aux exigences réglementaires

La réglementation applicable impose notamment aux PRPGD de mentionner “les installations qu’il apparaît nécessaire de créer, d’adapter ou de fermer” (article R541-16-I 5° du Code de l’environnement). Or, le plan breton a privilégié une extrême souplesse au mépris de cette réglementation : il comporte des énoncés souples et des objectifs flous concernant les différentes filières déchets, sans prescriptions claires ni mise en œuvre concrète associée aux objectifs fixés.

Ce manque de prescriptivité se manifeste sur un grand nombre de thématiques abordées dans le plan. A titre d’exemple, concernant l’incinération, le plan précise qu’il convient de « s’assurer de la bonne corrélation entre gisements de déchets et capacité de valorisation énergétique », et identifie bien une capacité technique d’incinération avec valorisation énergétique de 671 000 tonnes par an pour un besoin évalué équivalent en 2025, mais ne tire aucune recommandation sur les conséquences à tirer de ce constat. Pour répondre aux exigences réglementaires en termes de prescriptivité, il aurait fallu que le plan conclue clairement sur l’absence de besoin de nouvelles capacités d’incinération. Il en va de même concernant la gestion séparée des biodéchets, enjeu majeur des années à venir nécessitant des capacités opérationnelles de traitement : le plan se borne à considérer que « la valorisation des déchets organiques nécessitera la création de nouveaux sites de valorisation par compostage ou méthanisation », sans planifier la mise en adéquation du gisement de biodéchets à traiter et des capacités de traitement disponibles ou à créer.

Afin d’obtenir l’intégration dans ce plan de mesures plus prescriptives, un recours gracieux a été déposé par Zero Waste France et plusieurs associations environnementales bretonnes : Eaux & Rivières de Bretagne, Zero Waste Pays d’Auray, Zero Waste Pays de Rennes, Mes poubelles au régime et Zero Waste Cornouaille. Dans sa décision de rejet du recours gracieux rendue le 24 juin 2020, la région Bretagne fait valoir une « méthode bretonne » et un souhait de « moins de planification, plus d’action », balayant ainsi son obligation légale d’adopter un plan véritablement prescriptif.

C’est suite à ce rejet que la décision a été prise par les différentes associations requérantes de déposer un recours devant le Tribunal administratif de Rennes, pour obtenir l’annulation d’un certain nombre de passages du plan en tant qu’ils ne sont pas suffisamment clairs et prescriptifs (et également l’annulation du rejet du recours gracieux).

La prescriptivité du PRPGD, un enjeu central pour son effectivité

La réglementation (article L. 541-15 du Code de l’environnement) impose une obligation de compatibilité au PRPGD des projets des collectivités locales ainsi que des autorisations délivrées au titre de la réglementation ICPE – parmi lesquelles figurent notamment les autorisations d’exploiter des incinérateurs, et toutes autres installations de traitement des déchets.

Ce rapport de compatibilité est ce qui donne au plan une portée juridique concrète, pouvant ensuite permettre de faire échec à des projets d’installations de traitement des déchets qui ne correspondraient pas à ce qui est défini dans le plan. Il implique, pour sa mise en œuvre, un certain degré de clarté et de précision de la part de l’autorité de planification ; en effet, une règle de planification vague, floue ou stéréotypée ne permet pas aux autorités inférieures de se positionner à la lumière du plan. A l’inverse, lorsque le plan donne un cap, ce document constitue une base juridique forte pour les acteurs locaux afin de légitimer de nouvelles filières et la mobilisation des parties prenantes.

Dans le cas du PRPGD Bretagne, l’absence de prescriptions claires va de pair avec l’impossibilité de le rendre opposable aux tiers, et notamment aux porteurs de projets d’installations de traitement de déchets, dans la mesure où aucune obligation à la charge des opérateurs ne peut être tirée du document.

Par le biais du recours déposé devant le Tribunal administratif de Rennes, Zero Waste France espère obtenir une décision de justice imposant à la région Bretagne de rendre son plan plus prescriptif, pour disposer d’un outil juridiquement contraignant et à même d’accompagner une trajectoire concrète de réduction des déchets sur le territoire. Le recours s’accompagne d’une demande tendant à clarifier les lignes budgétaires allouées à la prévention et au tri des déchets, dans le cadre du plan d’action du PRPGD.

____

[1] Plusieurs groupes locaux étaient co-requérants (demandeurs) dans cette affaire, aux côtés de Zero Waste France : Zero Waste Pays d’Auray, Zero Waste Pays de Rennes, Zero Waste Cornouaille ainsi que Mes poubelles au régime.

Actualités

21 février 2025

DEVOIR DE VIGILANCE EN MATIÈRE DE PLASTIQUE : LES ONG ET DANONE PARVIENNENT À UN ACCORD DANS LE CADRE D’UNE MÉDIATION

En janvier 2023, la coalition d’ONG ClientEarth, Surfrider Foundation Europe, et Zero Waste France assignait la société Danone pour non-respect à leurs yeux du devoir de vigilance en matière de pl[...]

11 février 2025

Règlement emballages (PPWR) : un socle minimal pour des politiques publiques de prévention et de réemploi ambitieuses

Dans le cadre du Pacte Vert, la Commission européenne dévoilait fin 2022 son projet de texte visant à harmoniser les règles relatives aux emballages. Le règlement dit “PPWR” entre finalement en vi[...]

à la une
10 février 2025

5e anniversaire de la loi AGEC : la France doit redoubler d’efforts pour sortir du tout-jetable

Promulguée le 10 février 2020, la loi AGEC a initié un élan pionnier en faveur de la réduction des déchets et de la préservation des ressources. 5 ans plus tard, No Plastic In My Sea, Surfrider Fo[...]

20 janvier 2025

Aux côtés de 86 organisations, Zero Waste France quitte X

Zero Waste France s'associe à 86 associations et syndicats qui annoncent quitter collectivement le réseau social X (ex-Twitter) ce lundi 20 janvier, jour de l’investiture de Donald Trump. En soute[...]

09 janvier 2025

Loi Industrie Verte : Notre Affaire à Tous et Zero Waste France demandent au Conseil d’État l’annulation des décrets d’application

Notre Affaire à Tous et Zero Waste France contestent devant la justice la légalité de trois décrets d’application de la loi Industrie Verte. Ils opèrent en effet un détricotage massif du droit de [...]

01 janvier 2025

Interdictions au 1ᵉʳ janvier 2025 : éviter les retours en arrière

De nouvelles dispositions réglementaires s’appliquent au 1ᵉʳ janvier 2025, concernant notamment l’interdiction de plastique à usage unique. Zero Waste France décrypte les nouveautés et alerte sur [...]

17 décembre 2024

Tri à la source des biodéchets : un an après l’obligation, un bilan insuffisant

Un an après l’entrée en vigueur de l’obligation de tri à la source des biodéchets, Zero Waste France a interrogé ses groupes locaux et adhérent·es à travers le pays. Notre constat : l’accès à des [...]

16 décembre 2024

Décharges : comment réduire une source majeure de gaz à effet de serre ?

En France, près de 75% des émissions de gaz à effet de serre du secteur des déchets proviennent des décharges. Zero Waste France alerte face au méthane encore généré par la décomposition des biodé[...]

13 décembre 2024

2024 : Retour sur une année d’actions

Tout au long de l’année 2024, nous avons enquêté et alerté sur les dérives de la surproduction, interpellé les pouvoirs publics pour faire avancer la réglementation, et défendu une démarche zéro d[...]

10 décembre 2024

Textiles sanitaires à usage unique : une filière REP attendue, mais déjà décevante

Promise comme une avancée majeure, la filière REP pour les Textiles Sanitaires à Usage Unique se limite, dans son projet d’arrêté, aux seules lingettes. Pour Zero Waste France, cette restriction c[...]